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Michel Havard
Question N° 52033 au Ministère du des sceaux


Question soumise le 16 juin 2009

M. Michel Havard appelle l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la question liée au délai de prescription des crimes de sang dans notre pays. En matière de crime et sous réserve des dispositions de l'article 213-5 du code pénal, l'action publique se prescrit par dix années révolues à compter du jour où le crime a été commis si, dans cet intervalle, il n'a été fait aucun acte d'instruction ou de poursuite. S'il en a été effectué dans cet intervalle, elle ne se prescrit qu'après dix années révolues à compter du dernier acte. Il en est ainsi même à l'égard des personnes qui ne seraient pas impliquées dans cet acte d'instruction ou de poursuite. La prescription est justifiée par le fait, qu'au delà d'un certain délai, le trouble causé par l'infraction disparaît et que les preuves disparaissent avec le temps, ce qui augmente le risque d'erreur judiciaire augmente. Néanmoins, depuis quelques années, les remarquables progrès de la science et de la biologie permettent une exploitation de traces infimes d'ADN et rendent ainsi possible, ainsi que le démontrent plusieurs affaires criminelles récentes, l'identification avec un très faible risque d'erreur, d'auteurs de crimes très anciens. En outre, l'allongement continu de la durée de vie permet à présent de retrouver vivants et en bonne santé les auteurs de crimes de sang plusieurs décennies après les faits. Il semble donc opportun, compte tenu de cette évolution scientifique et démographique et du devoir de sanction et de réparation pénales et morales dû aux victimes de ces crimes, d'allonger ce délai de prescription pour permettre à la justice de mieux remplir sa mission à l'égard de la société. Il faut enfin souligner que cet allongement correspond à une demande forte de nos concitoyens. Il lui demande donc de bien vouloir lui indiquer quel est l'état de la réflexion du Gouvernement à ce sujet.

Réponse émise le 8 septembre 2009

Le régime de prescription en matière criminelle est d'ores et déjà fixé de manière précise par les dispositions du code de procédure pénale et pour partie dérogatoire au droit commun. En effet, aux termes de l'article 7 du code de procédure pénale, « en matière de crime et sous réserve des dispositions de l'article 213-5 du code pénal, l'action publique se prescrit par dix années révolues à compter du jour où le crime a été commis si, dans cet intervalle, il n'a été fait aucun acte d'instruction ou de poursuite. S'il en a été effectué dans cet intervalle, elle ne se prescrit qu'après dix années révolues à compter du dernier acte. Il en est ainsi même à l'égard des personnes qui ne seraient pas impliquées dans cet acte d'instruction ou de poursuite. Le délai de prescription de l'action publique des crimes mentionnés à l'article 706-47 du présent code et le crime prévu par l'article 222-10 du code pénal, lorsqu'ils sont commis sur des mineurs, est de vingt ans et ne commence à courir qu'à partir de la majorité de ces derniers ». Le législateur et la jurisprudence ont ainsi été amenés à prendre en compte la spécificité de certaines infractions, en instaurant deux types de règles dérogatoires à la prescription : l'allongement de certains délais et le report du point de départ du délai. Le nouveau code pénal, entré en vigueur le 1er mars 1994, a posé la règle de l'imprescriptibilité du crime contre l'humanité. En matière de terrorisme et de trafic de stupéfiants, les délais de prescription de l'action publique ont été portés à 30 ans en matière criminelle (et 20 ans en matière délictuelle) par la loi du 8 février 1995 (art. 706-25-1 et 706-31 du code de procédure pénale). Cet allongement exceptionnel des délais se justifie essentiellement par la volonté d'éviter que les auteurs de telles infractions ne puissent bénéficier de la prescription des poursuites engagées à leur encontre en raison de leur fuite à l'étranger. Le législateur a également été conduit à adopter des règles dérogatoires à la prescription en matière d'infractions commises à l'encontre des mineurs, en raison du degré de réprobation sociale particulièrement élevé de ces actes. Ainsi, le délai de prescription a été porté à vingt ans en matière de crimes, de meurtre et d'assassinat accompagnés de circonstances aggravantes, de viol, de tortures et actes de barbarie lorsque ces faits ont été commis sur des mineurs et en matière de violences ayant entraîné une mutilation d'infirmité permanente et de proxénétisme lorsque ces crimes ont été commis sur mineurs de quinze ans. Par ailleurs, le point de départ de la prescription est fixé par principe au jour de la commission de l'acte délictueux pour les infractions instantanées, au jour où cet acte a pris fin dans ses actes constitutifs et dans ses effets pour les infractions continues, et au jour du dernier acte constitutif de l'habitude pour les infractions d'habitude. Cependant, le point de départ du délai a été différé par le législateur pour les infractions commises à l'encontre des mineurs et par la jurisprudence en matière économique et financière. Il est en effet apparu nécessaire de permettre aux victimes mineures d'acquérir la maturité et la force suffisantes pour déposer plainte. Plusieurs lois ont ainsi prévu la réouverture du délai à compter de la majorité de la victime. Le délai de prescription ne commence donc à courir qu'à compter de la majorité de la victime mineure pour tous les crimes ainsi que les délits énumérés par la loi. En l'état, un allongement de la durée de prescription des crimes de sang n'est pas à l'étude et n'apparaît pas opportun. Par ailleurs, le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés estime que la notion d'imprescriptibilité, par nature exceptionnelle, doit être réservée aux seuls crimes contre l'humanité, en raison de l'irréductible spécificité de ces actes, et ne saurait être étendue à d'autres infractions. Ce point de vue est partagé dans un rapport du Sénat n° 338 du 20 juin 2007, réalisé au nom de la commission des lois et de la mission d'information de la commission des lois « Pour un droit de la prescription moderne et cohérent ». Parmi les recommandations formulées, est effectivement préconisée la conservation du caractère exceptionnel de l'imprescriptibilité en droit français réservée aux crimes contre l'humanité. Le lien nécessaire entre la gravité de l'infraction et la durée de la prescription de l'action publique est également souligné.

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