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Lionel Tardy
Question N° 5160 au Ministère de la Justice


Question soumise le 25 septembre 2007

M. Lionel Tardy attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les délais de jugements anormalement longs pour certains contentieux portés devant les tribunaux administratifs. Bien que le délai moyen soit en amélioration, cela cache de fortes disparités entre les recours qui bénéficient d'un traitement rapide (référés et le droit des étrangers) et ceux qui sont trop souvent mis en attente, avec des délais moyens de jugement des tribunaux administratifs qui dépassent deux ans. Il lui demande ce qu'elle compte faire pour améliorer les délais de jugement de la justice administrative, notamment pour les types de contentieux qui sont actuellement considérés comme non prioritaires et qui, de ce fait, risquent de provoquer des condamnations de la France devant la Cour européenne des droits de l'homme pour délais de jugement anormalement longs.

Réponse émise le 4 mars 2008

La garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire qui s'inquiète des délais de jugement de la juridiction administrative que la juridiction administrative a connu ces dernières années une augmentation très forte des contentieux mais, grâce aux efforts déployés, le délai de jugement des tribunaux administratifs a été maîtrisé. Il convient, tout d'abord, de relever l'impressionnante progression du contentieux administratif sur une longue période. Le nombre total d'affaires enregistrées devant les tribunaux administratifs (en « données brutes »), qui était voisin de 20 000 par an au début des années soixante-dix, a doublé tous les dix à douze ans. La barre des 40 000 entrées a ainsi été franchie en 1980, celle des 80 000 en 1991 et celle des 160 000 en 2004. En 2006, le nombre total d'affaires enregistrées a atteint 172 557. Il est à noter qu'à partir de 1992, le développement des séries a entraîné une progression par à-coups, ce qui a conduit à suivre les statistiques, sur la période récente, également en « données nettes », c'est-à-dire en faisant abstraction des séries de requêtes comportant une argumentation quasi identique, par exemple en matière de fonction publique. En données nettes, entre 2002 et 2006, les tribunaux administratifs ont enregistré une augmentation de 48 % du nombre des requêtes introduites, qui est passé de 112 703 en 2002 à 166 785 en 2006. Pour l'année 2007, sur la période du 1er janvier au 30 septembre, 127 940 requêtes ont été enregistrées, soit une progression de 6,7 % par rapport à la même période en 2006. Les cours administratives d'appel, quant à elles, ont connu entre 2002 et 2006 une augmentation de 38 % du nombre des entrées, passant, en données nettes, de 15 267 en 2002 à 21 083 en 2006. Pour l'année 2007, sur la période du 1er janvier au 30 septembre, 20 055 requêtes ont déjà été enregistrées, soit une progression de 16,2 par rapport à la même période en 2006. Pour faire face à cette évolution, le Gouvernement, d'une part, a consenti des efforts budgétaires importants. Dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002, cet effort a permis de créer deux nouvelles juridictions, une cour administrative d'appel à Versailles en septembre 2004 et un tribunal administratif à Nîmes en novembre 2006. L'ouverture d'un tribunal administratif à Toulon est prévue pour 2008. Cet effort a également permis de doter de moyens supplémentaires les juridictions existantes, et notamment les cours administratives d'appel, dans le cadre de contrats d'objectifs et de moyens conclus entre le Conseil d'État et chacune d'entre elles. D'autre part, différentes réformes de procédure ont été adoptées pour renforcer l'efficacité de la juridiction administrative. C'est ainsi que le décret n° 2003-543 du 24 juin 2003 a supprimé l'appel, au profit d'un recours direct en cassation, dans certaines matières de faible importance. Le décret n° 2005-911 du 28 juillet 2005 a élargi la possibilité de statuer par ordonnance sur des requêtes relevant d'une même série, dès lors que seules des questions d'exactitude matérielle des faits restent à trancher. La loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration visait à réduire le nombre de mesures de reconduite à la frontière déférées aux tribunaux administratifs, du fait de la nouvelle procédure permettant de prendre un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français, rendant inutile l'adoption ultérieure d'un arrêté de reconduite à la frontière notifié par voie postale. Enfin le décret n° 2006-1708 du 23 décembre 2006 a élargi le champ de compétence du juge statuant seul au contentieux des permis de conduire et ouvert la possibilité d'un rejet par ordonnance d'un certain nombre de requêtes manifestement dépourvues de chances de prospérer. Ces efforts ont d'ores et déjà été récompensés par une amélioration très notable des délais de jugement. Les tribunaux administratifs ont accru de 38 %, de 2002 à 2006, le nombre d'affaires jugées, passé, en données nettes, de 118 915 affaires en 2002 à 127 035 en 2003, 137 189 en 2004, 155 562 en 2005 et 164 342 en 2006. 127 940 affaires ont été traitées pour la période du 1er janvier au 30 septembre 2007. Cette progression a été obtenue, en grande partie, grâce à une augmentation du nombre d'affaires jugées par magistrat passé de 209 en 2002, à 222 en 2003, 240 en 2004, 261 en 2005 et 258 en 2006. Ceci a permis de retrouver, à peu de choses près, l'équilibre entre les entrées et les sorties et d'améliorer de plus de quatre mois, sur la période, le délai prévisible moyen de jugement des affaires en stock qui s'établissait à 1 an 7 mois 27 jours en 2002 et a été ramené à 1 an 3 mois et 14 jours en 2006. Les cours administratives d'appel ont également amélioré les délais de jugement. Le délai prévisible moyen de jugement des affaires en stock, qui s'établissait à 2 ans 10 mois 17 jours en 2002, a été ramené à 1 an 18 jours en 2006. Il a donc été amélioré d'un an et 10 mois sur cette période et l'objectif fixé par la loi d'orientation et de programmation pour la justice, consistant à ramener ce délai à un an à la fin de l'année 2007, paraît désormais atteignable. Enfin, devant le Conseil d'État, la situation reste tout à fait satisfaisante, le délai prévisible moyen de jugement des affaires en stock étant voisin d'un an depuis plusieurs années. Calculé à partir des chiffres obtenus après déduction des séries et des affaires appelées à être réglées par ordonnance du président de la section du contentieux, il s'établit à 10 mois en 2006 et fait l'objet d'une prévision à un an pour 2007. Ce redressement confirme ainsi la pertinence des démarches engagées dans le sens de la maîtrise de ces délais. Il est exact, néanmoins, que les délais moyens de jugement recouvrent certaines disparités, au détriment des contentieux dont le traitement n'est pas enserré dans des délais particuliers ou des contentieux les plus complexes. Pour limiter ces disparités, la juridiction administrative poursuit l'adaptation de ses procédures et de ses méthodes de travail, en développant par exemple les mécanismes d'aide à la décision, dans le but de proportionner au mieux le travail des magistrats à la diversité des affaires et de leur permettre de centrer leurs efforts sur les questions les plus délicates à trancher. Cet effort de recentrage du juge sur les questions qui justifient fondamentalement son intervention profitera également des actions entreprises pour réduire les contentieux de masse imputables avant tout à certains dysfonctionnements administratifs (ex. : contentieux du retrait de points du permis de conduire) ou prévenir certains contentieux par le biais de dispositifs de recours administratifs préalables obligatoires, tels ceux qui fonctionnent déjà à la satisfaction de l'ensemble des parties en matière de contentieux fiscal ou de contentieux de la fonction publique militaire, par exemple.

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