M. Henri Jibrayel à M. le ministre de l'éducation nationale. Le 10 décembre 2008, une proposition de loi du sénateur Jean-Claude Carle concernant le financement des élèves fréquentant des écoles élémentaires privées sous contrat d'association, hors de leur commune de résidence a été adoptée par le Sénat. Ce texte doit être, prochainement, soumis à l'Assemblée nationale. Il soulève plusieurs problèmes d'inconstitutionnalité. Ce nouveau texte qui vise à "garantir la parité de financement entre les écoles élémentaires publiques et privées sous contrat lorsqu'elles accueillent des élèves scolarisés hors de leur commune de résidence", abroge l'article 89 de la loi du 13 août 2004 dont la circulaire d'application du 6 août 2007 est actuellement déférée devant le Conseil d'État par la Ligue de l'enseignement, l'UNSA-éducation, les DDEN, la FCPE, le SE-UNSA (tous membres du CNAL) et l'Association des maires ruraux de France (AMRF). Ce nouveau dispositif législatif est en rupture avec la logique même de la loi Debré du 31 décembre 1959 qui met à la charge de la commune les dépenses de fonctionnement des écoles privées sous contrat avec l'État implantées sur son territoire, et elles seules. La loi Carle, elle, comme l'article 89 de la loi de 2004, aggrave cette loi Debré et crée de nouvelles obligations, ici l'usager se voit attribuer le droit, sans accord préalable, d'imposer le financement de sa scolarité dans toutes les écoles privées hors de sa commune de résidence. Jusqu'à ce jour, le dispositif législatif établissait un rapport institutionnel fort entre l'école et la commune. Aujourd'hui, on introduit une relation marchande usager-commune avec un chèque éducation utilisable hors commune. La loi Carle, tout en maintenant les principes de l'article 89 de la loi de 2004, limite, certes, les obligations de la commune aux motifs suivants : obligations professionnelles des parents dans les communes ; l'inscription d'un frère ou d'une soeur dans un établissement scolaire de la même commune ; raisons médicales. Mais, au-delà de ces obligations, la commune a la faculté de financer dans tous les autres cas. Jusqu'à ce jour, les communes n'ont des compétences et des charges afférentes que pour la seule école publique. Pour les écoles privées, la commune n'a que des charges, résultantes du contrat d'association passé entre l'État et une école privée, sans compétences. On ne peut transférer cette obligation de financement issue de ce contrat d'une école privée d'une commune à des usagers fréquentant une autre école privée hors commune comme le propose l'article 89 de la loi du 13 août 2004 ou la loi Carle adoptée par le Sénat. Sinon on finance alors un chèque éducation. L'obligation constitutionnelle, rédigée « [...] l'enseignement public gratuit et laïc à tous les degrés est un devoir de l'État », subordonne la prise la charge financière de la commune de résidence pour les élèves fréquentant une école publique d'une autre commune, dans certains cas avec un accord préalable. On ne peut obliger les mêmes communes à prendre en charge le choix des parents de scolariser leurs enfants dans une école privée hors commune, qui plus est, sans accord préalable, alors que ces écoles privées n'ont aucune contrainte réglementaire ou constitutionnelle. La liberté d'enseignement invoquée par certains n'implique aucunement de financement public. Être enseigné dans une école hors contrat ou sous contrat simple, ou enseigné à domicile c'est la même liberté d'enseignement avec interdiction de financement public. La loi Carle fait donc primer l'intérêt particulier sur l'intérêt général en favorisant la scolarisation dans les écoles privées. Elle va faire augmenter les dépenses d'éducation. La banlieue paiera pour la ville, les communes rurales seront pénalisées avec un risque fort d'exode scolaire. Le service public se trouve ainsi menacé ; il lui demande si le Gouvernement entend s'opposer fermement a cette menace.
Les communes dans lesquelles sont implantées des écoles privées souscontrat d'association participent aux dépenses de fonctionnement des classes sous contrat par le biais du forfait communal. En application de l'article L. 442-5 du Code de l'éducation, les dépenses de fonctionnement des classes sous contrat sont prises en charge dans les mêmes conditions que celles des classes correspondantes de l'enseignement public. Pour les classes de l'enseignement élémentaire, en application de l'article R. 442-44, la commune siège de l'école assume la charge des dépenses de fonctionnement des classes élémentaires sous contrat pour les élèves domiciliés sur son territoire. Pour les élèves scolarisés à l'extérieur du territoire de leur commune de résidence, l'article 89 de la loi du 13 août 2004 sur les libertés et responsabilités locales avait été adopté pour corriger une disparité de traitement entre les écoles publiques et les écoles privées concernant le financement de la scolarité de ces élèves par les communes. La mise en oeuvre des dispositions de l'article 89 a toutefois rencontré des difficultés. Pour remédier à ces difficultés, la loi n° 2009-1312 du 28 octobre 2009 tendant à garantir la parité de financement entre les écoles élémentaires publiques et privées sous contrat d'association, lorsqu'elles accueillent des élèves scolarisés hors de leur commune de résidence a été adoptée et validée par le Conseil constitutionnel ; elle abroge l'actuel article 89 et prévoit que la commune de résidence ne sera obligée de contribuer au financement du coût d'un élève scolarisé dans une école privée hors de son territoire que dans le cas où la loi prévoit que cette même dépense est également obligatoire pour les élèves scolarisés dans une école publique d'une commune d'accueil. Cette loi ne crée donc pas de nouvelles obligations pour les communes de résidence mais a, au contraire, pour objet de préciser les conditions dans lesquelles les communes de résidence sont tenues de participer aux dépenses de fonctionnement des classes privées sous contrat pour les élèves fréquentant une école située dans une commune voisine. Par ailleurs, la loi du 28 octobre 2009 fixe un plafond à la contribution des communes de résidence en précisant que la contribution pour un élève scolarisé dans une école privée située sur le territoire d'une autre commune ne peut être supérieure au coût d'un élève scolarisé dans la commune de résidence. Enfin, il y a lieu de rappeler que l'accord préalable du maire de la commune de résidence de l'élève n'est pas requis pour la scolarisation dans une école publique ou privée d'une commune voisine dans les cas où cette scolarisation répond à des contraintes particulières prévues par la loi. Dans les autres cas, qu'il s'agisse de la scolarisation dans une école publique ou privée, l'accord du maire de la commune de résidence n'est pas non plus requis, mais il revient alors à ce dernier de décider si la commune participera ou non aux frais de scolarité de l'élève. Enfin, il convient de préciser que cette loi a été jugée conforme à la constitution pour le Conseil constitutionnel.
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