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Marietta Karamanli
Question N° 50093 au Ministère de la Justice


Question soumise le 26 mai 2009

Mme Marietta Karamanli attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les problèmes posés par l'application du principe de l'intime conviction dans les affaires criminelles. D'une part, l'article 427 du code de procédure pénale dispose que, hors les cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve et que le juge décide d'après son intime conviction. Ce même article précise que le juge ne peut fonder sa décision que sur des preuves qui lui sont apportées au cours des débats et contradictoirement discutées devant lui. D'autre part, en matière de procès d'assises, l'article 304 du code de procédure pénale dispose que l'accusé est présumé innocent et que le doute doit lui profiter ; cet article demande, en conséquence, aux jurés de décider d'après les charges et les moyens de défense, en suivant leur conscience et leur intime conviction. Dans les deux cas, notre législation criminelle accorde une place importante à l'intime conviction. Si au premier cas, les juges correctionnels ou d'instruction doivent exposer les motifs de leur décision, il en va différemment au cas des cours des assises qui n'ont pas à motiver leur arrêt. Cette situation présente un double inconvénient : fragiliser la légitimité de leur décision et ne pas permettre à l'accusé, notamment en cas d'appel, de préparer au mieux sa défense. Tout en préservant dans les deux cas la conscience des juges, les deux articles pourraient être modifiés : serait posé le principe que la culpabilité doit être rapportée de façon indubitable ; serait aussi précisé que, pour les juges correctionnels et d'instruction, les décisions doivent être motivées en droit et en fait et que, pour les cours d'assises, les votes des jurés sont aussi motivés. Elle lui demande de lui préciser les intentions du Gouvernement allant dans le sens de ces modifications et certainement d'une amélioration de la justice pénale.

Réponse émise le 18 janvier 2011

Il ne paraît pas justifié de remettre en cause le principe de l'intime conviction qui gouverne traditionnellement notre procédure pénale, et qui se combine avec celui de la présomption d'innocence et la règle selon laquelle le doute doit toujours profiter à la personne poursuivie. Il n'est, du reste, nullement contradictoire avec l'exigence de motivation, prévue aujourd'hui en matière correctionnelle, qui oblige les magistrats professionnels à motiver leur décision et donc à faire connaître, en cas de condamnation, les éléments de preuve par lesquels ils ont été intimement convaincus de la culpabilité de la personne poursuivie. Le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, n'est en revanche pas opposé à ce que les décisions des cours d'assises puissent à l'avenir également comporter une motivation, bien qu'elles soient prises par une juridiction majoritairement composée de jurés tirés au sort. Il s'agit toutefois d'une réforme complexe et délicate. Cette motivation devra en effet prendre en compte la spécificité de la composition de la cour d'assises, et des règles concernant le déroulement du délibéré impliquant la participation de douze ou de quinze personnes. Il sera en particulier nécessaire de conserver, en raison des garanties qu'il apporte, le mécanisme des réponses aux questions posées à la cour. À cet égard, il convient d'observer que dans sa décision Taxquet du 16 novembre 2010, la Cour européenne des droits de l'homme a considéré que les dispositions prévoyant des réponses aux questions, dès lors que celles-ci sont suffisamment précises et détaillées, n'étaient pas contraires aux exigences d'un procès équitable, comme l'a également jugé à plusieurs reprises la Cour de cassation, notamment par ses arrêts du 14 octobre 2009 et du 19 mai 2010. Cette modification de la procédure suivie devant la cour d'assises pourrait intervenir dans le cadre de la réforme d'ensemble de notre procédure pénale, dont l'élaboration se poursuit même si, en raison de son ampleur, elle ne pourra être adoptée en totalité avant la fin de l'actuelle législature.

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