M. Jean-Claude Fruteau attire l'attention de M. le secrétaire d'État chargé des transports sur les pratiques tarifaires de certaines compagnies aériennes à l'égard des personnes à forte corpulence. En effet, certains passagers, s'ils souhaitent voyager en classe économique sur le réseau long-courrier d'une grande compagnie aérienne nationale, se voient contraints et forcés d'acheter deux billets d'avions (le premier à taux plein et l'autre à 75 % du prix) ou de réserver en classe affaires en raison de leur forte corpulence s'ils souhaitent voyager confortablement. Cette « recommandation d'achat », proche de pratiques qui existent déjà chez certaines compagnies américaines, est motivée par la taille des sièges qui ne peut confortablement accueillir une personne dont le tour de taille est supérieur à 135 centimètres. Si l'achat du second billet n'est pas rendu formellement obligatoire, force est de constater néanmoins qu'il est vivement recommandé par la compagnie, puisque l'équipage de l'avion peut interdire l'accès à bord à une personne dont le tour de taille dépasse les 135 centimètres si le vol est complet, pour des raisons de sécurité. Cette discrimination n'est pas acceptable car elle fait reposer pécuniairement sur le passager à forte corpulence les conséquences de son physique. Par ailleurs, cette pratique ne semble être qu'à ses débuts puisqu'une compagnie aérienne à bas coût envisagerait l'introduction d'une « taxe pour les gros » sur ses vols. De telles pratiques commerciales ne sauraient être acceptables au nom du principe de la non-discrimination. Aussi, il souhaite connaître, d'une part, sa position à ce sujet et, d'autre part, les mesures qu'il entend mettre en oeuvre pour rétablir l'égalité entre tous les passagers des transports aériens.
Le transport aérien de passagers de forte corpulence ne fait l'objet, au plan tarifaire, d'aucune réglementation spécifique, tant au plan mondial qu'aux niveaux européen ou national. La plupart des compagnies aériennes appliquent à cet égard les résolutions adoptées au sein de l'association du transport aérien international (IATA), qui prévoient qu'un passager acquitte le tarif correspondant au nombre de sièges qu'il souhaite occuper. Aussi, dès lors qu'une personne manifeste le souhait, au moment de la réservation, de disposer pour elle seule de plus d'un siège, pour des raisons personnelles ou de confort qu'elle n'a pas à justifier, elle doit payer le nombre de places ainsi réservées. Ces dispositions tarifaires doivent être portées à la connaissance de la clientèle par les compagnies aériennes dans leurs conditions générales de transport. Il s'avère cependant que les dimensions des fauteuils d'avion, particulièrement en classe économique, ne permettent pas aux passagers de forte corpulence d'y être installés dans des conditions de confort satisfaisantes. Or, le règlement d'un siège additionnel constitue indéniablement une contrainte financière particulièrement pénalisante et un frein à l'accès de ces personnes au transport aérien. Certaines compagnies proposent toutefois diverses formules tarifaires permettant de diminuer sensiblement le coût global du transport, telles que des modulations de la somme à verser pour tout siège supplémentaire demandé. À titre d'exemple, la compagnie Air France applique, depuis le mois de février 2005, une réduction tarifaire de 25 à 33 % sur ses vols en classe économique pour le siège supplémentaire occupé. Par ailleurs, l'acquisition d'une seconde place ne constitue nullement une obligation pour le passager, mais une recommandation. En effet, lorsqu'une personne de forte corpulence a omis de faire état de ses besoins lors de la réservation, elle peut se trouver confrontée à certaines difficultés au moment de l'embarquement eu égard à la largeur des sièges. En règle générale, les compagnies s'efforcent, lorsque les conditions de remplissage du vol le permettent, de trouver les arrangements nécessaires afin que la personne concernée puisse voyager dans des conditions satisfaisantes, par exemple en mettant gracieusement un deuxième siège à sa disposition voire en procédant à un surclassement. Dans l'hypothèse où un passager à forte corpulence ne pourrait être raisonnablement installé sur un seul siège sur un vol qui s'avérerait complet, la compagnie pourra, le cas échéant, être contrainte de demander à ce passager le report de son voyage sur un vol moins fréquenté. Enfin, si aucun tribunal français ne s'est encore prononcé sur le caractère discriminatoire éventuel d'une telle situation, des juridictions étrangères ont traité de cette question, notamment aux États-Unis et au Canada. Ainsi, saisis sur les politiques tarifaires appliquées en la matière par les compagnies, les juges y ont estimé qu'elles ne constituaient pas une pratique discriminante. Dans ces conditions, il apparaît délicat d'imposer, dans le corpus juridique français, limité au seul plan national, des contraintes spécifiques aux seules compagnies de nationalité française, qui exercent leur activité dans un contexte économique soumis à une très forte concurrence internationale.
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