M. André Gerin attire l'attention de Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales sur notre législation relative au délit d'association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste. Elle a servi de cadre à l'arrestation de neuf personnes à Tarnac en Corrèze investi par une centaine de policiers cagoulés et armés, le 11 novembre dernier, pour procéder à leur arrestation. Huit ont été libérés. Julien Coupat demeure incarcéré sans que la raison de son maintien en détention soit connue, au nom de cette législation anti-terroriste. Nous sommes face à une justice d'exception justifiée par les autorités sous le seul prétexte que, elles, connaissent les charges prétendues mais ne peuvent les communiquer. Il s'agit d'un déni de droit. Celui-ci prévoit, sur notre sol, un délai de garde à vue parmi les plus longs d'Europe, pouvant se prolonger jusqu'à six jours. Selon les témoignages des gardés à vue, les pratiques d'interrogatoires renforcés (privation de sommeil, discrimination, pressions psychologiques) seraient fréquentes. L'accès à un avocat n'est autorisé qu'au troisième jour. Ces dispositions sont contraires au pacte international relatif aux droits civils et politiques et aux recommandations du comité européen pour la prévention de la torture, qui préconisent l'accès à un avocat dès les premières heures de garde à vue. Cette législation est indigne de la France et s'étend aujourd'hui à des qualifications de délits présumés qui n'en relèvent pas et font craindre pour les libertés et la démocratie. Elles font redouter qu'elles ne cessent de s'étendre et s'appliquent à des citoyens qui choisissent des modes de vie différents ou contestent l'ordre libéral établi. Il souhaite connaître ses intentions afin que notre pays retrouve les caractéristiques en la matière d'un état de droit.
La France est dotée d'une législation antiterroriste spécifique qui respecte le nécessaire équilibre entre, d'une part, les garanties procédurales d'un État de Droit, et, d'autre part, les impératifs de protection de ses concitoyens et d'efficacité de la lutte contre ces faits aux conséquences dramatiques. S'agissant de la définition de l'association de malfaiteurs en vue de la préparation d'actes de terrorisme, il convient de rappeler que la définition de cette infraction, qui en précise les éléments constitutifs, n'est pas propre à la matière terroriste et existe en droit commun. Ainsi, l'article 421-2-1 du code pénal précise les éléments constitutifs de l'infraction, en prévoyant notamment que la préparation des actes terroristes, précisément listés par les articles 421-1 et 421-2 du code pénal, doit être caractérisée par un ou plusieurs actes matériels. Par ailleurs, la Cour de cassation a défini l'élément intentionnel de ce délit comme étant « l'intention du prévenu de s'intégrer au groupement avec la volonté d'apporter aux autres membres du groupe une aide dans la poursuite du but commun » (Cass., Crim., 30 octobre 2007 n° 07-82487). Les possibilités de prolongation de la garde à vue en matière terroriste peuvent aisément s'expliquer par la nécessité des investigations, longues et complexes, les expertises, les vérifications d'alibi pour pallier le manque de coopération des personnes mises en cause, qui sont autant d'éléments objectifs justifiant l'existence de ces règles de procédure. Un certain nombre d'États ont d'ailleurs prévu des délais plus longs de garde à vue en matière terroriste, notamment le Royaume-Uni et l'Irlande du Nord dont la législation est plus sévère qu'en France puisqu'un suspect peut être retenu jusqu'à sept jours. En outre, il importe de relever les garanties procédurales que constituent l'intervention de l'avocat et celle du médecin. Si l'intervention de l'avocat est reportée à la 72 heure, cette particularité s'applique également à d'autres matières liées à la criminalité organisée compte tenu de leur spécificité et des impératifs d'efficacité de la lutte contre ces infractions. En droit commun, comme en matière de lutte anti-terroriste, notre législation ne prévoit d'ailleurs pas la présence de l'avocat durant tous les interrogatoires du suspect gardé à vue. D'ailleurs, tant la Cour européenne des droits de l'homme que le comité de prévention de la torture, admettent des exceptions à l'intervention de l'avocat dès le début de la garde à vue. Ainsi, le Comité européen de prévention de la torture reconnaît que « dans le but de préserver les intérêts légitimes de l'enquête policière, il peut exceptionnellement être nécessaire de retarder pendant un certain temps l'accès d'une personne détenue à l'avocat de son choix » (6e rapport général, paragraphe 14). De même, le Conseil constitutionnel a jugé que le report de l'intervention de l'avocat en matière de criminalité organisée, « justifié par la gravité et la complexité des infractions concernées, s'il modifie les modalités d'exercice des droits de la défense, n'en met pas en cause le principe ». Ainsi, il n'est porté d'« atteinte injustifiée ni à la liberté individuelle, ni aux droits de la défense, ni aux prérogatives de l'autorité judiciaire » (Conseil constitutionnel, 2 mars 2004, n° 2004-492 DC). Par ailleurs, le contrôle du juge d'instruction, ou du procureur de la République (qui peuvent à tout moment se déplacer dans les locaux où elle se tient) sur le déroulement de la garde à vue et sur ses modalités de prolongation, sont tout autant de garanties prévues par la loi. Au-delà de la 96e heure, seul le juge des libertés, magistrat du siège indépendant de l'enquête, est compétent pour prolonger les gardes à vue. Une telle prolongation ne saurait intervenir que s'il existe un risque sérieux de l'imminence d'une action terroriste en France ou à l'étranger ou si les nécessités de la coopération internationale le requièrent impérativement. En dehors de ces deux hypothèses, la garde à vue en matière terroriste, comme en matière de criminalité organisée, ne peut excéder quatre jours. À ce jour, une seule prolongation au-delà des quatre jours a été ordonnée, ce qui démontre que les magistrats font de cette faculté un usage particulièrement raisonné, conforme à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, selon laquelle la mise en oeuvre de ces mesures doit être strictement nécessaire à la manifestation de la vérité, proportionnée à la gravité des faits et à la complexité des infractions commises.
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