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Christiane Taubira
Question N° 47506 au Ministère des Affaires étrangères


Question soumise le 28 avril 2009

Mme Christiane Taubira interroge M. le ministre des affaires étrangères et européennes sur le statut réel des fleuves guyanais Maroni et Oyapock, ainsi que la législation nationale ou internationale s'y appliquant, autant du point de vue de la navigation (transport de personnes et de marchandises) que de la circulation des personnes étrangères. Elle lui demande d'indiquer le statut des personnes étrangères accédant au territoire guyanais par ces fleuves, dans la zone située entre la rive du fleuve et le premier poste de contrôle de police ou de douane. Elle souhaite également que lui soient précisées les modifications qui interviendraient éventuellement à compter de la mise en service du pont à construire sur le fleuve Oyapock.

Réponse émise le 23 juin 2009

En réponse à la première question de l'honorable parlementaire qui concerne directement le domaine du droit international public, il n'existe pas d'accord en vigueur pour l'Oyapock et le Maroni en matière de navigation et de gestion de la voie d'eau. En cela la situation de ces fleuves diffère de celle des cours d'eau frontaliers ou internationaux de France métropolitaine, pour lesquels ont été instituées des Commissions bilatérales ou internationales chargées de la navigation et/ou de la protection de l'environnement. Ces deux fleuves sont donc régis par les Actes de Barcelone de 1921, qui s'appliquent à titre supplétif, quand il n'existe pas de convention spécifique, « aux voies navigables d'intérêt international ». De telles voies d'eau sont définies comme celles qui « dans leur cours naturellement navigable vers et depuis la mer séparent ou traversent plusieurs États ». Deux principes se combinant doivent par conséquent s'appliquer au titre des actes de Barcelone : le premier principe est celui de la souveraineté exercée par les États riverains sur la partie du fleuve située de leur côté de la frontière. Cela signifie que le fleuve est intégré à l'espace terrestre de l'État riverain, qu'il y exerce sa compétence exclusive en matière de police et de douane, et qu'il y applique l'ensemble de sa législation et de sa réglementation ; le second principe est la liberté de navigation qui est assurée aux bateaux ressortissants de tous les États (parties à la Convention de Barcelone), même à ceux, normalement, des pays non riverains. Cette dernière règle est susceptible d'être écartée par une convention spécifique relative au cours d'eau considéré, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Il convient de relever que la France, les Pays-Bas (s'agissant du Suriname), le Brésil, et parmi les pays voisins le Venezuela et la Colombie ont signé la Convention de Barcelone. Un principe d'égalité de traitement pour tous les ressortissants d'États contractants, et par conséquent en premier lieu à l'égard des ressortissants des États riverains, est également applicable. La mise en application de ces règles s'appuie sur des accords de délimitation des frontières, étant entendu que de manière générale, mais pas obligatoirement, la frontière est fixée à la ligne médiane du fleuve. En ce qui concerne le Maroni, la convention du 30 septembre 1915 entre les Pays-Bas et la France a fixé la frontière à la ligne médiane du fleuve et a garanti la liberté de navigation tant pour les marchandises « y compris l'or » que pour les personnes. Cet accord est cependant contesté par le Suriname. Concernant l'Oyapock en revanche, un accord par échange de notes daté du 3 juillet 1980 a délimité la frontière franco-brésilienne notamment sur ce fleuve. II. - La zone à laquelle l'honorable parlementaire fait référence dans sa deuxième question est située indiscutablement en territoire français : en effet, la sentence arbitrale rendue par le Conseil fédéral suisse à Berne en 1900, visée dans l'accord de délimitation de frontière de 1980, fixe la frontière sur le « thalweg » du fleuve, c'est-à-dire peu ou prou la ligne médiane. Par ailleurs, il existe un accord bilatéral relatif aux personnes en situation irrégulière (l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière, signé à Paris le 28 mai 1996 et entré en vigueur le 30 août 2001), qui autorise la France à renvoyer au Brésil les personnes entrées illégalement en Guyane depuis le territoire brésilien. III. - En ce qui concerne enfin les modifications qui interviendraient éventuellement à compter de la mise en service du pont sur l'Oyapock, l'accord encadrant la construction de ce pont (accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil relatif à la construction d'un pont routier sur le fleuve Oyapock reliant la Guyane française et l'État de l'Amapà, signé à Paris le 15 juillet 2005 et entré en vigueur le 22 octobre 2007) prévoit à son article 30 : « Aux fins du présent accord, la frontière entre les Parties est réputée fixée au milieu du pont, sous réserve des dispositions de l'article 28 ». L'article 28 en question précise simplement que le chantier est considéré comme territoire du pays maître d'ouvrage, c'est-à-dire brésilien, jusqu'à la réception du pont sur l'Oyapock et que le pont sur l'Oyapock est à son tour considéré comme territoire du pays maître d'ouvrage, c'est-à-dire brésilien, à partir de la réception et pendant la période de garantie de l'ouvrage d'art. La modification majeure à venir est donc la localisation de la ligne frontière au milieu du pont, qui interviendrait à l'expiration de la « période de garantie », dont la durée sera définie par la commission intergouvernementale instituée à l'article 25 du même accord, au sein de laquelle siège un représentant du ministère des affaires étrangères et européennes. À toutes fins utiles, il peut être précisé que les travaux du pont sur l'Oyapock doivent commencer fin mai pour un achèvement en octobre 2010 - sachant que le schéma retenu pour le moment est celui de deux postes de contrôle séparés de chaque côté de la frontière (pas de « bureaux nationaux juxtaposés » à court et moyen terme). D'autre part, des accords bilatéraux sont en préparation pour accompagner la construction de ce pont : accord créant un centre de coopération policière, accord de transit (pouvant être signés en septembre 2009), et éventuellement (à horizon plus lointain) accord de sécurité sociale.

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