M. Jérôme Cahuzac rappelle à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, qu'elle a annoncé, le 9 juin 2008 la suppression, à compter du 1er janvier 2010, de la profession d'avoué. Cette décision, si elle est maintenue, aura des conséquences sociales et budgétaires préjudiciables, ce qu'une étude d'impact n'aurait pas manqué de démontrer. Elle a indiqué que la quasi-totalité des avoués deviendraient avocats Certes, en 1971, la suppression des avoués de première instance avait permis à 80 % de ceux-ci de le faire. Mais les avoués d'appel d'aujourd'hui détiennent leur clientèle des avocats eux-mêmes qui deviendraient, si la réforme est menée à bien, leurs concurrents. Croire que ceux-ci abandonneraient leur clientèle à des confrères, faisant désormais le même métier qu'eux, est donc très peu vraisemblable. La profession d'avoué comporte 443 membres regroupés en 235 études qui sont de véritables entreprises employant au total un peu moins de 2 000 salariés. La suppression de la profession entraînerait donc, d'une manière inéluctable, la fermeture de ces 235 études dont la quasi-totalité des salariés ira nourrir les rangs du Pôle emploi. Ces salariés sont et resteraient très difficilement reclassables et certainement pas dans les cabinets d'avocats puisque le ratio est aujourd'hui de 0,7 salarié pour 1 avocat alors qu'il est proche de 5 salariés pour 1 avoué. Cette décision emporte, de plus, pour le budget de l'État, des conséquences financières inéluctables. Les avoués sont des officiers ministériels qui ont acheté leurs offices. L'État va donc être contraint de rembourser la valeur de ces offices et d'indemniser les avoués du préjudice qu'ils subissent. Aux termes d'un rapport déposé par la profession auprès de la chancellerie et dont les conclusions ont été reprises dans un rapport déposé au mois de janvier dernier par le groupe de travail sur les professions réglementées de l'UMP, sous la signature de Monsieur Copé, le montant total de ce remboursement et des indemnisations, toutes causes confondues, s'élève à la somme de 906 millions d'euros. On est loin du chiffre - 250 millions d'euros - annoncé par elle, qui estime le coût pour l'État au seul rachat à une partie seulement de la valeur estimée des charges. Outre qu'il s'agirait d'une incontestable spoliation, il est patent, dans cette hypothèse, qu'aucune indemnisation du préjudice subi par les avoués ne serait alors envisagée pas plus que la prise en compte, notamment, des indemnités de licenciements des salariés. Ainsi supprimer la profession d'avoué au 1er janvier 2010 aurait pour conséquences immédiates d'abord la suppression de 235 entreprises, ensuite le licenciement de près de 2 000 salariés dont une très faible part pourrait être réembauchée, un accroissement de la dépense publique de près de 900 millions d'euros, enfin, lié au remboursement du prix des offices et aux différentes indemnisations. Sa question est de savoir, au moment où notre pays traverse une crise sociale et économique sans précédent, si une telle réforme, par son coût social et budgétaire, est bien opportune et, le cas échéant, si elle doit être menée dans l'urgence comme cela semble être actuellement le cas.
La garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire qu'elle a présenté au conseil des ministres du 3 juin 2009 un projet de loi portant fusion des professions d'avocat et d'avoué près les cours d'appel. L'Assemblée nationale en a été saisie. Il pourrait être adopté avant le 1er janvier 2010 et prendre effet le 1er janvier 2011. Ce texte a pour objet de supprimer l'obligation de recourir à un avoué pour faire appel d'un jugement. Il simplifie l'accès à la justice en appel et en diminue le coût. Il assure également le respect de la directive européenne du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur. Tout au long de son élaboration, une concertation a été engagée avec les représentants des avoués et de leurs salariés. Il a été procédé à une évaluation approfondie de l'ensemble des conséquences de la réforme, tant pour eux que pour les cours d'appel et les justiciables. Les avoués seront indemnisés pour la perte de la charge qu'ils ont acquise et qu'ils ne pourront plus céder, dès le début de l'année 2010. Un fonds, géré par la Caisse des dépôts et consignations, est prévu pour être en mesure de réaliser des avances et verser rapidement l'intégralité des indemnités. S'il n'est pas envisagé que cette indemnisation soit intégrale, il est nécessaire qu'elle soit raisonnable et équitable. Il est prévu qu'elle soit fixée à 66 % de la valeur des offices. Un dispositif spécifique sera mis en place au profit des avoués qui sont actuellement endettés du fait l'acquisition d'un office ou de parts. L'endettement restant à échoir sera pris intégralement en charge par le fonds, également dès le début de l'année 2010. Le cas particulier des avoués qui ont acquis leur charge au moyen d'un apport personnel, distinct de l'endettement, est également pris en considération. Dans un tel cas, le montant de l'indemnité ne pourra être inférieur au montant de l'apport personnel ayant financé l'acquisition de l'office ou des parts de la société. Par ailleurs, les avoués et leurs collaborateurs diplômés pourront devenir automatiquement avocats s'ils le souhaitent et pourront ainsi continuer à faire bénéficier leurs clients de leurs compétences et de leur expérience des procédures judiciaires. Dès le 1er janvier 2010, les avoués pourront demander à être inscrits au barreau pour débuter une nouvelle activité d'avocat, parallèlement à celle d'avoué, maintenue pendant l'année de transition. Pour ceux qui ne le souhaiteraient pas, les voies d'accès vers les autres professions judiciaires et juridiques et celles permettant d'intégrer la magistrature, seront améliorées. Le fonctionnement des cours d'appel ne devant pas être affecté par l'extension à tous les avocats de leur ressort de la faculté de s'adresser à elles, il a été décidé de rendre obligatoire l'introduction de l'instance par voie électronique devant ces juridictions. Les expérimentations actuellement conduites seront généralisées ; un avant-projet de décret en ce sens a été adressé pour avis aux représentants des avoués et des avocats et vient d'être également transmis au Conseil d'État. La communication ainsi mise en place sera sur le mode « structuré » afin qu'elle reste compatible avec les systèmes existant dans plusieurs cours. Celles-ci n'auront pas à revenir sur les progrès qu'elles ont acquis en termes d'organisation. Pour faciliter cette mise en oeuvre, dans chaque cour d'appel un groupe de travail réunissant magistrats, avoués et avocats, en lien avec le secrétariat général de la chancellerie, est mis en place. La situation des 1 862 collaboratrices et collaborateurs des avoués a été prise en considération avec la plus grande attention. Le premier des objectifs à atteindre est qu'ils puissent conserver leur place dans cette nouvelle organisation, auprès de leur employeur devenu avocat. Si cela ne peut être envisagé, ils bénéficieront d'une aide personnalisée pour une reconversion professionnelle. À cette fin, il a été procédé le 10 mars 2009 à l'installation d'une commission tripartite composée de représentants de l'État, des employeurs et des salariés chargée de préparer une convention relative aux mesures qui permettront de faciliter cette reconversion. Lorsqu'un licenciement ne pourra pas être évité, les indemnités auxquelles il donne droit seront majorées. Elles seront égales au double des indemnités légales, calculées en fonction du nombre d'années d'ancienneté dans la profession, dans la limite de vingt-cinq ans. Cette mesure permettra aux salariés ayant une ancienneté importante de percevoir jusqu'à quatorze mois de salaire, ceci sans préjudice des mesures de droit commun qui portent notamment sur le versement d'indemnités compensatrices de la perte de salaire en cas de nouvelle embauche. C'est au Parlement qu'il appartient désormais de se prononcer sur l'ensemble de ce projet.
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