M. Jean-Luc Préel attire l'attention de Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales sur une anomalie concernant les infractions routières, conduisant à une double peine. Lorsqu'un permis de conduire a été suspendu, sur le champ ou par une décision judiciaire du tribunal d'instance ou de police, que la suspension prononcée a été réellement effectuée et que le permis a été rendu à l'intéressé, ce temps doit-il être pris en compte ? Par exemple, un contrevenant qui s'est vu condamner par le tribunal à quatre mois de suspension - car compte tenu des circonstances le tribunal ne souhaitait pas l'annuler - reçoit une lettre référence 48 plus d'un an après les faits l'informant que son permis est annulé et qu'il ne pourra repasser celui-ci que dans six mois, il est donc administrativement sanctionné de dix mois. Ne s'agit-il pas d'une double peine ? Il lui demande donc de bien vouloir préciser si la décision judiciaire prime sur la décision administrative et, dans le cas contraire, si le temps effectif de suspension ne doit pas être pris en compte.
La responsabilisation des usagers de la route repose nécessairement sur l'instauration et l'application de sanctions administratives et pénales dissuasives. Il convient de distinguer, d'une part, l'invalidité du permis due à une perte totale de points qui est une sanction administrative relevant de la compétence du ministre de l'intérieur, et, d'autre part, la suspension judiciaire du permis de conduire qui est une peine prononcée par le juge répressif. Le retrait de points constitue une mesure de sûreté administrative et non une sanction pénale. Son fondement légal et son application échappe à la compétence du juge répressif. En conséquence, l'invalidité du permis due à une perte totale de points n'est donc jamais prononcée par un juge répressif et ne constitue pas une peine. Au contraire, la suspension judiciaire du permis de conduire est une peine prononcée par une juridiction répressive. Dans l'exemple cité, en vertu des dispositions de l'article L. 223-5 du code de la route, à la suite de l'invalidité du permis due à une perte totale de points, l'intéressé ne peut obtenir un nouveau permis de conduire avant l'expiration d'un délai de six mois à compter de la date de remise de son permis au préfet et sous réserve d'être reconnu apte après un examen ou une analyse médical, clinique, biologique et psychotechnique effectué à ses frais. Ce délai est porté à un an lorsqu'un nouveau retrait de la totalité des points intervient dans un délai de cinq ans suivant le précédent. La durée de la suspension judiciaire ne peut être imputée sur le délai administratif de 6 mois nécessaire pour obtenir un nouveau permis de conduire car les deux mesures sont de nature différente. Ainsi, la Cour de cassation a jugé que lorsqu'est prononcée l'annulation d'un permis de conduire, la durée d'une suspension administrative antérieurement mise à exécution ne s'impute pas sur le délai avant l'expiration duquel un nouveau permis ne peut être sollicité (crim. 23 février 1982 : Bull. crim 81-91625). Un contrevenant peut donc être amené, d'une part, à subir la suspension du permis de conduire prononcée par le tribunal et, d'autre part, en raison de l'invalidité de son permis par solde de points nul à devoir attendre l'expiration d'un délai de 6 mois (ou d'un an) à compter de la date de remise de son permis au préfet.
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