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Jacques Remiller
Question N° 46629 au Ministère de la Culture


Question soumise le 14 avril 2009

M. Jacques Remiller appelle l'attention de Mme la ministre de la culture et de la communication sur la tendance à l'unilinguisme au sein des institutions communautaires. En effet, le récent rapport de Monsieur Jacques Legendre, sénateur, sur le respect de la diversité linguistique dans le fonctionnement des institutions européennes présente des conclusions alarmantes sur l'état de multilinguisme au sein de l'Union européenne et de ses institutions. À la Commission européenne, la proportion de documents initialement rédigés en l'anglais a progressé sensiblement, passant entre 1996 et 2008 de 46 % à plus de 72 %. Si ces chiffres sont pour partie le reflet d'une expansion de la langue anglaise, ils sont également le signe d'une tendance lourde à l'uniformisation, qui n'est pas nécessairement le souhait de tous les États membres. Le rapport souligne les dangers que l'emploi d'une seule langue peut induire aux yeux des citoyens européens qui ne la pratiquent pas, ou des parlementaires qui ne peuvent faire entendre convenablement leur voix dans le processus décisionnel. En outre, la campagne d'information sur Internet pour le « 112 », numéro européen d'appel urgence unique, n'est disponible qu'en anglais, privant d'information une grande partie de la population de l'Union. De manière générale, plus de la moitié des sites Internet de l'Union européenne sont unilingues anglais. Certaines méthodes de recrutement et d'appels d'offres témoignent également d'une uniformisation en faveur de l'anglais, rompant la dynamique en matière d'égalité des chances. Loin de relancer une vaine polémique sur la place de l'anglais et d'autres langues historiques telles que le français et l'allemand, ces constats appellent à s'interroger sur les limites d'une généralisation excessive de l'anglais dans les négociations, les décisions et les campagnes d'information des membres et des institutions de l'Union européenne. En conséquence, il lui demande de bien vouloir lui faire part de son sentiment sur les conclusions de ce rapport et l'informer des mesures que le Gouvernement français entend prendre ou soutenir afin de veiller à la diversité des langues au sein des institutions de l'Union européenne.

Réponse émise le 28 décembre 2010

Les élargissements successifs de l'Union européenne et la technicité croissante des sujets traités ont fortement renforcé le monolinguisme dans le fonctionnement des institutions communautaires, mêmes si celles-ci ont engagé des efforts importants pour communiquer dans leur langue avec les citoyens européens. Les autorités françaises sont attachées à la mise en oeuvre d'un multilinguisme effectif par les institutions et organes de l'Union européenne. Il s'agit en effet d'un élément fondamental du respect des identités nationales. C'est aussi une condition essentielle pour que nos concitoyens continuent de se reconnaître dans le projet européen et d'y adhérer. C'est enfin, pour notre pays, un moyen nécessaire pour promouvoir sa vision et garantir son influence en Europe. Les autorités françaises n'hésitent pas, lorsque cela s'avère nécessaire, à rappeler aux responsables des institutions européennes leurs engagements en matière de diversité linguistique. Par ailleurs, une politique active est mise en oeuvre pour soutenir la langue française dans ces institutions : elle vise tout particulièrement l'apprentissage du français par les fonctionnaires non francophones, actuels ou futurs, des institutions européennes ainsi que par ceux des fonctionnaires des États membres appelés à négocier à Bruxelles. En 2009, en appui au plan pluriannuel en faveur du français dans l'Union européenne piloté par l'Organisation internationale de la Francophonie, le ministère des affaires étrangères et européennes a contribué, à hauteur d'environ 300 000 EUR, à des opérations de formation au et en français visant principalement : les hauts fonctionnaires des pays voisins de l'Union européenne (Albanie, Bosnie-Herzégovine, Kosovo, ancienne République yougoslave de Macédoine, Moldavie, Monténégro, Serbie, Ukraine), des hauts fonctionnaires des institutions européennes (chefs de cabinet, directeurs généraux et porte-parole de la Commission, fonctionnaires des représentations permanentes à Bruxelles), enfin la formation des formateurs du réseau des établissements culturels chargé de ces différents publics. En 2010-2011, le ministère des affaires étrangères et européennes poursuit son engagement en faveur du français en direction de ces publics. Avec la nouvelle Commission européenne qui s'est mise en place depuis le 10 février 2010 et les changements induits par le traité de Lisbonne, une plus grande attention est portée à la formation au et en français des commissaires, des membres de leur cabinet et de leur porte-parole. Par ailleurs, sont également organisés, en collaboration avec l'École nationale d'administration, des séminaires de préparation aux présidences hongroise et polonaise du Conseil de l'Union européenne. Enfin, suppléant le changement de périmètre d'intervention de l'Organisation internationale de la Francophonie qui a vocation à soutenir en particulier des actions de formation linguistique dans les pays membres de la Francophonie, le ministère de la culture et de la communication contribue à des formations et séminaires, essentiellement mis en oeuvre par les établissements du réseau culturel, dans des pays hors de ce périmètre (Biélorussie, Bosnie-Herzégovine, Danemark, Espagne, Estonie, Islande, Kosovo, Monténégro, Royaume-Uni, Turquie). Le Parlement européen est également une institution cruciale pour la promotion de l'usage du français. Le secrétaire d'État chargé des affaires européennes a ainsi effectué une démarche auprès du président du Parlement européen dès la première session plénière afin de demander que l'ensemble de la signalétique du Parlement européen figure en français, dans la mesure où son siège est en France. Il a également mis en place un forum, au sein du Parlement européen, qui permet aux eurodéputés francophones (dont le nombre a été estimé par nos ambassades à près de 300) de se retrouver et d'échanger régulièrement autour d'événements politiques et culturels. La présidence en a été confiée au député européen roumain M. Cristian Preda. Il compte déjà près d'une trentaine de membres issus de plus de dix États membres, tous intimement convaincus que la promotion de la langue française revêt un enjeu d'intérêt général, non pas seulement pour la France mais bien pour toute l'Europe. Le détail des actions entreprises est présenté au Parlement dans le cadre du rapport que la délégation générale à la langue française et aux langues de France prépare chaque année en application de la loi n° 94-665 du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française. La politique de notre pays ne se limite pas au seul fonctionnement des enceintes communautaires : elle vise plus largement à promouvoir la diversité linguistique dans les sociétés européennes. C'est le sens et l'ambition de la résolution du Conseil de l'Union européenne relative à une stratégie européenne en faveur du multilinguisme, que la France a fait adopter les 20 et 21 novembre 2008. Ce texte fait du multilinguisme un élément clé de la cohésion sociale, de la compétitivité économique et de la formation tout au long de la vie ; il insiste également sur le rôle de la traduction dans le dialogue interculturel. Enfin, il invite la Commission européenne à prendre des mesures pour améliorer au plan linguistique ses relations avec les citoyens. La mise en oeuvre de ces différentes mesures doit faire l'objet d'ici la mi-2011 d'un rapport de la Commission européenne. Les autorités françaises se montreront particulièrement vigilantes sur les suites données à cette résolution, dans la perspective notamment de la négociation du futur programme « Culture » de l'Union européenne.

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