M. Bernard Carayon appelle l'attention de M. le ministre des affaires étrangères et européennes sur un rapport d'information récemment publié au nom de la commission des affaires culturelles du Sénat qui s'alarme de l'état du multilinguisme au sein de l'Union européenne. À la Commission européenne, la proportion des documents initialement rédigés en français est passée de 58 % en 1986, à 38 % en 1996, pour aboutir à moins de 12 % en 2008. L'allemand est quant à lui passé de 5 % en 1996 à 2,4 % en 2007, tandis que l'anglais progresse de 45,7 % en 1996 à 72,48 % en 2008. Au Conseil, la domination de l'anglais à l'écrit est encore plus sensible au secrétariat général du Conseil qu'à la Commission européenne. Il s'insurge contre les libertés prises avec le fondement même de la construction européenne, et souligne les dangers que l'emploi d'une seule langue peut induire aux yeux de citoyens européens qui ne la pratiquent pas, ou des parlementaires qui ne peuvent faire entendre convenablement leur voix dans le processus décisionnel. Il juge inacceptable que l'anglais soit devenu la langue presque exclusive des négociations d'adhésion et demande au ministre ce qu'il entend faire pour rappeler aux institutions européennes l'esprit qui présida à leur construction.
Au-delà des mesures décrites en réponse à la question du 22 janvier 2008, qui font l'objet d'un suivi attentif, la France a souhaité mettre à profit l'exercice de la présidence du Conseil de l'Union européenne pour mettre en valeur sa conception de la diversité culturelle et linguistique, de deux façons : 1. La présidence française a voulu être exemplaire en matière de mise en oeuvre de la diversité linguistique (le multilinguisme « en actes ») : réalisation et mise à jour quotidienne d'un site Internet institutionnel en six langues ; prise en compte, autant que les usages et les contraintes matérielles et budgétaires le permettaient, des indications des partenaires européens dans l'organisation des réunions informelles (interprétation simultanée) ; contribution au débat sur le multilinguisme avec l'organisation à la Sorbonne des premiers états généraux du multilinguisme, le 26 septembre 2008, doublés d'un événement « Langues en fête ». Le succès de la manifestation (plus de 800 personnes au colloque, dont la moitié venues de l'Europe entière) a permis de marquer de façon visible et festive l'impact positif du plurilinguisme dans les pratiques culturelles et éducatives, et de bien situer l'enjeu linguistique comme un enjeu identitaire, économique et européen, et non pas strictement éducatif. 2. La présidence française a contribué à l'adoption de deux textes sur la diversité linguistique (le multilinguisme pour l'avenir) : la résolution sur le multilinguisme, adoptée par le Conseil (éducation et culture) des 20 et 21 novembre 2008, vise à promouvoir le multilinguisme autour de cinq axes : renforcement de la cohésion sociale, du dialogue interculturel et construction européenne ; renforcement de l'apprentissage tout au long de la vie ; compétitivité de l'économie européenne et mobilité/« employabilité » des personnes ; soutien à la traduction et engagement d'une réflexion sur la mise en place d'un éventuel programme européen spécifique de soutien à la traduction ; promotion des langues de l'UE dans le monde. Ce texte appelle également à renforcer le multilinguisme dans les relations que les institutions européennes entretiennent avec les citoyens (en particulier sur les sites Internet) et les institutions nationales, et invite la Commission à lui faire rapport d'ici la mi-2011 sur la mise en oeuvre de cette résolution ; des conclusions adoptées par le Conseil (éducation et culture) des 20 et 21 novembre 2008 sur la promotion de la diversité culturelle et du dialogue interculturel dans les relations extérieures de l'Union et de ses États membres ont par ailleurs été adoptées, visant notamment à mettre en exergue la place du multilinguisme et de la traduction dans le développement du dialogue culturel avec les autres régions du monde ; une note de la présidence « Multilinguisme, traduction et dialogue interculturel » a également été présentée au Conseil, appelant les États membres à coordonner leurs actions de soutien à la traduction dans l'Union européenne et à examiner l'opportunité de se doter d'un instrument propre rassemblant les lignes budgétaires aujourd'hui éparses. C'est dans le prolongement des travaux sous présidence française que le président Barroso et le commissaire Orban ont présidé une conférence consacrée à la traduction le 20 avril 2000 à Bruxelles. 3. Dans ce contexte, le Sénat a adopté, le 25 mars 2009, une proposition de résolution sur le respect de la diversité linguistique dans le fonctionnement des institutions européennes. À l'occasion du débat, le secrétaire d'État chargé des affaires européennes s'est dit préoccupé par « l'usage systématique de l'anglais » au sein des institutions européennes et a rappelé l'attachement du gouvernement français au multilinguisme et les mesures prises en sa faveur.
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