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Éric Ciotti
Question N° 45366 au Ministère de l'Intérieur


Question soumise le 31 mars 2009

M. Éric Ciotti attire l'attention de M. le secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales sur les attentes de l'Association des maires des Alpes-maritimes concernant la responsabilité des communes pour défaut de sécurisation des voies communales. En effet, les communes s'inquiètent de la multiplication des recours en responsabilité du fait de la garde de leur domaine public naturel. Les communes qui possèdent un relief accidenté sont particulièrement exposées aux phénomènes naturels que sont les éboulements, ou les chutes de pierres et de rochers. Lors d'accidents, la politique juridique des compagnies d'assurance tend à mettre en cause de manière systématique la commune, soit au titre de l'article 1384 du code civil, soit au titre des pouvoirs de police du maire et du code général des collectivités territoriales. En outre, quand ces phénomènes naturels portent atteinte à des infrastructures de transports, elles sont contraintes d'assumer des travaux d'un coût exorbitant au bénéfice des tiers qui les exploitent. Aussi, il lui demande de bien vouloir lui indiquer si une évolution de la législation est possible sur ce sujet afin que la sécurisation des voies relève de la seule responsabilité du gestionnaire de l'infrastructure.

Réponse émise le 11 janvier 2011

Les routes, dès lors qu'elles sont surplombées par des falaises ou des massifs rocheux, sont particulièrement exposées à ces phénomènes naturels que sont les éboulements ou les chutes de pierres et de rochers. Les dommages et accidents causés aux véhicules par ces éboulements relèvent des dommages de travaux publics (CAA Paris, 20 février 1990, Sciluna). Lorsqu'une une route est jugée exceptionnellement dangereuse, notamment en ce que sa conception ou sa situation exposent ses utilisateurs à des risques naturels d'une exceptionnelle gravité, la responsabilité de la collectivité territoriale propriétaire, à qui incombe la gestion et l'entretien de cet ouvrage, est engagée sur le terrain du risque, même en l'absence d'un défaut d'aménagement ou d'entretien normal (CE, 6 juillet 1973, M. Dalleau). La jurisprudence retient deux critères pour apprécier le caractère exceptionnellement dangereux d'un ouvrage routier : la continuité du risque et la fréquence des accidents survenus par le passé. Toutefois, dans sa décision du 5 juin 1992, Mme Cala, le Conseil d'État a précisé que la situation de dangerosité qui se trouve dans certaines régions au relief accidenté s'oppose à ce que les risques qui en découlent soient, malgré leur gravité, qualifiés d'exceptionnels. Il en résulte que les utilisateurs des routes de montagne doivent assumer une part de risque considérée comme « normale » (CAA Lyon, 30 janvier 1997, Théraube). En ce qui concerne les routes sur lesquelles se sont produites des chutes de pierres, mais qui ne peuvent être qualifiées pour autant d'exceptionnellement dangereuses, l'indemnisation des dommages causés par ces chutes n'est accordée que si la collectivité territoriale mise en cause ne peut démontrer qu'elle a assuré un entretien normal de la voie. Le juge vérifie notamment la présence d'ouvrages destinés à parer ou à prévenir les chutes de pierre, tels que mur de soutènement, grilles ou filets ainsi que la signalisation (CE, 1er décembre. 1982, M. Lebihan). Toutefois, le coût élevé et la difficulté technique de l'édification de ces ouvrages peuvent exonérer la collectivité territoriale de l'obligation de mettre en place ces protections (CE, 20 mars 1987, Cts Garzino), notamment si la portion de route exposée à des risques de chutes de pierre s'avère particulièrement longue (CAA Lyon, 30 janv. 1997, Théraube). En revanche, la faute de la collectivité territoriale est reconnue en cas d'insuffisance ou du mauvais état d'entretien des ouvrages de prévention des éboulements (CAA Lyon, 8 mars 1993, département de la Savoie). En ce qui concerne le régime de la responsabilité applicable en cas de chutes de pierres ou de glissements de terrain concernant des ouvrages publics n'appartenant pas à la commune (autoroutes ou voies ferrées), la responsabilité du propriétaire du terrain à l'origine des chutes de pierre ou glissements de terrain peut être engagée. Seules des circonstances assimilables à un événement de force majeure sont de nature à exonérer de sa responsabilité le propriétaire du terrain. Ainsi, l'éboulement d'une masse de terre d'un terrain appartenant à la société coopérative départementale d'HLM de l'Ain engage-t-il la responsabilité de celle-ci vis-à-vis de la Société nationale des chemins de fers français (SNCF). Il reviendra à la société HLM de supporter l'indemnité correspondant au coût de remise en état des voies endommagées (CE, 26 novembre 1975, société coopérative départementale d'HLM de l'Ain). De même, la responsabilité de la commune propriétaire d'un terrain où un rocher s'est détaché de la falaise est engagée vis-à-vis de l'exploitant du réseau ferroviaire endommagé à la suite de cette chute. Les intempéries à l'origine de cette chute de pierres et le fait que la SNCF a établi les voies ferrées au pied d'une falaise ne constituent pas un cas de force majeure de nature à exonérer la commune propriétaire de sa responsabilité (CE, 4 juillet 1980, commune de Laissey). De manière générale, la responsabilité de la commune peut également être recherchée au titre de la faute commise dans l'exercice par le maire de ses pouvoirs de police. En effet, le maire, chargé de la police municipale en vertu de l'article 2212-2 (5) du code général des collectivités territoriales, a pour mission « de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux (...), les éboulements de terre ou de rochers, les avalanches ou autres accidents naturels... ». La méconnaissance de ces obligations est susceptible d'engager la responsabilité de la commune à condition que le maire ait commis, dans l'exercice de la police municipale, une faute caractérisée. En particulier, il n'y a pas faute dès lors que le maire interdit la fréquentation de la zone dangereuse (CE, 25 novembre 1983, Mme Sice). La commune peut, en outre, voir rechercher sa responsabilité au titre de son patrimoine immobilier privé, en application de l'article 1384 du code civil. La responsabilité de la commune est alors identique à celle d'un propriétaire foncier. Il apparaît donc que ce type de contentieux reste largement encadré par la jurisprudence. À ce jour, il n'est pas envisagé d'introduire des dispositions législatives ou réglementaires particulières dans ce domaine.

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