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Jérôme Cahuzac
Question N° 43535 au Ministère de la Justice


Question soumise le 3 mars 2009

M. Jérôme Cahuzac rappelle à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, qu'elle a annoncé, le 9 juin 2008 la suppression, à compter du 1er janvier 2010, de la profession d'avoué. Cette décision, si elle est maintenue, aura des conséquences sociales et budgétaires préjudiciables, ce qu'une étude d'impact n'aurait pas manqué de démontrer. Elle a indiqué que la quasi-totalité des avoués deviendraient avocats. Certes, en 1971, la suppression des avoués de première instance avait permis à 80 % de ceux-ci de le faire. Mais les avoués d'appel d'aujourd'hui détiennent leur clientèle des avocats eux-mêmes qui deviendraient, si la réforme est menée à bien, leurs concurrents. Croire que ceux-ci abandonneraient leur clientèle à des confrères, faisant désormais le même métier qu'eux est donc très peu vraisemblable. La profession d'avoué comporte 443 membres regroupés en 235 études qui sont de véritables entreprises employant au total un peu moins de 2 000 salariés. La suppression de la profession entraînerait donc, d'une manière inéluctable, la fermeture de ces 235 études dont la quasi-totalité des salariés ira nourrir les rangs du pôle emploi. Ces salariés sont et resteraient très difficilement reclassables et certainement pas dans les cabinets d'avocats puisque le ratio est aujourd'hui de 0,7 salarié pour 1 avocat alors qu'il est proche de 5 salariés pour 1 avoué. Cette décision emporte, de plus et pour le budget de l'État, des conséquences financières inéluctables. Les avoués sont des officiers ministériels qui ont acheté leurs offices. L'État va donc être contraint de rembourser la valeur de ces offices et d'indemniser les avoués du préjudice qu'ils subissent. Au terme d'un rapport déposé par la profession auprès de la chancellerie et dont les conclusions ont été reprises dans un rapport déposé au mois de janvier 2009 par le groupe de travail sur les professions réglementées de l'UMP, sous la signature de Monsieur Copé, le montant total de ce remboursement et des indemnisations, toutes causes confondues, s'élève à la somme de 906 millions d'euros. On est loin du chiffre - 250 millions d'euros - annoncé par elle qui estime le coût pour l'État au seul rachat à une partie seulement de la valeur estimée des charges. Outre qu'il s'agirait d'une incontestable spoliation, il est patent, dans cette hypothèse, qu'aucune indemnisation du préjudice subi par les avoués ne serait alors envisagée pas plus que la prise en compte, notamment, des indemnités de licenciements des salariés. Ainsi supprimer la profession d'avoué au 1er janvier 2010 aurait pour conséquences immédiates d'abord la suppression de 235 entreprises, ensuite le licenciement de près de 2 000 salariés dont une très faible part pourrait être réembauchée, un accroissement de la dépense publique de près de 900 millions d'euros, enfin, lié au remboursement du prix des offices et aux différentes indemnisations. Sa question est de savoir, au moment où notre pays traverse une crise sociale et économique sans précédent, si une telle réforme, par son coût social et budgétaire, est bien opportune et, le cas échéant, si elle doit être menée dans l'urgence comme cela semble être actuellement le cas.

Réponse émise le 14 avril 2009

La garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que la décision prise par le Gouvernement d'unifier les professions d'avocat et d'avoué vise à simplifier l'accès à la justice en appel, mais aussi à assurer le respect de la directive du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur, qui doit être transposée avant la fin de l'année 2009. Le Parlement sera appelé à se prononcer sur ce projet. Une concertation a été engagée avec les avoués et leurs représentants et avec les représentants de leurs salariés afin qu'il soit tenu le plus grand compte de leurs observations dans sa mise en oeuvre. Dans cette perspective, un haut magistrat spécialement missionné, M. Michel Mazard, avocat général à la Cour de cassation, a rencontré, pendant plusieurs mois, les représentants des avoués et de leurs salariés dans la France entière. Cette concertation était un préalable indispensable à la discussion qui vient de s'engager avec la profession sur les mesures concrètes qu'il convient d'envisager. Une première réunion d'information, le 5 février 2009, a permis au directeur du cabinet de la garde des sceaux, d'exposer au président de la Chambre nationale des avoués, les grands axes des conditions de mise en oeuvre de l'ensemble du dispositif législatif et réglementaire nécessaire à la réforme. Une autre réunion a eu lieu le 12 février 2009 au cabinet de la ministre de la justice avec les organisations représentatives des salariés. Il est procédé à une évaluation approfondie de l'ensemble des conséquences de la réforme, tant pour les avoués et pour leurs salariés que pour les cours d'appel et les justiciables. Les avoués seront indemnisés pour la perte de la charge qu'ils ont acquise et qu'ils ne pourront plus céder. Le montant de cette indemnisation doit donner lieu à des échanges de vues dans le courant des prochaines semaines afin qu'il soit équitable. Il convient notamment de prendre en compte la diversité des situations qui se présentent afin d'adapter le montant de cette compensation financière à la mesure des difficultés de chacun des avoués. Ceux-ci pourront devenir automatiquement avocats s'ils le souhaitent et pourront ainsi continuer à faire bénéficier leurs clients de leurs compétences et de leur expérience des procédures judiciaires. Pour ceux qui ne le souhaiteraient pas, les voies d'accès vers les autres professions judiciaires et juridiques et celles permettant d'intégrer la magistrature, seront améliorées. Il a été évoqué avec la Chambre nationale des avoués la possibilité d'instituer une période transitoire, de nature à faciliter leur transition professionnelle. Le principe n'en n'est pas arrêté, ce sujet étant ouvert à la réflexion et à la concertation. Le fonctionnement des cours d'appel ne devant pas être affecté par l'extension à tous les avocats de leur ressort de la faculté de s'adresser à elles, il a été décidé de rendre obligatoire l'introduction de l'instance par voie électronique devant cette juridiction. Les expérimentations actuellement conduites seront généralisées ; un avant-projet de décret en ce sens a été adressé pour avis aux représentants des avoués et des avocats. Tout sera également mis en oeuvre pour que les 1862 collaborateurs des avoués trouvent leur place dans cette nouvelle organisation ou bénéficient d'une aide personnalisée pour une reconversion professionnelle. Une commission tripartite composée de représentants de l'État, des employeurs et des salariés a été installée le 10 mars 2009, chargée de préparer une convention relative aux mesures qui permettront de faciliter cette reconversion pour ceux des salariés des offices dont le licenciement ne pourra être évité. Un accompagnement personnalisé de chacun d'eux sera effectif dans chacune des cours d'appel.

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