M. André Gerin attire l'attention de Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi sur deux rapports complémentaires relatifs aux effets de la consommation des ménages sur les importations. Il s'agit du rapport d'information n° 169 de la délégation du Sénat pour la planification et d'un rapport de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Le Gouvernement justifie son refus d'une augmentation des salaires et d'une relance par la consommation en arguant du risque de favoriser les importations au détriment de l'économie nationale. Les deux études font apparaître qu'en moyenne, sur 100 euros dépensés par un ménage, 14 euros seulement se portent sur des produits importés. En outre, chez les plus modestes de nos compatriotes, cette part tombe à 12,7 euros. Il convient d'y ajouter, sur le risque également invoqué qu'une hausse des salaires ne se traduise par un renforcement de l'épargne au détriment de la consommation, que l'OFCE montre que 95 % de ce qu'on donne aux plus modestes d'entre nous est consommé tout de suite. En revanche, chez les plus riches, cette part chute à 20 % seulement. Ces éléments devraient être de nature à faire réfléchir le Gouvernement et à le conduire à changer de politique. À l'évidence, les 15 milliards d'euros du bouclier fiscal pour les plus fortunés favorisent davantage l'épargne et la spéculation, tandis que n’accorder que 2,6 milliards d'euros aux salariés sous forme d'apports ponctuels et éphémères et 580 millions d'euros à nos compatriotes d'outre-mer, quand tous sont confrontés à la baisse de leur pouvoir d'achat, n'est pas de nature à assurer la relance. Il souhaiterait connaître son appréciation sur les deux rapports précités.
L'étude de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), réalisée à la demande du Sénat, indique que l'effet d'éviction par les importations d'une relance budgétaire par la consommation serait faible, de l'ordre de 14 centimes pour chaque euro injecté dans l'économie. L'approche méthodologique retenue pour calculer ce chiffre peut être contestée, dans la mesure où l'OFCE ne prend pas en compte le fait que les produits français incorporent des consommations intermédiaires importées. Les études réalisées par les services du ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi montrent que, une fois cet élément comptabilisé, le contenu en importations de la consommation française était plutôt, en 2006, de l'ordre de 20 %. Les travaux du ministère indiquent également que cette valeur suit une courbe en U inversé en fonction du revenu. Le contenu en importation du panier de consommation des ménages les plus modestes apparaît effectivement, inférieur à la moyenne, mais de façon moins significative que dans l'étude de l'OFCE. Par ailleurs, contrairement à ce qu'observe l'OFCE, il apparaît que les ménages situés en haut de l'échelle de distribution des revenus sont également moins consommateurs de produits importés. Ces divergences s'expliquent par le fait que les données ministérielles intègrent l'ensemble des postes de la consommation des ménages, alors que le champ étudié par l'OFCE se limite à 59 % du panier de consommation. Ce choix conduit, par exemple, à exclure les services culturels ou la restauration, qui ont un faible contenu en importations et sont relativement plus consommés par les ménages les plus aisés. Quoi qu'il en soit, tant les calculs de l'OFCE que ceux du ministère montrent que l'effet d'éviction par les importations est sensiblement équivalent pour la consommation et l'investissement. L'arbitrage entre une relance par la consommation et une relance par l'investissement ne peut donc pas se baser sur ce critère, mais doit procéder d'une analyse de la conjoncture économique et des ressorts de la croissance en France. Or, la consommation est restée relativement bien orientée sur la période récente : elle a progressé de 0,3 % au quatrième trimestre 2008 en France (contre - 0,3 % en moyenne pour la zone euro) et devrait encore s'inscrire en hausse au premier trimestre 2009. Cette bonne résistance s'explique par la tendance à la baisse de l'inflation et par les mesures déjà prises par le Gouvernement en faveur du pouvoir d'achat des ménages, en particulier la montée en charge du dispositif de défiscalisation des heures supplémentaires dans le cadre de la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (3 milliards en faveur des salariés en 2008). L'augmentation de 6,8 % au 1er avril 2009 du minimum vieillesse, le versement d'une prime de 200 euros aux bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) et la généralisation du RSA au 1er juillet 2009 devraient également soutenir la consommation. Au contraire, l'investissement des entreprises a fortement diminué au quatrième trimestre 2008 (- 2 %), et la baisse s'est, sans doute, accélérée depuis, ce qui légitime une intervention publique davantage ciblée sur cette composante de la demande intérieure. Ce soutien permet non seulement de favoriser l'activité économique - et donc de créer ou de sauvegarder des emplois - à court terme, mais aussi de préparer l'avenir, par la mise à niveau des infrastructures françaises et l'accent mis sur les investissements en faveur du développement durable. Enfin, il faut rappeler que le Gouvernement a annoncé, à la suite du sommet social du 18 février 2009, des mesures supplémentaires d'un montant total de 3 milliards d'euros, qui permettront d'aider les ménages les plus modestes : réduction de 66 % de l'impôt sur le revenu de l'année 2008 pour les contribuables se situant dans la première tranche d'imposition, primes de 150 euros aux familles bénéficiant de l'allocation de rentrée scolaire et de 500 euros aux chômeurs qui ne peuvent bénéficier de l'assurance chômage, bons d'achat de services d'une valeur de 200 euros attribués aux ménages modestes, indemnisation du chômage partiel jusqu'à 75 % du salaire brut.
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