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Alain Bocquet
Question N° 42625 au Ministère des Affaires européennes


Question soumise le 24 février 2009

M. Alain Bocquet attire l'attention de M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville sur la situation des services sociaux d'intérêt général (SSIG) qui pourraient rapidement être soumis à de nouvelles règles juridiques ; la transcription de la directive européenne n° 82-6 en droit français est actuellement en cours. Cela pourrait avoir de graves conséquences. Ainsi, dans le département du Gard, une interprétation restrictive du droit européen et le refus du TPG d'assurer le paiement des subventions aux associations exerçant ces missions, ont entraîné les premiers appels d'offres pour les « marchés » d'accueil et d'accompagnement des allocataires du RMI. Il est à craindre qu'en entraînant un enjeu et un risque économique, cette mise en concurrence des associations entre elles et avec des opérateurs privés, ne conduise à une remise en cause de l'accomplissement des missions déléguées. Il est donc urgent de faire en sorte que les SSIG soient protégés de la concurrence sauvage et du dumping social parce qu'ils jouent un rôle crucial pour la cohésion économique et sociale de notre pays. Ainsi, les règles de leur mandatement, et de leur financement sous forme de subventions par les collectivités publiques, pourront être clairement définies. Tenant compte de ces éléments, il lui demande de lui faire connaître les prolongements que le Gouvernement prévoit d'apporter à la proposition que les associations et intervenants de l'économie sociale soient exclus de la directive n° 82-6.

Réponse émise le 12 mai 2009

La clarification du droit communautaire et la sécurisation juridique des services publics ou « services d'intérêt économique général » (SIEG), en particulier les services sociaux d'intérêt général (SSIG), est une exigence que la France fait valoir de longue date tant auprès de la Commission européenne que de ses partenaires de l'Union européenne. Il en va en effet de la pérennité et de la vitalité du modèle social européen, dont la crise économique et financière actuelle ne fait que confirmer la pertinence. 1. Des évolutions positives ont pu être enregistrées, qui protègent davantage les spécificités des services publics et des services sociaux : a) Les services sociaux « relatifs au logement social, à l'aide à l'enfance et à l'aide aux familles et aux personnes se trouvant de manière permanente ou temporaire dans une situation de besoin qui sont assurés par l'État, par des prestataires mandatés par l'État ou par des associations caritatives reconnues comme telles par l'État » sont exclus du champ d'application de la directive n° 2006/123/CE du parlement et du conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur (article 2.2.j). Cette exclusion concerne également les services de soins de santé « qu'ils soient ou non assurés dans le cadre d'établissements de soins et indépendamment de la manière dont ils sont organisés et financés au niveau national ou de leur nature publique ou privée ». La question du « mandatement » est, en effet, au coeur de la transposition de cette directive, actuellement en cours, en droit français et fait l'objet d'amples consultations tant interministérielles qu'avec les pouvoirs publics gestionnaires de services sociaux. b) L'exclusion de certains services sociaux du champ d'application de la directive sur les services ne vaut pas exonération du respect des règles du marché intérieur. Ce principe est toutefois très tempéré tant par les dispositions du traité (articles 86§2CE et 87CE en particulier) que, progressivement, par le droit dérivé, tout particulièrement la décision de la Commission du 28 novembre 2005. Cette décision est un des éléments clés du paquet « Monti-Kroes » qui tire les conséquences de l'arrêt « Altmark » de la CJCE du 24 juillet 2003. Cette jurisprudence et les instruments élaborés sur cette base offrent un cadre et une sécurité juridique supplémentaires aux financements versés par les pouvoirs publics en compensation des charges des services d'intérêt économique général (SIEG). En particulier la décision de 2005 définit sous quelles conditions des compensations de service public peuvent être exemptées de notifications à la Commission européenne. 2. Le Gouvernement s'est engagé à prendre en compte les inquiétudes des acteurs publics et privés, en particulier locaux, qui sont gestionnaires de services sociaux d'intérêt général : il a confié en juillet 2008 à M. Michel Thierry une mission relative à la prise en compte des spécificités des services d'intérêt général dans la transposition de la directive sur les services et l'application du droit communautaire des aides d'État. Désormais disponible, ce rapport permet de bien cerner sur ces questions les enjeux, les acquis et les améliorations souhaitables, tant au plan national au regard de la bonne articulation avec le droit communautaire qu'au niveau européen pour y faire évoluer le droit et les pratiques. Le rapport invite fermement la Commission à poursuivre ses travaux de clarification du droit européen et sur l'ordonnancement des objectifs sociaux et des règles de concurrence et de libre circulation dans le marché intérieur. 3. À noter enfin que le traité de Lisbonne consacre des avancées non négligeables dans deux directions, qui reflètent les différentes sensibilités européennes vis-à-vis des services publics, et qui visent chacune à mieux protéger leurs spécificités : a) Le protocole n° 9 sur les « services d'intérêt général » consacre le rôle essentiel et la grande marge de manoeuvre des pouvoirs publics nationaux, autrement dit le bien-fondé de la subsidiarité en la matière. Ainsi : « Les valeurs communes de l'Union concernant les services d'intérêt économique général (...) comprennent notamment : le rôle essentiel et la grande marge de manoeuvre des autorités nationales, régionales et locales dans la fourniture, la mise en service et l'organisation des services d'intérêt économique général d'une manière qui réponde autant que possible aux besoins des utilisateurs ; la diversité des services d'intérêt économique général et les disparités qui peuvent exister au niveau des besoins et des préférences des utilisateurs en raison de situations géographiques, sociales ou culturelles différentes ; - un niveau élevé de qualité, de sécurité et d'accessibilité, l'égalité de traitement et la promotion de l'accès universel et des droits des utilisateurs. » Ces « dispositions des traités ne portent en aucune manière atteinte à la compétence des États membres relative à la fourniture, à la mise en service et à l'organisation de services non économiques d'intérêt général ». b) Par ailleurs, le nouvel article 14 TFUE du traité de Lisbonne offre la faculté de légiférer au niveau communautaire, contrairement à l'actuel article 16CE. Ainsi : « Sans préjudice des articles 93, 106 et 107 [ex- articles 73, 86, 87 CE] et de l'article 4 du traité sur l'Union européenne et eu égard à la place qu'occupent les services d'intérêt économique général parmi les valeurs communes de l'Union ainsi qu'au rôle qu'ils jouent dans la promotion de la cohésion sociale et territoriale de l'Union, l'Union et ses États membres, chacun dans les limites de leurs compétences respectives et dans les limites du champ d'application des traités, veillent à ce que ces services fonctionnent sur la base de principes et dans des conditions, notamment économiques et financières, qui leur permettent d'accomplir leurs missions. Le Parlement européen et le Conseil, statuant par voie de règlements conformément à la procédure législative ordinaire, établissent ces principes et fixent ces conditions, sans préjudice de la compétence qu'ont les États membres, dans le respect des traités, de fournir, de faire exécuter et de financer ces services. » (en gras, nouvelles dispositions introduites par le traité de Lisbonne). c) Enfin, la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, insérée dans le traité de Lisbonne, consacre à son article 36 un « Accès aux services d'intérêt économique général » : « L'Union reconnaît et respecte l'accès aux services d'intérêt économique général tel qu'il est prévu par les législations et pratiques nationales, conformément aux traités, afin de promouvoir la cohésion sociale et territoriale de l'Union. » La bonne articulation du droit national et du droit communautaire, afin de sécuriser les opérateurs de services sociaux d'intérêt général, ainsi que le renforcement du cadre européen ont donc fait l'objet de progrès importants ces dernières années qui doivent être poursuivis.

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