M. André Gerin attire l'attention de Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales sur les conclusions du contrôle conduit par la commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) sur le système de traitement des infractions constatées (STIC). Ce fichier de police judiciaire a vocation à recenser les infractions afin d'aider le travail des enquêteurs. Il contient des fiches concernant 5,5 millions de personnes mises en cause, 28,3 millions de victimes et 36,4 millions de procédures. Les 100 000 agents de police qui y ont accès le consultent 20 millions de fois chaque année. Or la CNIL relève que seules 14 % des fiches sont exactes et contiennent des informations à jour. 68 % seulement des relaxes sont mentionnées dans le fichier et moins de 0,5 % des non-lieux. 21,5 % seulement des traitements sans suite seraient pris en compte. Ainsi un citoyen peut-il apparaître comme étant mis en cause dans une affaire alors qu'il a été déclaré innocent par un tribunal. Cet état de fait est d'autant plus grave que le STIC est utilisé dans le cadre d'enquêtes administratives, menées pour des recrutements dans les secteurs de la sécurité, de la magistrature ou pour des emplois aéroportuaires. En résultent des refus de recrutement injustifiés en raison de l'inexactitude des données figurant au fichier. Plus d'un million d'emplois sont concernés. Cette situation est grave. Elle n'est pas due seulement à des dysfonctionnements et à des négligences. Elle est la conséquence des dérives d'une politique sécuritaire, qui aboutit à l'inverse de l'objectif qu'elle prétendait atteindre : davantage de sécurité pour nos concitoyens qu'elle expose à l'arbitraire et à des erreurs judiciaires. Il connaître les mesures d'urgence qu'elle compte prendre pour remédier à cet état de fait.
Les fichiers de police sont un outil de travail quotidien pour les services de police et de gendarmerie. Leur utilisation est strictement encadrée, à la fois pour garantir la protection des libertés publiques et pour éviter toute méfiance de la part de la population vis-à-vis des services publics chargés de protéger sa sécurité. La loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés établit les règles fondamentales (qu'il s'agisse de l'alimentation du fichier, des durées de conservation des données, des droits des particuliers, des contrôles que peut effectuer la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) ou encore de l'exactitude des données). Le fichier dénommé « Système de traitement des infractions constatées » (STIC) est soumis en outre à des règles spécifiques, notamment celle de l'article 21 de la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure qui prévoit un contrôle du procureur de la République sur les fichiers. Dans ce cadre légal extrêmement strict, une attention particulière est portée à l'exactitude et à la mise à jour des données : des mentions peuvent être à tout moment effacées ou corrigées, par exemple à la demande d'un magistrat ou d'un particulier, et le STIC dispose depuis 2004 d'un dispositif d'apurement automatique des données à l'expiration de leur délai de conservation. Cet outil permet de supprimer chaque mois du fichier environ 10 000 individus mis en cause et 200 à 400 victimes. Une attention particulière est également portée à la consultation du fichier, soumise à de strictes conditions et contrôlée. D'ores et déjà, des systèmes de traçabilité des interrogations sont en place. Lorsque des fonctionnaires utilisent des informations de ce fichier à des fins personnelles et non prévues par les textes, les services d'inspection et, le cas échéant, l'autorité judiciaire sanctionnent ces fautes, qui sont rares. Pour autant, des insuffisances peuvent être relevées et le rapport récemment publié par la CNIL conforte à cet égard les analyses déjà faites par le ministère de l'intérieur et les travaux déjà engagés pour perfectionner le fonctionnement de ce fichier. Les avancées technologiques programmées amélioreront la qualité des données contenues dans le STIC et leur parfaite mise à jour. La prochaine création du fichier ARIANE, qui regroupera le STIC et le fichier JUDEX de la gendarmerie, constituera une amélioration majeure : son alimentation sera assurée automatiquement par les logiciels de rédaction de procédure de la police (ARDOISE) et de la gendarmerie (ICARE), évitant toute erreur de saisie. Surtout, la mise à jour des données, largement tributaire des informations que doivent transmettre les parquets aux services de police sur les suites judiciaires, sera mieux assurée lorsque le ministère de la justice disposera du nouveau traitement, CASSIOPEE, qui permettra l'échange électronique de données entre services d'enquête et tribunaux afin d'automatiser les mises à jour. S'agissant de la consultation du STIC pour des enquêtes administratives relatives aux salariés ou fonctionnaires exerçant des professions sensibles, elle est strictement encadrée et des textes juridiques, notamment l'article 17-1 de la loi du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité, fixent précisément et limitativement les cas dans lesquels elle est autorisée. L'inscription dans un fichier n'emporte nullement à elle seule et automatiquement une décision négative de la part de l'autorité administrative, de surcroît soumise au contrôle du juge administratif. Les préfets doivent porter une appréciation sur les éléments figurant dans le fichier faits au regard de la profession concernée. Par ailleurs, la loi de 1978 dispose qu'« aucune [...] décision produisant des effets juridiques à l'égard d'une personne ne peut être prise sur le seul fondement d'un traitement automatisé de données destiné à définir le profil de l'intéressé ou à évaluer certains aspects de sa personnalité ». En tout état de cause, l'affirmation selon laquelle « plus d'un million d'emplois sont concernés » par ces enquêtes ne repose sur aucune donnée sérieuse : il n'existe pas de donnée statistique sur ce point et, si comme semble le faire la CNIL, on se fonde sur le million de consultations du fichier dans un cadre administratif relevées en 2007, cette estimation englobe des consultations qui sont loin de correspondre à des agréments pour l'exercice d'une profession (accès à une zone protégée par exemple). La ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales a également pris deux initiatives importantes au cours des derniers mois. Il a été proposé à la ministre de la justice, en septembre 2008, de constituer un groupe de travail pour améliorer les transmissions d'informations entre la police et la justice concernant le STIC. Par ailleurs, la ministre a décidé de réactiver le groupe de travail sur les fichiers de police et de gendarmerie, qui a présenté ses recommandations au mois de décembre. Après une étude approfondie de son rapport, les ministre a annoncé adhérer à l'essentiel des recommandations, dont la mise en oeuvre sera entreprise à partir de cette année, en liaison avec les propositions faites par la CNIL, pour améliorer la saisie, la mise à jour et le contrôle des données figurant dans le STIC.
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