Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Jean-Yves Le Déaut
Question N° 42456 au Ministère du de l'homme


Question soumise le 17 février 2009

M. Jean-Yves Le Déaut attire l'attention de Mme la secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme sur la mise en conformité de notre droit pénal avec le statut de Rome de la Cour pénale internationale. Le projet de loi, adopté par le Sénat, portant adaptation du droit pénal à l'institution de la Cour pénale internationale, comporte un certain nombre de dispositions qui tend à limiter les dispositions du statut. Ainsi, premièrement les suspects de crimes internationaux ne pourraient être jugés que s'ils résident habituellement sur le territoire français. Deuxièmement, un principe de double incrimination est introduit. Troisièmement, le ministère public peut seul engager des poursuites, rompant avec la tradition pénale française et le principe d'égalité des citoyens devant la loi. Enfin, le principe de complémentarité défini par le statut de la CPI est inversé en subordonnant les poursuites en France à la condition que la Cour ait décliné expressément sa compétence. Il lui demande donc quelles sont ses intentions sur ces quatre points précis et comment elle compte agir pour que la France se mette en conformité avec le statut de Rome de la CPI.

Réponse émise le 28 avril 2009

Le Gouvernement avait fait le choix de ne pas introduire dans le projet de loi d'adaptation transmis au parlement de clause de compétence universelle autorisant les juridictions françaises à poursuivre les auteurs de crimes de la compétence de la CPI pour plusieurs raisons. Tout d'abord parce que, comparativement à de nombreux États, les critères de compétence de droit commun de nos juridictions sont déjà très larges pour connaître de faits commis à l'étranger. Ainsi, au-delà de la compétence territoriale traditionnelle qui permet aux juridictions nationales de connaître des crimes commis sur notre sol, la compétence personnelle active ou passive permet aux juges français de poursuivre les auteurs d'un crime commis à l'étranger par l'un de nos ressortissants, ou lorsque des Français figurent parmi les victimes. Ensuite parce ce que, de manière générale, une telle compétence n'a été introduite en droit interne que sur le seul fondement des engagements internationaux souscrits par la France le prévoyant expressément. C'est le cas par exemple de la convention contre la torture ou encore de la convention pour la répression du terrorisme. Par principe, la compétence des juridictions françaises ne peut être mise en oeuvre que si l'auteur du crime est présent sur le sol français au moment de l'engagement de l'action judiciaire. On parle dès lors de compétence « quasi universelle ». Or, en l'espèce, aucune disposition du Statut de Rome ne prévoit d'obligation en ce sens. Enfin parce qu'en tout état de cause, la compétence de la CPI n'était pas universelle. Dès lors, les juridictions françaises ne pourraient poursuivre que les auteurs de crimes commis par des ressortissants d'un État partie au Statut de Rome, ou si ces crimes sont commis sur le territoire d'un État partie à moins que la situation n'ait été déférée à la cour par le Conseil de sécurité des Nations unies. Dans ces conditions, une clause de compétence universelle de nos juridictions aurait nécessairement une portée réduite. On doit souligner par ailleurs que la question de la portée des clauses de compétence extraterritoriale à l'égard des ressortissants d'États non parties à une convention internationale est actuellement pendante devant la cour internationale de justice. Mais il reste que, soucieux d'éviter que des criminels puissent échapper à la justice dès lors que ni la Cour pénale internationale, ni aucun autre État ne solliciteraient qu'ils soient remis ou extradés, le Gouvernement a soutenu l'amendement présenté par les sénateurs visant à élargir la compétence des juridictions pénales nationales au-delà de leur compétence traditionnelle. Cet amendement prévoit d'ouvrir aux juges français la possibilité, sous certaines conditions, de poursuivre toute personne qui s'est rendue coupable à l'étranger de l'un des crimes relevant de la compétence de la cour (génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre). Conscients des problèmes pratiques que pourrait soulever la mise en jeu d'une compétence quasi universelle de nos juridictions, et à la lumière notamment des expériences de certains États qui les ont conduits à revenir partiellement en arrière, les sénateurs ont souhaité la subordonner à plusieurs conditions. Les problèmes pratiques que rencontrent les juges en charge de ce type de dossiers ont pesé sur le choix des sénateurs (risque de multiplication des recours dans un contexte où les enquêtes pour des faits commis à l'étranger, par des étrangers et contre des étrangers sont complexes, les preuves difficiles à réunir, les témoins éloignés mais aussi eu égard, plus généralement, au manque de moyens affectés au traitement de telles affaires et aux risques de décevoir les attentes légitimes des victimes). Sur le fondement de ces considérations, la formule retenue par le Sénat prévoit notamment une condition de résidence habituelle qui s'explique essentiellement par le souci d'éviter, comme cela fut le cas pour certains États, des recours abusifs ou de circonstance à l'occasion du simple transit de l'auteur présumé d'un crime de la compétence de la CPI sur notre sol. Est requise par ailleurs une double incrimination ou bien que la personne soit justiciable de la cour. Ces dispositions ont pour objet de mettre la compétence de nos juridictions en conformité avec le champ de compétence territoriale prévue par le Statut de Rome qui, hors les cas d'une saisine de la cour par le Conseil de sécurité des Nations unies, est limité aux seuls États parties. Ils sont au nombre de 108 aujourd'hui mais bon nombre de pays, et non des moindres, parmi lesquels les États-Unis, la Chine, la Russie, l'Inde, le Pakistan, Israël et la quasi-totalité des États du Moyen-Orient et d'Asie, ne sont pas même signataires du Statut de Rome et ne manifestent à ce stade aucune intention de devenir parties à plus ou moins long terme. Il est précisé que la plupart des États, y compris parmi nos partenaires européens, ayant d'ores et déjà introduit une telle compétence de leurs juridictions pour juger les auteurs de crimes de la compétence de la cour, ont également fixé une série de conditions pour sa mise en oeuvre comme un lien de rattachement avec le pays de l'auteur ou de la victime ou encore le monopole de poursuites conféré au parquet. Le pouvoir discrétionnaire des parquets pour engager les poursuites est prévu notamment en Belgique, aux Pays-Bas, en Norvège, au Danemark et en Allemagne. L'amendement adopté par le Sénat le 10 juin 2008, qui prévoit de la même manière que seul le ministère public peut engager des poursuites, s'inspire de ces expériences étrangères. Au-delà de ces critères, et en toute hypothèse, il ne saurait y avoir d'impunité pour l'auteur présumé d'un crime susceptible de se trouver en France. Un éventuel suspect présent sur le sol français pourrait en effet toujours être interpellé sur la base d'un mandat d'arrêt délivré par la cour et lui être remis ou alors être extradé vers tout État revendiquant sa compétence aux fins de le juger. Une compétence quasi universelle ainsi encadrée et de nature subsidiaire par rapport à des poursuites éventuellement déjà engagées devant d'autres juridictions, qui évite toute situation d'impunité, a été jugée acceptable par le Gouvernement dès lors qu'elle est circonscrite dans des limites qui rendraient l'action de la France légitime et incontestable.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.

Inscription
ou
Connexion