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Dominique Baert
Question N° 4147 au Ministère de la Culture


Question soumise le 11 septembre 2007

M. Dominique Baert attire l'attention de Mme la ministre de la culture et de la communication sur les légitimes droits de propriété intellectuelle des artistes-interprètes dans un monde où la mutation effrénée des nouvelles technologies de diffusion risque de spolier ces derniers des justes retours de leur talent et de leur créativité. Les artistes-interprètes sont au coeur de la création musicale et audiovisuelle, et l'édification de la société de l'information ne peut se faire que dans le respect des droits inhérents à cette création. Celui-ci passe par la rémunération équitable de l'utilisation de leurs prestations enregistrées et par la reconnaissance effective de leur droit moral. C'est pour cela qu'il lui demande quelles sont les mesures que compte prendre le ministère pour que les ressources des artistes-interprètes soient défendues, maintenues et renforcées, notamment qu'ils puissent percevoir leur dû sur l'utilisation des phonogrammes du commerce à travers toutes les formes de communication au public, y compris sur Internet et par voie de webcasting et de télédiffusion. Il s'interroge également pour savoir si ne pouvait être envisagée l'inscription explicite dans la loi des droits de prêt et de location, ce qui aurait l'avantage de renforcer les droits exclusifs reconnus aux artistes-interprètes.

Réponse émise le 29 janvier 2008

La possibilité, pour les créateurs, de vivre des droits d'auteur ou des « droits voisins » issus du produit de leur activité, constitue une préoccupation majeure du Président de la République et du Gouvernement. C'est pourquoi l'amélioration de la rémunération des artistes-interprètes a fait l'objet, au cours des derniers mois, d'une importante série de mesures ou d'initiatives. S'agissant de la diffusion à la demande sur le réseau Internet, il convient de rappeler que l'article L. 212-3 du code de la propriété intellectuelle confère déjà à l'artiste-interprète le droit d'autoriser ou de faire obstacle - appelé « droit exclusif » - à la fixation de sa prestation, à sa reproduction et à sa communication au public, ainsi qu'à toute utilisation séparée du son et de l'image de cette prestation lorsque celle-ci a été fixée à la fois pour le son et l'image. Or ce « droit exclusif » couvre notamment les diffusions sur Internet. S'agissant du droit de prêt et de location, si les mêmes dispositions du code de la propriété intellectuelle ne prévoient pas explicitement la rémunération de l'artiste-interprète pour la location ou le prêt de sa prestation, le bénéfice d'un tel droit lui est néanmoins assuré par la jurisprudence sur le fondement de la directive 2006/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative au droit de location et de prêt et à certains droits voisins du droit d'auteur dans le domaine de la propriété intellectuelle. Aussi la modification du code de la propriété intellectuelle pour y inscrire le droit de prêt et de location n'aurait, par elle-même, aucune conséquence sur les ressources des artistes-interprètes. En revanche, la rémunération des artistes-interprètes a été améliorée de façon sensible au cours des derniers mois, en premier lieu par l'adoption d'un nouveau barème pour la rémunération dite « équitable » et, en second lieu, par l'extension de la « rémunération pour copie privée » à de nouveaux supports de copie. En premier lieu, il convient de rappeler que le législateur a prévu depuis 1985, au bénéfice des artistes-interprètes et de leurs producteurs, le versement d'une rémunération - dite « équitable », par référence aux stipulations d'une convention de Rome de 1961 qui en pose le principe -, mise à la charge des différentes catégories d'utilisateurs des phonogrammes radios privées (généralistes et musicales) et publiques, télévisions par câble et satellite, sociétés de production audiovisuelle qui incorporent de la musique dans leurs programmes, discothèques et exploitants de « lieux sonorisés ». Ce mécanisme, qui consiste à substituer un droit à rémunération au traditionnel « droit exclusif » de s'opposer à la communication de l'oeuvre au public, est parfois qualifié de « licence légale ». Le dispositif assure un compromis entre les intérêts des artistes-interprètes et des producteurs et ceux des professions qui utilisent la musique dans le cadre de leur activité et auxquelles le législateur souhaitait épargner les lourdes contraintes d'une négociation contractuelle avec les titulaires du « droit exclusif ». Le législateur a également pris en compte le fait que la diffusion de musique offre à l'industrie phonographique une promotion dont bénéficient, en définitive, les artistes-interprètes et les producteurs. Cette rémunération est principalement assise sur les recettes d'exploitation des entreprises ou, à défaut, est évaluée forfaitairement. Elle revient pour moitié aux artistes-interprètes et pour moitié aux producteurs. Il a été décidé le 15 octobre 2007 de réévaluer, à compter du 1er janvier 2008, le barème de la rémunération applicable aux radios privées, qui était demeuré inchangé depuis 1993, alors même que la chaîne de valeur de l'industrie musicale avait vu ses équilibres bouleversés par le passage vers l'économie numérique. L'ancien barème envisageait de façon rigide la situation des différentes radios, en leur appliquant un taux uniforme de 4,25 %. Le nouveau barème, en revanche, est souple et prend en compte la situation économique des différentes radios, associatives et généralistes, tout en améliorant la rémunération des créateurs. Le montant global de la rémunération versée aux artistes-interprètes augmentera de 38 %, ce qui le rapprochera de la moyenne européenne en dessous de laquelle nous demeurons et l'application de ce nouveau barème se fera progressivement, sur trois ans, selon un rythme à déterminer par les radios elles-mêmes. La réévaluation progressive des barèmes applicables aux autres secteurs assujettis - et d'abord aux radios publiques - est d'ores et déjà à l'étude. En second lieu, les artistes-interprètes figurent également au nombre des bénéficiaires de la « rémunération pour copie privée ». L'assiette de cette rémunération a été récemment étendue aux derniers supports de copie apparus sur le marché : clés USB, cartes mémoires et disques durs externes depuis le 1er octobre 2007, puis disques durs multimédias à compter du 1er février 2008. Mais les artistes-interprètes doivent également être rémunérés pour les copies privées de leurs prestations qui sont réalisées au moyen des téléphones multimédia : c'est pourquoi l'assujettissement de ces appareils sera étudié dans les meilleurs délais. Enfin, la durée des droits des artistes-interprètes constitue pour ceux-ci un enjeu majeur, dont le Gouvernement a pleinement pris la mesure. En effet, depuis la directive 93/98/CE du Conseil du 29 octobre 1993 relative à l'harmonisation de la durée de protection du droit d'auteur et de certains droits voisins, la durée des droits voisins des artistes-interprètes et des producteurs de phonogrammes a été harmonisée à cinquante ans pour les États membres de l'Union européenne. Or l'allongement de la durée de la vie des créateurs a aujourd'hui pour conséquence que des pans entiers du fonds de catalogue des années 1950 et 1960, représentant une part très significative du patrimoine national dans le domaine des variétés, tombent progressivement dans le domaine public alors même que les interprètes de ces oeuvres sont encore vivants et que les enregistrements continuent d'être exploités. Il est tout à fait inéquitable que des artistes qui ont commencé leur carrière très jeunes se voient ainsi privés de toute rémunération au titre de leurs premiers enregistrements, alors que les auteurs bénéficient d'une protection de leurs droits patrimoniaux qui couvre toute leur existence et, au-delà, soixante-dix années supplémentaires au bénéfice de leurs ayants droit. En outre, la durée harmonisée des droits voisins des artistes-interprètes au sein de l'Union européenne est actuellement sensiblement plus courte que celle qui est prévue par de nombreuses législations étrangères, comme celles des États-Unis, du Brésil ou encore du Mexique, qui varie de soixante à quatre-vingt-quinze ans. Le ministère de la culture et de la communication a donc saisi le 15 janvier 2008 la Commission européenne afin que soit engagé dans les meilleurs délais, au niveau communautaire, un travail de réflexion sur la question de la durée légale de protection des droits des artistes-interprètes ainsi d'ailleurs que des producteurs de phonogrammes.

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