Mme Patricia Adam attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères et européennes sur le statut des différentes langues des signes en droit communautaire et, plus particulièrement, sur l'éventualité de voir étendu le champ de la charte européenne des langues régionales et minoritaires aux différentes langues des signes, en tant que langues dépourvues de territoire portant une spécificité culturelle propre. Cette revendication est en effet portée par certaines associations françaises et européennes représentant les personnes sourdes, compte tenu du fait que l'apprentissage de la langue des signes constitue le seul moyen pour les personnes handicapées d'une surdité totale de pouvoir s'instruire, accéder au monde du travail et s'intégrer dans la société. Or, malgré plusieurs résolutions du Parlement européen et recommandations de l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, émettant le voeu de voir reconnu un statut aux différentes langues des signes, le droit communautaire ne le leur confère pas à ce jour. Le Parlement européen a ainsi émis deux résolutions en ce sens en date du 17 juin 1988 et du 18 novembre 1998 (n° B4-0985/98). Dans ce dernier texte, le Parlement européen établit le constat « qu'une grande majorité de personnes frappées de surdité ne parviennent pas à maîtriser le langage parlé et que le langage gestuel constitue pour la plupart d'entre elles une possibilité d'expression, souvent unique ». En conséquence, le Parlement « invite la Commission à adresser au Conseil une proposition en vue de la reconnaissance officielle du langage gestuel à l'usage des sourds dans chaque État membre ». Quant à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, dans le paragraphe 12 de sa recommandation n° 1492 de 2001, elle préconise de « donner aux différentes langues des signes en usage en Europe une protection semblable à celle conférée par la charte européenne des langues régionales ou minoritaires, éventuellement par l'adoption d'une recommandation aux États membres ». Dans sa recommandation n° 1598 de 2003, cette même assemblée « regrette que le comité des ministres ne se soit pas prononcé sur les avis du comité d'experts de la charte européenne des langues régionales ou minoritaires (STE n° 148) et du comité pour la réadaptation et l'intégration des personnes handicapées » et que, dès lors, « cette réponse justifie, s'il en était besoin, [son] souci (...) de voir les droits des utilisateurs des langues des signes insérés dans un instrument juridique particulier, ou dans un protocole additionnel à la charte ». Elle y réitère son voeu « d'envisager la rédaction d'un protocole additionnel à la charte européenne des langues régionales ou minoritaires, qui incorpore les langues des signes dans la charte, en tant que langues minoritaires dépourvues de territoire », voeu repris dans le rapport de M. Malcolm Bruce du 17 mars 2003 relatif à la « protection des langues des signes dans les États membres du Conseil de l'Europe » rédigé au nom de la commission des questions juridiques et des droits de l'Homme de cette assemblée. Enfin, le comité consultatif de suivi de la convention-cadre pour la protection des minorités nationales, constate « qu'il n'existe pas d'approche commune dans l'Union européenne de la question des langues des signes ». Il en tire la conclusion que « ces langues sont (...) discriminées selon les États membres », étant donné que « les sourds n'ont (...) pas droit à l'enseignement et à l'emploi sur un pied d'égalité avec les entendants puisque leur droit de communiquer est largement ignoré ». Compte tenu de cette orientation convergente adoptée par les deux institutions parlementaires européenne et communautaire, qu'elles justifient par l'exigence d'adopter des instruments plus efficaces de lutte contre les discriminations et d'intégration des personnes sourdes dans la société, elle lui demande de préciser s'il envisage de relayer cette position au sein des institutions européennes et communautaires - et notamment auprès de la Commission et du Conseil des ministres -, en vue d'aboutir à une extension du champ de la charte européenne des langues régionales et minoritaires aux différentes langues des signes et s'il privilégie, à ce titre, l'adoption d'un protocole additionnel à cette charte.
L'honorable parlementaire a bien voulu attirer l'attention du ministre des affaires étrangères et européennes sur la charte européenne des langues régionales ou minoritaires et l'éventualité de son extension à la langue des signes. La France a signé cette charte, le 7 mai 1999, mais elle n'a pu la ratifier en raison de la décision du Conseil constitutionnel, le 15 juin 1999, indiquant qu'une partie du préambule de la charte européenne des langues régionales ou minoritaires ainsi que certaines dispositions prévues dans cette Charte portaient atteinte aux principes constitutionnels d'indivisibilité de la République, d'égalité devant la loi et d'unicité du peuple français. Dès lors, la rédaction d'un protocole additionnel à la Charte européenne des langues régionales et minoritaires pour y inclure es langues des signes ne pourrait avoir d'effet en droit interne. Cependant, en pratique, la France respecte les engagements contenus dans la Charte et met en oeuvre les mesures auxquelles elle a souscrit. Par ailleurs, la France développe actuellement un ample arsenal juridique en matière de protection des personnes souffrant d'un handicap auditif, et notamment en matière de promotion de l'enseignement de la langue des signes, avec l'amélioration de la prise en charge des personnes souffrant d'un handicap auditif et de leur accès à l'école ou à l'emploi. En outre, la loi du 11 février 2005 a constitué une avancée particulièrement significative dans la reconnaissance de la langue des signes française. Ainsi, la France entend oeuvrer à ce que les personnes sourdes aient le libre choix de leur mode de communication, avec notamment la création de classes oralisantes ou classes bilingues langue des signes-français écrit. Par ailleurs, la langue des signes française est enseignée dans le primaire depuis la rentrée scolaire 2008, selon un arrêté du ministère de l'éducation nationale publié le 12 août 2008 au Journal officiel (30 à 100 écoles primaires dans un premier temps). Une épreuve de langue des signes est inscrite au baccalauréat. En 2008, les examens ont pu être organisés dans toutes les académies. Une conférence de consensus sur l'éducation et la scolarisation des jeunes sourds sera organisée par le ministère de l'éducation nationale et le secrétariat d'État à la solidarité au premier semestre 2009. L'éducation nationale travaille également sur la mise en place de parcours scolaires intégrés en milieu ordinaire avec codeurs en langage parlé complété (LPC) ou en classe bilingue langue des signes française (LSF)-français écrit. La même démarche va être entreprise au niveau de l'enseignement supérieur : des filières accessibles sont expérimentées depuis la rentrée 2008 dans une université. Si les résultats sont concluants, cette expérimentation sera progressivement étendue à d'autres facultés. Lors de la conférence nationale du handicap, le Gouvernement s'est engagé à créer des places en services d'éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD) spécialisés pour les jeunes sourds, les SSEFIS (services de soutien à l'éducation familiale et à l'intégration), avec un objectif de création de 1 100 places de SESSAD en 2009.
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