Mme Christiane Taubira interroge Mme la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports sur les conséquences de l'exploitation minière clandestine en Guyane. L'interdiction officielle d'usage du mercure est en vigueur depuis janvier 2006. Cette mesure, qui faisait partie des recommandations prioritaires énoncées par la députée dans son rapport sur l'activité aurifère (septembre 2000), était indispensable à la fois pour mettre un terme à l'empoisonnement auquel étaient exposées les populations résidant en aval des chantiers, et pour préserver les criques et cours d'eau. Elle demande à connaître l'état d'application de cette interdiction par les chantiers légaux et réguliers. Compte tenu de la réglementation sur le stockage de mercure et considérant qu'il en est récupéré certaines quantités lors de prospections, quelles mesures ont été prises pour le traitement de ce métal, dont les effets lourds sur la santé appellent une vigilance permanente et exigeante ? Elle lui demande quel suivi sanitaire a été effectué auprès des populations ayant été exposées à l'ingestion de mercure par la consommation de poissons carnivores et auprès des personnels chargés de la distillation pour lesquels l'APAVE et la médecine du travail ont formulé quelques prescriptions. Les chantiers illégaux ayant recours à des techniques rapides et dévastatrices, il est évident qu'elles utilisent encore le mercure pour amalgamer l'or. S'il revient au ministère de l'intérieur de procéder à la détection des infractions, délits et crimes, au ministère de la justice de les sanctionner et au ministère de la défense d'assurer le contrôle du territoire, quelle que soit l'efficacité des actions conduites par ces divers ministères, il appartient au ministère de la santé de veiller aux conditions de santé de la population en tout point du territoire. Cette activité étant également responsable de la multiplication des foyers de paludisme et de dengue, maladies dont les effets se sont encore avérés mortels jusqu'à ces derniers mois. Elle souhaiterait connaître les résultats du plan de prévention annoncé par le précédent gouvernement et où en est la recherche sur le vaccin antipaludéen et sur les thérapies en milieu public hospitalier compte tenu de la résistance développée par l'agent infectieux, notamment du fait de la fragmentation des traitements et de la circulation illicite de médicaments parfois périmés, ainsi que la place que le ministère de la santé s'apprête à réserver à ces questions lors du Grenelle de l'environnement.
S'agissant de la prévention des risques liés au mercure, des études épidémiologiques portant sur l'ensemble des populations de Guyane (Haut-Maroni, Sinnamary, fleuve Maroni, fleuve Oyapock) ont été menées, entre 1994 et 2005, par l'Institut de veille sanitaire et la CIRE Antilles-Guyane, avec le concours de la direction de la santé et du développement social (DSDS) de la Guyane et du conseil régional. Elles ont été complétées par une étude menée en 2005 par la CIRE, visant à documenter la situation des malformations congénitales dans le Haut-Maroni. Ces travaux ont permis de mieux délimiter les zones de fortes expositions et d'appréhender les facteurs associés à l'imprégnation mercurielle pour l'ensemble de la population de la Guyane. Les populations littorales et celles du cours aval des fleuves Maroni et Oyapock sont peu exposées. Les populations les plus exposées sont les forts consommateurs de poisson de fleuve, vivant sur l'amont des fleuves Maroni et Oyapock. Le niveau d'imprégnation des populations est relié aux habitudes alimentaires et au niveau de contamination de la chaîne alimentaire. Ainsi, dans ces études, les personnes ne consommant jamais de poisson de fleuve présentent une concentration moyenne de mercure de l'ordre de lµg/g de cheveux. Dans le Haut-Maroni, la concentration retrouvée dans les cheveux de la population est un peu plus élevée en 2005 qu'en 1997 : 12,2 eµg/g contre 10,6 eµg/g. Le pourcentage d'enfants dépassant la valeur de 10 eµg/g recommandée par l'OMS, en 2005, est cependant similaire à celui de 1997 (50 % contre 54 %). Par contre, chez les adultes, cette proportion a augmenté (84 % contre 64 %). Les résultats de l'étude conduite par la CIRE en 2005 concernant les malformations congénitales, en termes de prévalence et de types de malformations, ainsi que les connaissances scientifiques actuelles sur la physiopathologie des effets du mercure sur le foetus, ne sont pas en faveur d'un lien entre les malformations à la naissance retrouvées dans ces villages et le mercure. Une convention a été signée, le 12 décembre 2006, entre la DSDS de la Guyane et la Croix rouge française concernant la mise en place d'une action de santé communautaire pour prévenir l'imprégnation mercurielle et promouvoir l'éducation et la promotion de la santé en territoires amérindiens de Guyane. Elle concerne 3 000 personnes réparties dans 11 villages du Haut-Maroni et du Haut-Oyapock. Concernant le mercure, les objectifs fixés sont la réalisation de prélèvements de cheveux aux fins d'analyse et suivi, ainsi que la modification du régime alimentaire. Actuellement, la Croix rouge s'attache à poursuivre la mise en place logistique nécessaire (équipement des communautés en abris légers et en appareils de réception/transmission). Des personnes relais ont été identifiées dans les communautés et les missions se poursuivent régulièrement au rythme mensuel sur les deux fleuves concernés. Un rapport annuel d'activités sera transmis au représentant de l'État dans le département. Concernant la lutte contre les maladies vectorielles, l'action 46 du Plan régional santé environnement se décline en 9 sous-actions dont certaines ciblent plus particulièrement la prévention de la dengue et du paludisme. Par ailleurs, un programme de surveillance, d'alerte et de gestion des épidémies de dengue (Psage dengue) visant à définir des stratégies de surveillance et de contrôle de la dengue graduées selon le risque épidémique est en cours de formalisation. Afin de mobiliser la population guyanaise dans la lutte contre la dengue, la DSDS, en lien avec le conseil général de la Guyane, a lancé une importante campagne de communication intitulée « Lutter contre la dengue : c'est notre affaire ! ». Cette campagne incite à favoriser l'élimination des gîtes autour des habitations pour éviter la prolifération des moustiques et à encourager la population à adopter des mesures de protection individuelle. Afin de favoriser l'accès à ces moyens de protection individuelle, un circuit de distribution de moustiquaires financé par le conseil général et les services de l'État a également été mis en place via les pharmacies, un réseau d'épiceries communautaires (Haut-Maroni et Haut-Oyapock) et les services de la protection maternelle et infantile (sites isolés). L'activité aurifère étant en effet un facteur d'évolution du risque paludique du fait des flux de population d'une part importants et d'autre part difficilement contrôlables, la DSDS a élaboré une carte sur le risque palustre en Guyane afin d'améliorer la surveillance des zones à risque et d'informer la population. Concernant la recherche sur un vaccin antipaludéen, il convient de rappeler qu'il existe quatre espèces de parasites responsables de cette infection, dont les deux plus fréquentes sont Plasmodium falciparum, responsable de la lourde mortalité imputable au parasite, particulièrement en Afrique, et Plasmodium vivax, qui coexiste avec le précédent dans le reste du monde. Aucun vaccin n'est disponible à l'heure actuelle contre le paludisme. Une des difficultés majeures dans la mise au point d'un vaccin contre Plasmodium est, qu'au cours de sa vie, le parasite passe successivement par plusieurs stades avec des phases d'intense multiplication asexuée chez l'homme (dans les cellules du foie - phase hépatique - puis dans les globules rouges du sang - phase érythrocytaire) et une phase de reproduction sexuée suivie de multiplication, chez l'insecte. Chaque stade se termine par la libération d'un parasite d'une forme différente, donc porteur d'antigènes différents et induisant des réponses immunitaires différentes, ce qui complique d'autant la mise au point d'un vaccin. Différentes voies sont actuellement empruntées par les chercheurs. La première voie consiste à empêcher l'infection, ou plus exactement à empêcher l'arrivée des formes asexuées dans le sang, en agissant sur les stades pré-érythrocytaires : sporozoïtes et stades intra-hépatiques. La deuxième voie consiste à réduire au moins la parasitémie et, au mieux, à empêcher le déroulement du cycle endo-erythrocytaire. La troisième voie peut être qualifiée d'altruiste dans la mesure où elle ne cherche pas à protéger l'individu vacciné, mais à bloquer le cycle sporogonique chez le moustique en induisant une immunité contre les formes sexuées. Les moyens importants mis en ceuvre pour ces recherches ont révélé les difficultés liées au développement d'un vaccin qui devrait cibler chaque stade du développement du parasite, mais ont aussi permis des progrès décisifs en matière de connaissances. Le laboratoire GSK a développé un vaccin candidat, le RSS, S/AS02, qui a été testé par une équipe de Barcelone, en lien avec le ministère de la santé du Mozambique, sur 2 000 enfants. Un essai effectué sur des enfants de 0 à 4 ans en 2004 a montré que ce vaccin pourrait conférer une protection de 45 % sur les survenues d'un nouvel accès palustre et une protection de près de 60 % pour les formes graves, avec une protection pouvant persister au moins deux ans. Enfin, il faut noter que deux avancées récentes au point de vue réglementaire permettent désormais en Guyane l'accès à des médicaments anti-paludéens auparavant uniquement disponibles dans les pays frontaliers (ce qui pouvait engendrer une circulation illicite de médicaments parfois périmés) et la réalisation plus facile de tests diagnostics du paludisme. Ainsi, l'arrêté du 17 juillet 2007 a permis d'ajouter le RIAMET (artéméther / luméfantrine) à la liste des spécialités pharmaceutiques agréées pour les collectivités françaises, et le décret n° 2007-1131 du 23 juillet 2007 relatif aux examens biologiques réalisés dans certains sites isolés autorise désormais dans les sites isolés de Guyane, éloignés de tout laboratoire, l'utilisation des tests de détection antigénique du paludisme (TDR) par les infirmiers et personnels relevant de structures de soins ou de prévention. Ces deux mesures devraient permettre une meilleure prise en charge diagnostique et thérapeutique des cas de paludisme.
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