M. Frédéric Reiss interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la mise en conformité du droit pénal français avec le statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI). La France a ratifié ce statut en 2000 sans pour l'instant respecter les engagements qui en découlent. De plus, le projet de loi adopté en première lecture en juin 2008 par le Sénat tend apparemment à limiter la portée du statut. Ainsi les conditions dans lesquelles les tribunaux français peuvent juger les crimes commis à l'étranger par et contre des étrangers sont très restrictives : on peut notamment souligner les conditions de résidence habituelle et de double incrimination, le monopole des poursuites accordé au ministère public ou encore l'inversion du principe de complémentarité qui dans le projet de loi français subordonne les poursuites dans notre pays à la condition que la CPI ait expressément décliné sa compétence. Le retard pris dans la transposition du statut de Rome et les options envisagées par le sénat isolent la France à l'échelle européenne. Sensibilisé à cette question par Amnesty International, il souhaite donc connaître sa position à ce sujet et savoir dans quel délai une adoption du texte peut être espérée.
En adoptant la loi du 26 février 2002 relative à la coopération avec la Cour pénale internationale, la France a respecté tous ses engagements au regard de la convention portant statut de la Cour pénale internationale. En effet, cette convention n'impose aux États qui y sont parties ni la création d'incriminations spécifiques dans leur droit interne pour les crimes qui relèvent de la compétence de cette cour, ni la reconnaissance d'une compétence juridictionnelle élargie. La législation française était donc, avant même l'entrée en vigueur du statut de Rome de la Cour pénale internationale, en parfaite conformité avec les obligations résultant de ce statut. Néanmoins, le Gouvernement a soumis au Parlement un projet de loi comportant toutes les dispositions nécessaires pour incriminer, de la manière la plus complète possible, les comportements prohibés par ladite convention, notamment crimes ou délits de guerre, et prévoyant des règles de complicité élargies. En outre, le Gouvernement a accepté d'instaurer une compétence juridictionnelle élargie pour les tribunaux français, ce qui constitue une avancée incontestable : aucune disposition du statut de Rome n'impose aux États parties de se reconnaître compétents pour juger les génocides, les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre commis à l'étranger, par des étrangers, à l'encontre de victimes étrangères. La France n'a jamais instauré une telle compétence en l'absence de stipulation prévue par une convention internationale. Néanmoins, le Gouvernement a soutenu l'amendement déposé par le rapporteur du Sénat élargissant la compétence des juridictions pénales françaises au-delà de leur compétence habituelle. Depuis 2002, en application des articles 627-4 à 627-15 du code de procédure pénale, qui permettent l'arrestation et la remise à la Cour pénale internationale des auteurs de crimes contre l'humanité et de crimes ou délits de guerre qu'elle ne peut juger en raison de la territorialité des faits, de la nationalité de l'auteur et de la victime, la France peut dénoncer de tels faits à la Cour pénale internationale et en arrêter les auteurs qui se seraient refugiés sur le territoire de la République afin de les remettre à cette Cour. En outre, en application des dispositions adoptées par le Parlement, la France pourrait juger elle-même de tels criminels, dès lors qu'ils résideraient habituellement sur le territoire français. Ce texte, adopté à l'unanimité par le Sénat le 10 juin 2008, a été voté par l'Assemblée nationale le 13 juillet 2010. Le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les dispositions de la loi portant adaptation du droit pénal à l'institution de la Cour pénale internationale contestées par certains députés et sénateurs et la loi a été promulguée le 9 août 2010.
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