M. Jacques Remiller appelle l'attention de M. le ministre de la défense sur le suivi sanitaire et psychologique des soldats ayant participé aux opérations extérieures. Ces opérations se sont multipliées ces dix dernières années, que ce soit en Afghanistan, au Kosovo, au Liban, au Tchad et en République centrafricaine. Si le périmètre de nos armées permet de répondre à cette nouvelle exigence stratégique, il convient de mettre en oeuvre une véritable politique d'accompagnement des soldats ayant été en poste sur ces théâtres d'opération particulièrement délicats et dangereux. Dans sa question n° 4326 du 11 septembre 2007 il lui avait demandé de préciser les mesures concrètes qui ont été prises pour l'accompagnement de nos soldats à leur retour de missions extérieures. Dans sa réponse publiée au Journal officiel le 16 octobre 2007, il indiquait que, « soucieux de venir en aide aux militaires qui présenteraient une souffrance d'ordre psychologique au retour d'opérations extérieures (OPEX) », il avait constitué « un ensemble complet de mesures de soutien et de prise en charge articulé autour d'une surveillance permanente et d'une capacité d'intervention en cas de besoin ». En conclusion, dans cette réponse, le ministère indiquait que « l'ensemble de ce dispositif qui permet, en liaison avec les armées et la gendarmerie, une veille permanente des besoins en matière de soutien psychologique, n'avait pas révélé de souffrances psychologiques majeures chez les militaires français ayant participé aux OPEX en Afghanistan, en Côte d'Ivoire, au Liban, au Kosovo, au Tchad ou en Centrafrique ». Or de nombreux témoignages d'anciens soldats ayant participé au OPEX font état d'un défaut d'assistance psychologique et morale, de l'absence de prise en compte de situation de détresse et solitude et de traitement particulièrement long et sans effet positif des dossiers de demande de prise en charge et de reconnaissance de leur pathologie. Il lui demande de donner des précisions sur l'application concrète du dispositif décrit dans la réponse du 16 octobre 2007, les moyens effectivement engagés, le nombre de dossiers traités, et les mesures qu'entend prendre le Gouvernement pour prendre effectivement en compte la situation de ceux qui se sont dévoués au service de la politique de défense de la Nation dans le cadre des OPEX et qui attendent toujours la reconnaissance et le soutien de la Patrie.
Depuis plusieurs années, les armées et le service de santé des armées (SSA) mettent en place des actions concertées de prise en compte du soutien psychologique des troupes en opérations extérieures (OPEX). Les facteurs influant sont multiples : conditions de vie, nature et intensité des combats, pertes enregistrées, stress, fatigue physique, etc. Ces actions reposent sur un dispositif réglementaire, sur la formation des personnels, sur une capacité de prise en charge des risques et des pathologies d'ordre psychologique ainsi que sur un système de veille et de surveillance. Le dispositif réglementaire s'articule autour de trois axes : les militaires bénéficient d'un suivi médical tout au long de leur carrière. Il débute par une expertise réalisée lors de la sélection des personnels et se poursuit avec un suivi médical annuel obligatoire, assuré par un médecin du service de santé des armées Cette surveillance périodique permet de détecter les troubles psychologiques qui auraient échappé au commandement. Enfin, tout départ en mission extérieure est systématiquement précédé d'une visite médicale ; par ailleurs, l'article L. 4123-2 du code de la défense prévoit que les militaires ayant participé à une OPEX peuvent bénéficier, à leur demande et avant le soixantième jour suivant leur retour sur leur lieu d'affectation, d'un dépistage médical portant sur les risques sanitaires spécifiques auxquels ils sont susceptibles d'avoir été exposés, ainsi que d'un entretien psychologique ; enfin, le décret n° 2005-1441 du 22 novembre 2005 relatif aux soins du SSA est en cours de modification pour permettre aux militaires radiés déclarant une pathologie présumée imputable au service et non pensionnés d'être pris en charge par le SSA. Le médecin d'unité coordonne les actions de communication et associe, à chaque fois qu'il l'estime nécessaire, un spécialiste en psychiatrie pour assurer l'information et la préparation au sein des unités ou recevoir les militaires en consultation pour évaluer leur aptitude ou pour exercer une prise en charge thérapeutique. Un dispositif de formation est également mis en place par le SSA au profit de ses personnels médicaux et paramédicaux, comme pour les personnels des forces. Des formations sont notamment dispensées aux officiers qui sont en charge du soutien moral et psychologique des troupes envoyées sur un théâtre d'opérations et aux psychologues des cellules d'intervention des armées, ainsi qu'au sein des écoles de formation des officiers. Le SSA et les armées disposent d'un ensemble de moyens de prise en charge des pathologies d'ordre psychologique, reposant sur les médecins d'unité et leur personnel, tous formés et sensibilisés à ces questions quelles que soient les situations ; les neuf hôpitaux d'instruction des armées, dotés chacun d'un service de psychiatrie en mesure de prendre en charge tout militaire qui en ferait la demande, spontanément ou par l'intermédiaire de son médecin d'unité ; les psychiatres des armées, initialement projetés avec la force ou y intervenant en appui et en tant que de besoin ; les cellules de soutien psychologique propres à chaque armée : cellule d'intervention et de soutien psychologique de l'armée de terre (CISPAT), cellules d'urgence médico-psychologique de la gendarmerie, de la marine et de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, service médico-psychologique central de l'armée de l'air (SMPCAA). Ces unités, composées de psychologues cliniciens recrutés par les états-majors, interviennent sur demande du commandement. Les personnels médicaux ou paramédicaux des hôpitaux du SSA sont systématiquement impliqués dans le déclenchement et le déroulement de ces interventions. Depuis 2002, le SSA dispose d'un système de veille et de surveillance des états de stress post-traumatiques (PTSD - post traumatic stress disorder). Entre 2002 et 2004, 111 cas de PTSD, liés pour l'essentiel au bombardement de Bouaké (République de Côte d'Ivoire) et à l'attaque de la gendarmerie de Cauro (Corse-du-Sud), ont été déclarés avec une évolution favorable pour 107 d'entre eux. 32 cas ont également été relevés entre janvier 2007 et septembre 2008. De façon très pragmatique, trois missions en Afghanistan, d'une durée d'un mois chacune, ont été menées avec des psychiatres du SSA depuis la fin de l'année 2007. Des réflexions visant à évaluer et à améliorer le soutien psychologique, avant, pendant et après les OPEX sont actuellement conduites par les états-majors en liaison avec le SSA. C'est ainsi qu'avec l'accord d'un psychiatre du SSA, l'armée de terre a organisé, en décembre 2008, à Bagram (Afghanistan), un « sas de décompression » avec un débriefing piloté par une équipe de psychologues cliniciens du CISPAT au profit des militaires du 8e régiment de parachutistes d'infanterie de marine. Pour l'armée de l'air, des entretiens sont réalisés avec les psychologues du SMPCAA au profit des personnels de la base aérienne de Nancy, impliqués sur le théâtre afghan. En tout état de cause, l'ensemble du dispositif de veille et de surveillance n'a pas révélé, à ce jour, de souffrances psychologiques majeures chez les militaires français ayant participé à des OPEX. Le souci permanent du ministère de la défense d'améliorer la prise en charge médicale des militaires et anciens militaires s'est en outre traduit par la création, en juin 2004, de l'observatoire de la santé des vétérans (OSV). Destiné à coordonner les activités nécessaires à un meilleur suivi médical, cet organisme définit les outils nécessaires à l'identification des risques, au suivi médical des vétérans et à la prise en charge d'une réparation éventuelle. Il participe à leur création et veille à leur mise en oeuvre. Le ministère de la défense ne dispose toutefois pas encore, à ce jour, d'enquête globale effectuée par l'OSV sur les psycho-traumatismes des anciens combattants. Sur le plan de l'indemnisation, les militaires et anciens militaires bénéficient des dispositions des articles L. 4 et L. 5 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre (CPMIVG), dès lors que l'infirmité entraîne une invalidité égale ou supérieure à 10 %. Le taux minimum indemnisable est fixé à 10 % pour une infirmité résultant de blessure et pour une maladie contractée en OPEX, alors qu'il doit être de 30 % ordinairement. En application de l'article L. 2 du CPMIVG, une infirmité ne peut être reconnue imputable au service que s'il est prouvé une relation directe et certaine entre son origine et un fait précis de service. Conformément à l'article L.3 du même code, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé, à condition, s'il s'agit de maladie, qu'elle ait été constatée entre le quatre-vingt-dixième jour de présence sur le territoire d'OPEX et le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers. Il convient que soit établie médicalement la filiation entre la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité évoquée. Depuis l'entrée en vigueur du décret du 10 janvier 1992 déterminant les règles et barèmes pour la classification et l'évolution des troubles psychiques de guerre, le psychosyndrome traumatique fait partie des affections psychiatriques actuellement bien individualisées pour lesquelles l'accès à une réparation, sous forme d'une pension militaire d'invalidité, devient envisageable si l'imputabilité peut être médicalement admise. L'instruction de ce type de dossier fait l'objet d'un examen attentif, les experts psychiatres devant procéder à plusieurs entretiens longs et répétés (trois en moyenne) afin d'établir un dossier clinique précis et argumenté. S'agissant d'une indiscutable atteinte de la personnalité psychique de l'individu par un ou plusieurs événements traumatisants extérieurs, cette affection est considérée comme une blessure et non comme une maladie et elle est donc indemnisée comme telle. Toutefois, les manifestations cliniques retardées du psycho syndrome traumatique n'autorisent que très rarement la reconnaissance de cette infirmité par la voie de la présomption d'imputabilité au sens de l'article L. 3 précité. Dans ces conditions, le régime de la preuve d'imputabilité, prévue à l'article L. 2 précité, oblige le demandeur à justifier d'un fait de service ou survenu à l'occasion du service et de l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre ce fait et l'origine de la maladie. Cependant, la preuve peut être apportée par tous les moyens et il est admis que l'expertise médicale peut accéder au rang d'élément parfois décisif de la preuve.
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