Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Christiane Taubira
Question N° 3936 au Ministère de l'Écologie


Question soumise le 11 septembre 2007

Mme Christiane Taubira interroge M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables, sur le Parc national de Guyane et en particulier sur les mesures de préservation des ressources génétiques. Á l'initiative de la députée de Guyane, la réforme de la loi de 1960 portant révision du statut des parcs nationaux a intégré, en son article 9 relatif au Parc amazonien de Guyane, une disposition permettant d'assurer la plus grande transparence et la plus forte légitimité démocratique aux modalités d'attribution des autorisations d'exploitation des ressources génétiques, dans le cadre actuel des compétences institutionnelles. L'installation du Parc amazonien ayant eu lieu depuis, la députée de Guyane demande au ministre de lui faire savoir si le Gouvernement envisage une dévolution de moyens pour la mise en place d'un dispositif qui assurerait un accompagnement d'expertise capable d'éclairer les membres du conseil d'administration qui seront amenés à donner un avis sur les demandes. Elle attire l'attention du ministre sur les risques de biopiraterie et la nécessité de doter ceux qui ont mission de préserver les écosystèmes, dont la protection a justifié la création du parc, des moyens d'apprécier les finalités et les conditions de réalisation des bioprospections. Il a été établi que ces bioprospections peuvent être conduites directement par les groupes industriels pharmaceutiques, agrochimiques, agroalimentaires, cosmétiques et généralement les entreprises faisant usage de biotechnologies. Elles peuvent l'être indirectement sous forme de prestations confiées à des universités, des organismes de recherche ou des ONG écologiques. Elle lui demande de lui faire connaître la liste des ONG susceptibles d'intervenir en ce domaine en Guyane. Elle rappelle que la problématique de préservation de la biodiversité croise celles des emprises foncières et de l'accès aux ressources naturelles, qu'elle renvoie à l'usage des territoires et pose la question du traitement des savoirs empiriques et des pratiques traditionnelles, donc de la propriété intellectuelle. Elle lui demande également si et dans quelle mesure la télédétection et plus généralement les instruments de l'activité spatiale seront mis au service de la connaissance et de la protection de la biodiversité. Elle demande que l'information la plus complète soit communiquée aux décideurs, aux opérateurs et à la population de Guyane sur les enjeux, les projets, la participation éventuelle de la Guyane à un « couloir écologique », l'état des concessions (foncières, forestières, minières, pétrolières) attribuées et en cours, les brevets octroyés et les demandes de brevets en instance. Elle fait valoir au ministre que la contribution de la Guyane au « Grenelle » de l'environnement sera inestimable si le Gouvernement consent à prendre en considération l'expérience accumulée par les populations amérindiennes, bushinengué et créoles sur la conciliation des impératifs d'activités économiques et de gestion écologique. Il sera temps alors de trancher sur la destination des territoires (lieux de vie, exploitation minière, gestion forestière, conservation...).

Réponse émise le 5 février 2008

L'utilisation des ressources biologiques, génétiques et de la biodiversité en général, fait partie intégrante du mode de vie des populations autochtones et à ce titre, toute politique de conservation des espaces naturels habités trouvera avantage à s'appuyer sur ces savoirs traditionnels et locaux, qui sont autant d'héritages immatériels et d'éléments culturels importants qu'il convient de protéger et de développer. L'identité des peuples autochtones, et l'utilisation que ces communautés font des ressources génétiques, sont ainsi intimement liées : leur reconnaissance et leur développement requièrent une approche couplée de la conservation culturelle et biologique, conformément à la convention sur la diversité biologique (CDB) et à son article 8-J. La question de l'accès aux ressources génétiques et du partage des avantages issus de leur utilisation, troisième objectif de la CDB, contribue à la fois à la conservation de la diversité biologique et à la protection des savoirs traditionnels locaux. Elle est ainsi au coeur des politiques de développement locales. Pour la première fois en droit français, la loi du 14 avril 2006 portant sur les parcs nationaux, les parcs naturels marins et les parcs naturels régionaux introduit pour le coeur du parc amazonien de Guyane un régime d'autorisation pour l'accès aux ressources génétiques et les modalités du partage des avantages. Ce régime est défini à l'article L. 331-15-6 du code de l'environnement. Il prend la forme d'une autorisation d'accès, délivrée par le président de la collectivité régionale, avec avis conforme du président du conseil général et consultation de l'établissement public du parc amazonien. Les modalités du partage des avantages doivent tenir compte des communautés locales, conformément aux dispositions de la CDB (art. 8 J). Dans la pratique, il reste cependant à formaliser les procédures à mettre en oeuvre pour appliquer, de façon opérationnelle, cette disposition innovante et définir, notamment, les conditions dans lesquelles peuvent être délivrées ces autorisations. En effet, le code de l'environnement prévoit que les « orientations relatives aux conditions d'accès et d'utilisation de ces ressources » seront définies dans la charte du parc, qui doit être élaborée dans les cinq ans qui suivent la création du parc amazonien, sur proposition du congrès des élus départementaux et régionaux. Ce dispositif relève donc principalement de la responsabilité des collectivités territoriales, tant pour la délivrance des autorisations que pour la définition des orientations et conditions d'accès. Cependant, le ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables est pleinement conscient de la nécessité d'accompagner ces collectivités dans cette démarche. Aussi, dans la mesure où les autorités locales seraient demandeuses, un appui du ministère pourrait être envisagé : par les moyens humains de l'équipe de l'établissement public du parc amazonien : les recrutements en cours de l'équipe intégreront des compétences en matière de connaissance et d'usage de la biodiversité, dont l'accès aux ressources génétiques fait partie. Dans le cadre de l'élaboration de la charte, tous les moyens peuvent être mobilisés en appui aux collectivités sur ce sujet à plus court terme, et le cas échéant en 2008, en proposant au conseil régional de la Guyane une mission d'expertise sur le sujet, mobilisant par exemple une équipe conduite par l'inspection générale de l'environnement, afin d'explorer les modalités pratiques de mise en oeuvre de cette nouvelle disposition. Il conviendra naturellement d'envisager une approche inclusive et participative. En effet, la bioprospection relève tout à la fois de la recherche scientifique, de la protection des populations autochtones et de leurs modes de vie, ainsi que de la biodiversité, et du développement économique et commercial, notamment dans les domaines pharmaceutiques et cosmétiques. Afin de développer l'encadrement national de la bioprospection en France, objectif affiché de la CDB que la France a ratifié, il apparaît important d'assurer un dialogue équilibré et actif entre les acteurs de ces différents domaines, aux côtés des autorités publiques locales et nationales. La qualité de ce dialogue dépendra naturellement des capacités des acteurs à participer à cette élaboration concertée d'un nouveau cadre et il convient, à ce titre, de souligner l'importance d'une représentation adéquate des populations autochtones et du secteur associatif. Dans cette perspective, l'accès de tous à l'information conformément à la convention d'Aarhus, qu'il concerne les activités de prospection en cours, les bases de données, voire des résultats issus de la télédétection, est indispensable et doit être mis en oeuvre activement. En l'état actuel d'accès libre aux ressources génétiques sur le territoire français, l'État ne dispose pas de moyens systématiques pour connaître et recenser les projets de bioprospection en cours, notamment sur le territoire de la Guyane. C'est tout l'enjeu de cette disposition sur l'accès aux ressources génétiques proposée dans le cadre de la loi du 14 avril 2006, dans un contexte où le Brésil et les pays avoisinants ont eux, depuis plusieurs années, mis en place un régime d'accès à leurs ressources génétiques. Ce travail sur les conditions et modalités de mise en oeuvre des recommandations de la convention sur la diversité biologique en matière d'accès et de partage des avantages liés à l'utilisation des ressources génétiques dans le cadre spécifique du parc amazonien permettront, par ailleurs, d'avancer dans la réflexion nationale sur ce sujet.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.

Inscription
ou
Connexion