M. Jean-Philippe Maurer appelle l'attention de Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi sur les fonds souverains étrangers. Les fonds souverains étrangers disposent de moyens financiers très importants - 2 500 milliards d'euros d'avoirs - et qui sont estimés à 12 000 milliards pour 2015. Leur capacité à acquérir des entreprises est indéniable et plusieurs pays - dont les USA et bientôt l'Allemagne - mettent en place des dispositifs pour être en capacité de protéger des activités stratégiques dans les secteurs les plus sensibles. La France n'échappe pas à cet intérêt des fonds souverains et il lui demande si des mesures appropriées sont étudiées pour nous permettre de parer à de tels transferts de propriété.
Les fonds souverains regroupent un vaste ensemble de fonds gérés par des gouvernements, notamment abondés par des trop-pleins de recettes d'exportations ou par des excédents de réserves officielles. Ces fonds peuvent poursuivre des objectifs différents, à l'image des fonds de retraite, des fonds de stabilisation ou des fonds de développement. Si les fonds souverains ne sont pas nouveaux, l'ampleur des montants qu'ils représentent, en revanche, est inédite, du fait essentiellement de la hausse des cours du pétrole et de l'excédent courant chinois. Bien que la valeur précise des actifs qu'ils gèrent soit inconnue - les gouvernements ne communiquant que très peu ou pas (hormis la Norvège) - les services du FMI l'ont récemment estimée entre 1 900 et 2 900 milliards de dollars. Les fonds souverains peuvent être utiles à la stabilité économique mondiale par leur effet stabilisateur sur les économies des États détenteurs de ces fonds. Ils sont également utiles au financement de nos économies. En effet, ces fonds peuvent être investis dans des actifs financiers moins liquides, plus risqués que ceux dans lesquels sont investies par exemple des réserves officielles de change. Ces fonds peuvent également avoir un horizon d'investissement plus long que d'autres investisseurs. Pour la France, les fonds souverains peuvent donc constituer une source d'investissement sur le territoire national au service de notre croissance. Attirer les investissements de ces fonds peut donc, sous certaines conditions, constituer une opportunité pour notre compétitivité. Il demeure néanmoins que le rôle des fonds souverains suscite des interrogations. C'est ainsi que l'opacité de fonctionnement de certain d'entre eux et les incertitudes sur leurs motivations conjuguées à la croissance très rapide de leurs investissements peuvent constituer des facteurs de déstabilisation des marchés internationaux. C'est la raison pour laquelle la France a pris l'initiative dans le débat sur l'émergence des fonds souverains au sein de la communauté internationale et notamment du G7. Dans ces débats, la France soutient deux idées forces : la nécessité d'une action coordonnée de la communauté internationale et l'exigence d'une transparence accrue sur leur fonctionnement et leur politique d'investissement. Lors des assemblées annuelles du FMI et de la Banque mondiale, les ministres des finances du G7 ont demandé au FMI et à l'OCDE d'identifier les meilleurs pratiques susceptibles d'être adoptées par ces fonds pour accroître leur transparence et améliorer leur gouvernance. Lors de ces réunions, la France a notamment mis en avant l'exemple du fonds de réserve des retraites (FRR), un exemple de fonds souverain dont l'activité est précisément encadrée par un ensemble de règles qui assurent sa transparence, son indépendance et interdisent les conflits d'intérêt ou la prise de contrôle d'une entreprise. Un autre exemple de fonds souverain transparent est le fonds gouvernemental norvégien pour les retraites qui gère 220 milliards d'euros d'actifs. L'action de la communauté internationale couplée au décret du 30 décembre 2005 qui soumet à autorisation du ministre en charge de l'économie tout investissement étranger dans une liste de 11 secteurs sensibles, liés à la défense nationale ou à la sécurité publique devraient permettre d'assurer la protection nécessaire pour s'assurer que le développement des fonds souverains constitue pour la France non pas une menace mais une opportunité. Dans ce contexte, le ministre a demandé à M. Alain Demarolle de lui remettre d'ici au 15 mai un rapport sur la question des fonds souverains, afin notamment d'établir un bilan des différentes réflexions en cours tant au niveau international qu'au niveau communautaire et une évaluation de la pertinence du cadre juridique français, notamment au regard des dispositifs retenus par nos grands partenaires. M. Demarolle devra également proposer à la ministre des orientations susceptibles d'être adoptées par la France vis-à-vis des fonds souverains et d'être portées par la France dans les débats internationaux et communautaires sur le sujet, en intégrant la possibilité de faire évoluer notre cadre législatif et réglementaire, ainsi que d'adapter notre politique d'attractivité à l'égard des investissements internationaux. Pour ce qui est de l'Allemagne, son gouvernement réfléchit actuellement à l'adoption d'un dispositif de contrôle des investissements réalisés par des investisseurs étrangers, dont les fonds souverains. Le projet est encore en discussion et susceptible d'évoluer, mais il semblerait que l'Allemagne s'écarte de la solution consistant à lister des secteurs considérés comme « stratégiques » qui seraient soumis à contrôle, au profit de la seule mention des investissements pouvant porter atteinte à « l'ordre et la sécurité publics ». En toute hypothèse, le dispositif devra respecter les engagements de l'Allemagne auprès de l'Union européenne, l'OMC et l'OCDE.
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