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Michel Liebgott
Question N° 39053 au Ministère de la Justice


Question soumise le 30 décembre 2008

M. Michel Liebgott attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur le diagnostic s'agissant de l'évolution de la délinquance juvénile avancé par les pouvoirs publics pour justifier un nouveau durcissement de l'arsenal pénal. Lors de l'installation de la Commission Varinard, « commission chargée de formuler des propositions pour réformer l'ordonnance du 2 février 1945 sur l'enfance délinquante », un dossier de presse contenant une série de données statistiques avait été remis à la presse, dans lequel on pouvait retrouver des messages chocs tels que « la population des mineurs a augmenté de plus de 360 % en moins de 50 ans », « alors que la délinquance des mineurs augmente, le nombre de condamnations stagne...». Vous avez prononcé tout récemment un discours dans lequel il est stipulé que « Il y a 204 000 mineurs qui sont mis en cause pour des actes graves. Des mineurs délinquants, c'est des violeurs, des gens qui commettent des enlèvements, des trafics de stupéfiants, qui brûlent des bus dans lesquels il y a des personnes ». Or, on constate que le diagnostic fait par les pouvoirs publics est bien loin de la vérité. Tout d'abord on constate qu'il n'est pas exact de dire que la délinquance des mineurs ne cesse d'augmenter tandis que celle des majeurs baisse. En effet, à l'examen des statistiques policières, on constate qu'après avoir fortement augmenté entre 1994 et 1998, la part des mineurs dans l'ensemble des personnes mises en cause par la police et la gendarmerie n'a au contraire cessé de baisser depuis dix ans, passant de 22 % en 1998 à 18 % en 2007. En outre, on remarque qu'il n'est pas prouvé que les mineurs délinquants soient « de plus en plus jeunes ». Les seules données disponibles que l'on peut traiter ici sont les statistiques judiciaires des condamnations. On comparant les courbes par âge des personnes condamnées en 1989-1990 et 2005-2006, on constate une stabilité dans la répartition par âge ce qui est donc en contradiction avec les discours entendus : « ils sont de plus en plus jeunes ». Par ailleurs, on observe que la part des mineurs de moins de 13 ans représente seulement 0,3 % de l'ensemble des personnes condamnées. Par comparaison la part des plus de 60 ans est huit fois plus importante. On constate aussi qu'au sein de chaque type d'infractions, plus les faits commis sont graves et moins l'on trouve de mineurs. Contrairement à ce qu'il a été affirmé, on remarque également que 98,7 % des infractions reprochées à des mineurs ne sont pas des actes graves. L'ensemble des faits susceptibles d'être qualifiés de criminels ne représente que 1,3 % du total de ces infractions. Le Gouvernement nous présente donc pour des généralités des crimes qui sont en réalité des exceptions. Enfin, il n'est pas juste de laisser penser que les mineurs délinquants ne font l'objet que de mesures éducatives et que les juges sont naturellement « laxistes ». Les pouvoirs publics utilisent aujourd'hui des arguments qui sont inexact pour procéder à un nouveau durcissement de l'arsenal pénal. La volonté de réformer l'Ordonnance de 1945 ne permet pas au Gouvernement de raconter n'importe quoi. Aussi, il lui demande de prendre en compte les enjeux réellement importants, tel que le problème des moyens humains et financiers des enquêtes menées durant l'instruction des dossiers et celui des moyens humains et financiers dans l'exécution des décisions de justice afin d'améliorer le traitement judicaire de la délinquance des mineurs et d'arrêter d'induire le citoyen en erreur en présentant dans certains cas de véritables contrevérités.

Réponse émise le 14 avril 2009

L'honorable parlementaire a bien voulu appeler l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la réforme de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante et le renforcement des moyens humains et financiers qui pourraient l'accompagner. La ministre rappelle que la justice est une priorité budgétaire du Gouvernement. Déjà en 2008, le budget du ministère de la justice a augmenté de 4,5 %, ce qui a permis la création de 1 615 nouveaux emplois, dont 400 emplois de magistrats, greffiers et fonctionnaires. Pour 2009, les crédits du ministère progressent de 177 millions d'euros pour atteindre 6,66 milliards d'euros. Cet accroissement permettra la création de 952 emplois supplémentaires. En 2009, la direction de la protection judiciaire de la jeunesse disposera d'un budget global de 785 millions d'euros. Par ailleurs, quatre centres éducatifs fermés supplémentaires seront créés et la prise en charge psychiatrique renforcée, d'ores et déjà expérimentée dans cinq d'entre eux, sera étendue. Suivant les préconisations de la révision générale des politiques publiques (RGPP), ce sont environ 800 emplois, essentiellement d'éducateur, qui seront redéployés dans les trois ans qui viennent pour renforcer et améliorer la prise en charge des mineurs délinquants. Cela concernera tous les modes de prise en charge, les services de milieu ouvert comme les établissements de placement, dont les équipes vont être étoffées afin d'assurer une prise en charge permanente et adaptée en matière d'insertion scolaire et professionnelle. Dès 2009, des éducateurs rejoindront les équipes intervenant dans les quartiers mineurs des maisons d'arrêts. L'accompagnement éducatif des adolescents qui y sont incarcérés se rapprochera ainsi de celui qui existe déjà au sein des établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM). Au-delà des moyens l'efficacité et la qualité de notre justice repose aussi très largement sur une optimisation des procédures et de l'organisation des services. Cette logique d'efficacité imprègne l'ensemble de l'action gouvernementale et la réflexion menée sur la justice des mineurs intègre pleinement cette dimension.

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