M. Frédéric Cuvillier attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la dramatique recrudescence du nombre de suicides dans les établissements pénitentiaires depuis le début de l'année 2008. Ces faits, d'abord liés au surpeuplement croissant des maisons d'arrêts ainsi qu'à l'insuffisance des personnels surveillants, témoignent d'une importante carence de l'État dans la prise en charge psychologique des détenus et dans la prévention du suicide des plus fragiles, plus particulièrement des mineurs. En effet, aucune stratégie spécifique n'a à ce jour été mise en place et ce alors que, depuis 2004, la Commission nationale consultative des droits de l'Homme demande à ce qu'une étude comparative soit réalisée pour « mesurer précisément les spécificités du phénomène de suicide des mineurs détenus ». Aussi, il souhaiterait savoir si elle entend tout prochainement se saisir de cette question et mettre en oeuvre une politique de prévention du suicide digne de ce nom en milieu carcéral, avec une meilleure prise en charge des détenus présentant une fragilité psychologique, à l'image des mineurs.
La garde des sceaux, ministre de la justice informe l'honorable parlementaire que la question du suicide des personnes incarcérées et, a fortiori, des mineurs incarcérés est l'une de ses priorités d'action. Depuis 1967 (date de la première circulaire), l'administration pénitentiaire mène une politique de prévention des suicides à destination de toutes les personnes incarcérées. Elle a renforcé son action en 1997 en définissant un plan d'action comportant des mesures d'application immédiate et un programme expérimental repris par la circulaire du 29 mai 1998. Celle-ci a mis l'accent sur l'attention particulière à apporter à l'accueil des personnes écrouées, au repérage précoce du risque suicidaire, aux précautions à prendre au quartier disciplinaire, à l'intérêt de favoriser des échanges pluridisciplinaires, à l'accueil des familles et à l'accompagnement nécessaire des personnels après un suicide. Tout en veillant au respect des mesures précitées, la direction de l'administration pénitentiaire a développé, en 2000 et 2001, de nouvelles actions destinées à parfaire le dispositif existant, en cohérence avec « la stratégie nationale d'actions face au suicide pour 2000-2005 » lancée le 19 septembre 2000 par le ministère de la santé. Entre autres mesures, une commission de suivi des cas individuels de suicide a été instituée depuis janvier 2001, à la direction de l'administration pénitentiaire, chargée de veiller au recensement exhaustif des décès par suicide, de contrôler l'application des dispositions édictées en matière de prévention du suicide, en repérant d'éventuels dysfonctionnements et de rechercher de nouveaux axes d'amélioration. La circulaire du 26 avril 2002 complète celle du 29 mai 1998 et prend une dimension particulière par sa double signature, ministère de la justice/ministère de la santé. Elle réaffirme le bien-fondé des actions engagées en termes de repérage du risque suicidaire, de soutien aux personnes présentant ce risque et d'accompagnement des familles. Elle introduit surtout un axe complémentaire et en fait une priorité : celui de la formation des personnels sur la prévention du suicide en détention. En janvier 2003, le garde des sceaux et le ministre de la santé ont conjointement missionné le professeur Jean-Louis Terra afin de conduire une évaluation des actions mises en oeuvre, tant sur les plans quantitatif que qualitatif, dans le but de dégager des propositions destinées à compléter et à affiner le dispositif préexistant. À la suite des recommandations du professeur Terra, un certain nombre d'orientations de travail ont été énoncées par les ministres de la justice et de la santé, définissant un programme de prévention du suicide des personnes détenues décliné par la direction de l'administration pénitentiaire dans une note du 5 mars 2004, en trois volets : la formation des personnels pénitentiaires au repérage de la crise suicidaire, l'élaboration au plan local de procédures de détection de la crise suicidaire et le déploiement de plans de prévention et de la réduction des moyens d'accès au suicide dans la conception des nouveaux établissements (par exemple « les potences » soutenant les postes TV). En juillet 2005, un rappel de ces axes de travail, issus des conclusions du rapport du professeur Terra, a été fait avec pour objectif de réduire de 20 % le nombre de suicides d'ici à 2009. En mai 2007, un nouvel outil d'évaluation du potentiel suicidaire des personnes détenues, sous la forme d'une grille simplifiée, a été mis en place dans tous les établissements pénitentiaires. En dépit de ces actions importantes de prévention, trois mineurs détenus se sont suicidés en 2008, alors qu'il n'y avait eu aucun suicide de mineurs entre 2005 et 2007. Aussi, la direction de l'administration pénitentiaire a constitué en juin 2008 un groupe de travail auquel participent la direction générale de la santé et la direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ), afin de renforcer la prévention du suicide des mineurs. Ce groupe de travail interministériel a pour mission d'élaborer des préconisations sur cette thématique et de créer une grille spécifique d'évaluation du risque suicidaire et des comportements à risques. Une grille « recueil d'informations pertinentes pour l'évaluation du potentiel suicidaire chez les mineurs détenus » a ainsi été réalisée et transmise le ler novembre 2008 avec une notice d'utilisation, à l'ensemble des établissements ayant en charge des mineurs. Elle sera complétée et enrichie de recommandations plus étoffées issues de la réflexion du groupe d'experts présidé par le Docteur Louis Albrand auquel j'ai demandé de dresser un bilan du dispositif de lutte contre les suicides en milieu carcéral et de formuler des propositions d'action complémentaire.
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