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Maryse Joissains-Masini
Question N° 382 au Ministère de la Justice


Question soumise le 10 juillet 2007

Mme Maryse Joissains-Masini appelle l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'absence du crime d'inceste dans notre code pénal, et ceci, depuis la fin du 19e siècle. Il en résulte que lorsque des parents violent leurs enfants en réunion, on parle de réseau pédophile présumé, jolie formule pour masquer l'horreur de l'inceste. Par ailleurs, les agresseurs d'enfant bénéficient de plus de droits que les victimes (droit à la présomption d'innocence, droit aux soins gratuits, droit à la réhabilitation). Lorsqu'une victime porte plainte contre son ou ses agresseurs au bout d'un certain nombre d'années, elle se voit opposer la prescription. Or l'imprescriptibilité serait une excellente mesure de prévention et de protection des enfants comme c'est le cas au Canada ou dans les pays du Commonwealth où toute violence sexuelle, toute maltraitance, toute torture est considérée comme un crime contre l'humanité et est en conséquence imprescriptible. Elle lui demande de préciser sa position en la matière et de lui indiquer si elle entend prendre de vraies mesures pour rendre imprescriptibles les infractions sexuelles sur les enfants.

Réponse émise le 13 novembre 2007

La garde des sceaux rappelle à l'honorable parlementaire que l'inceste s'avère difficilement saisissable par le droit. Les avis ont été partagés sur l'opportunité d'inscrire ce mot dans le code pénal. Les tenants de cette thèse font valoir que l'interdit de cette pratique doit être affirmé avec force et clairement posé par la loi, la jurisprudence n'apportant pas une sécurité suffisante en la matière. D'autres intervenants se montrent plus réservés, arguant qu'une telle catégorisation provoquerait probablement plus de problèmes qu'elle n'en résoudrait. La mission parlementaire Estrosi en mars 2005 a effectivement rappelé le caractère protéiforme de la notion d'inceste, ayant un sens très large, allant du complexe d'OEdipe aux situations sexuellement équivoques non répréhensibles, en passant par les transgressions pénalement sanctionnées. S'agissant d'une notion avant tout sociologique, une telle formalisation dans le code pénal n'a donc pas été jugée nécessaire dans la mesure où l'interdit fondamental de tout acte sexuel entre un majeur et un mineur, a fortiori un parent et un enfant, serait expressément posé par la loi. La garde des sceaux souligne que les droits accordés à tout individu mis en cause pour des faits de nature sexuelle correspondent aux droits fondamentaux de notre procédure pénale existant à l'égard de toute personne mise en examen s'agissant de la présomption d'innocence, à l'égard de toute personne condamnée s'agissant des soins gratuits ou encore du droit à la réhabilitation. Le régime de prescription mis en oeuvre au bénéfice des victimes d'infractions sexuelles est d'ores et déjà particulièrement dérogatoire au droit commun. Ainsi la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004, portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, a modifié les articles 7 et 8 du code de procédure pénale relatifs à la prescription, afin de prendre en compte la spécificité des infractions sexuelles commises sur des mineurs par des adultes, et notamment par ascendant dans l'hypothèse de faits d'inceste. Si, comme par le passé, le point de départ de la prescription demeure repoussé à la date de la majorité de la victime, les délais de prescription ont été très sensiblement allongés. En matière criminelle et pour certains délits, le délai a ainsi été porté de dix à vingt ans. Pour les autres délits, il a été porté de trois à dix ans. Il en résulte que dans les cas les plus graves, les victimes peuvent dénoncer les faits jusqu'à ce qu'elles atteignent l'âge de trente-huit ans, ce qui correspond à une période de leur vie où leur maturité et leur évolution leur permettent enfin de dénoncer des faits jusque-là indicibles. La garde des sceaux estime que le système tient compte de la spécificité des infractions de nature sexuelle, en accordant aux victimes le temps nécessaire pour acquérir la maturité et la force suffisante pour déposer plainte. Elle estime toutefois que la notion d'imprescriptibilité, par nature exceptionnelle, doit être réservée aux seuls crimes contre l'humanité, en raison de l'irréductible spécificité de ces actes et ne saurait être étendue à d'autres infractions. Ce point de vue est partagé dans un récent rapport du Sénat n° 338 du 20 juin 2007 réalisé au nom de la commission des lois et de la mission d'information de la commission des lois « pour un droit de la prescription moderne et cohérent ». Parmi les recommandations formulées, est effectivement préconisée la conservation du caractère exceptionnel de l'imprescriptibilité en droit français réservée aux crimes contre l'humanité. Le lien nécessaire entre la gravité de l'infraction et la durée de la prescription de l'action publique est également souligné.

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