Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

André Chassaigne
Question N° 38080 au Ministère de l'Agriculture


Question soumise le 16 décembre 2008

M. André Chassaigne attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur le renouvellement de l'autorisation de mise sur le marché du cruiser, du principe de précaution et de la sauvegarde des abeilles et de la filière apicole. L'insecticide systémique cruiser sur maïs avait été autorisé pour un an, début 2008, assorti d'un plan de suivi. Or, devant certains dysfonctionnements du comité de suivi et le refus des services du ministère de faire intervenir des experts scientifiques des abeilles, les organisations apicoles et environnementales estiment que la concertation n'est pas respectée et que le lobby agrochimique pèse trop sur les décisions ministérielles. Le récent renouvellement de l'autorisation du cruiser semble confirmer ces craintes, alors que le fabricant lui-même confirme la dangerosité de son produit pour les abeilles, et que des grands pays européens agricoles ont interdit une série d'insecticides neurotoxiques, dont le thiametoxam présent dans le cruiser. Dans ce contexte, la réponse du 2 décembre 2008 du ministère de l'agriculture à la question écrite n° 30106 précisant que la « solution consistant à interdire purement et simplement tous les insecticides n'est pas appropriée puisque de nombreux ravageurs des cultures sont des insectes tout comme les abeilles » est très surprenante. En effet, le danger pour les abeilles est d'autant plus probable et important qu'elles ont justement une parenté très proche avec les insectes ravageurs... De plus, affirmer que la «durabilité (de l'agriculture française) passe par la possibilité des producteurs agricoles de disposer de moyens de lutte efficaces (sous-entendu : les insecticides comme le cruiser) contre les ravageurs des cultures afin de leur permettre de continuer à produire des denrées alimentaires » occulte la nécessité reconnue de changer rapidement les modes actuels de production agricole. Penser que la « durabilité » ne doit pas exclure l'utilisation des pesticides que l'on sait agressifs pour l'environnement, la biodiversité, les utilisateurs et les consommateurs, est aussi en contradiction totale avec la volonté affichée du Gouvernement de promouvoir la production agricole de culture biologique, qui est devenu une réalité incontournable sur le plan agronomique, économique et social. D'une manière générale, on sait la difficulté d'appréhender sur le long terme les interactions complexes au sein et entre les écosystèmes naturels et les différentes molécules chimiques, surtout si les molécules elles-mêmes sont nouvelles et élaborées avec un mode d'action complexe. Les conséquences directes ou indirectes sur l'environnement et la biodiversité seront pourtant durables et parfois irrémédiables. En conséquence et au nom du principe de précaution, il lui demande que soient poursuivies les études en cours, dans la transparence et la concertation avec les apiculteurs et les associations environnementales, en préalable à toute autorisation d'utilisation du cruiser et des insecticides similaires.

Réponse émise le 17 février 2009

Le 14 novembre 2008, l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) a rendu un avis favorable au renouvellement de l'autorisation de la préparation insecticide Cruiser. Conscient toutefois des inquiétudes exprimées par certains apiculteurs face à ce produit, le ministre de l'agriculture et de la pêche a souhaité, avant de prendre une décision, rencontrer les différentes parties concernées : associations de protection de l'environnement, représentants de la profession apicole, organisations professionnelles agricoles, afin de recueillir leurs points de vue sur le dispositif de l'année écoulée. Dans le prolongement de ces rencontres et sur le fondement de l'avis rendu par l'AFSSA, il a décidé le 17 décembre dernier de renouveler l'autorisation pour 2009 de la préparation Cruiser. Cette autorisation est assortie de conditions restrictives et sous réserve d'un renforcement du suivi de son utilisation. Les conditions d'enrobage et d'utilisation sont strictement encadrées. Un arrêté ministériel précisera les contrôles à opérer vis-à-vis du processus d'enrobage des semences (dit « plan poussière »). L'utilisation des semences enrobées avec cette préparation n'est possible sur une même parcelle uniquement qu'une année sur trois. L'autorisation est limitée aux semences de maïs ensilage, grain et porte-graine femelle. Les agriculteurs sont tenus de mettre en place des déflecteurs sur les semoirs afin de limiter les émissions de poussières lors des semis. Les semis des semences enrobées de Cruiser doivent être effectués au plus tard le 15 mai 2009. En tenant compte de l'expérience de 2008, le protocole de suivi de l'autorisation est également renforcé. Le plan de surveillance est étendu à six régions au lieu de trois en 2008. Les ruchers faisant l'objet d'un suivi dans le cadre de ce plan seront installés plus précocement et leur nombre sera augmenté. Le nombre des mesures des poussières émises par extraction d'air suivant le procédé ORAMIP sera également augmenté et la traçabilité des parcelles améliorée. Ce protocole de suivi est une innovation en termes de suivi des effets non intentionnels sur l'environnement d'un produit phytosanitaire. Il s'inscrit dans la logique du plan « Ecophyto 2018 » qui prévoit la détection et l'identification des éventuelles conséquences de l'utilisation des phytosanitaires sur l'environnement. Le pilotage du plan de surveillance sera assuré par un comité placé auprès du cabinet du ministre de l'agriculture et de la pêche, associant toutes les associations qui le souhaiteront dans le cadre d'un suivi régulier et transparent. L'autorisation sera immédiatement suspendue si les éléments de suivi ou toute circonstance particulière le justifiaient. Par ailleurs, il a été décidé de charger la brigade nationale d'enquête vétérinaire, conformément aux préconisations du rapport du député Martial Saddier, de collecter, harmoniser et centraliser toutes les observations permettant de déterminer les raisons de la mortalité de ruchers sur l'ensemble du territoire national ; de demander à l'Institut national de la recherche agronomique de faire le bilan de l'état des recherches sur les méthodes agronomiques alternatives et évaluer les pratiques des autres pays européens pour lutter contre le taupin. Les résultats de cette étude sont attendus d'ici à trois mois. Enfin à l'occasion du renouvellement de son comité d'experts spécialisé sur l'évaluation des produits phytosanitaires, les associations de protection de l'environnement et les représentants de la profession apicole pourront proposer des candidatures d'experts apidologues à l'AFSSA. Les entreprises de phytopharmacie ont été invitées à intensifier leur recherche pour trouver des solutions de substitution afin de sortir de l'impasse technique dans laquelle se trouvent actuellement les agriculteurs qui doivent protéger leurs cultures contres les ravages liés aux insectes du sol dont le taupin.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.

Inscription
ou
Connexion