M. Joël Giraud attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur les problèmes posés par le développement des agrocarburants. En effet, le Parlement européen et le Conseil européen sont sur le point d'entériner la décision d'incorporer 10 % d'agrocarburants dans l'essence et le diesel vendus dans l'Union européenne. Les organisations humanitaires soulignent un paradoxe : avec 252 kilos de maïs, on peut produire 50 litres d'agroéthanol, soit l'équivalent d'un seul plein d'essence, ou les calories suffisantes pour nourrir un enfant pendant un an. Il y a donc un enjeu considérable autour des décisions qui vont être prises sur ce dossier. Les perturbations du prix des céréales survenues dernièrement ont eu des conséquences dramatiques pour notre agriculture mais surtout pour les populations des pays en voie de développement. Ces fluctuations des cours sont la conséquence de trois mécanismes : détournement d'une partie des céréales destinées à la filière alimentaire vers les carburants dits verts, reconversion des terrains en plantation de production non alimentaires, amplification de la spéculation du fait de la hausse des prix. Il convient de rappeler que la mission première de l'agriculture est de nourrir les populations et, si la recherche sur les agrocarburants doit être poursuivie, il demeure essentiel d'empêcher les effets pervers sous peine de voir s'aggraver la faim et la malnutrition dans le monde. Il le remercie de lui préciser les intentions du Gouvernement sur ce problème.
Le Gouvernement considère qu'il est fondamental que les nouveaux débouchés des matières premières agricoles, en particulier les biocarburants, ne portent pas préjudice à la sécurité alimentaire mondiale et répondent à des critères de durabilité environnementale, sociale et économique. Les biocarburants présentent en effet un bon potentiel pour répondre aux besoins de sécurité énergétique et pour réduire les émissions de gaz à effet de serre mais leur développement doit être accompagné par un jeu approprié de normes de durabilité internationales et la diversification des matières premières utilisées doit être encouragée, notamment par le développement des biocarburants de deuxième génération ou produits à partir de déchets. À ce titre, au niveau européen, l'objectif d'incorporation de 10 % d'énergies renouvelables dans les transports en 2020 sera conditionné au respect de critères de durabilité. De plus, l'utilisation des biocarburants produits à partir de déchets ou les biocarburants de deuxième génération sera encouragée. Le Gouvernement conduit des évaluations régulières des impacts du développement des biocarburants et soutient la mise en place d'un tel dispositif : il devrait permettre de garantir que les nouveaux débouchés des matières premières agricoles ne portent pas préjudice à la sécurité alimentaire et à l'environnement. L'évaluation de l'impact des biocarburants sur l'augmentation des prix des matières premières agricoles pour l'alimentation est une question complexe. La hausse des prix qui a eu lieu ces derniers mois s'explique par plusieurs facteurs et les biocarburants ne sont pas un des facteurs explicatifs majeurs, en particulier lorsqu'ils sont produits en Europe. Comme le constate l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (OAA/FAO) dans son rapport de 2008 sur la situation mondiale de l'alimentation et de l'agriculture, la demande de matières premières agricoles destinées à la production des biocarburants liquides constituera un facteur important pour les marchés agricoles et l'agriculture mondiale au cours de la décennie à venir et peut-être au-delà. Elle pourrait contribuer à un renversement de la tendance à la baisse du prix réel des matières premières agricoles, et présenter tout à la fois des opportunités et des risques. Ainsi, il est nécessaire que la réflexion se développe sur ces sujets au niveau international. Au niveau européen, le ministère de l'agriculture et de la pêche a organisé dans le cadre de la Présidence française de l'UE, une conférence permettant d'aborder d'une manière plus globale le thème de la sécurité alimentaire. Cette conférence, intitulée « Qui va nourrir le monde ? Vers des agricultures diverses et durables, moteurs du développement », et qui a eu lieu le 3 juillet 2008 à Bruxelles, a permis de débattre sur les façons de relever les défis posés à la sécurité alimentaire de la planète et à ses diverses agricultures, et sur la place de l'agriculture dans les politiques de développement, pour engendrer de la croissance, réduire la pauvreté et gérer l'environnement.
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