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Jean-Louis Gagnaire
Question N° 36717 au Ministère de la Justice


Question soumise le 2 décembre 2008

M. Jean-Louis Gagnaire interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur le contenu du projet de loi pénitentiaire ainsi que sur le calendrier de son examen parlementaire. L'adoption d'une loi pénitentiaire est un engagement de campagne du Président de la République. La France s'est en outre engagée devant le Conseil de l'Europe à appliquer les règles pénitentiaires européennes. Le processus législatif s'avère beaucoup plus lent que prévu et les délais sont sans cesse repoussés. Le flou règne toujours sur le calendrier du projet de loi et le dernier objectif, un examen au Sénat à l'automne, n'a pas été atteint. Le contenu du projet de loi est malheureusement décevant au regard des attentes des partenaires de l'administration pénitentiaire et des espoirs des personnes détenues. Certaines des recommandations les plus intéressantes du comité d'orientation restreint, dont la qualité du travail est unanimement reconnue, ont été abandonnées. Ainsi, malgré l'adoption de mesures allant réellement dans le sens d'une nouvelle vision de la privation de liberté, la recommandation n° 1 qui proposait d'inscrire explicitement dans le code pénal que « la privation de liberté doit être considérée comme une sanction de dernier recours, lorsque la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent toute autre sanction manifestement inadéquate » n'a pas été retenue dans le projet de loi. Sur de nombreux points le projet de loi manque d'ambition, est très en retrait des propositions du comité d'orientation restreint et suscite donc la déception des intervenants en milieu carcéral. L'aide financière aux détenus n'est pas suffisante, les détenus sont maintenus en dehors du droit commun du travail, le respect de l'intimité n'est pas possible dans le contexte actuel de surpeuplement des prisons, le droit à la sécurité doit être renforcé, des préconisations importantes relatives aux droits à l'information, à l'expression collective et à la liberté de conscience et de culte ont malheureusement disparu de la version du projet de loi finalement déposée au Sénat. Enfin, le projet de loi pénitentiaire n'avance que très lentement alors qu'une batterie de lois répressives et contradictoires avec les objectifs de la réforme pénitentiaire a été adoptée dans des délais très courts. La loi de 2007 instaurant les peines planchers a considérablement augmenté la population carcérale aggravant ainsi une situation à laquelle il faudra pourtant répondre pour pouvoir réellement améliorer les conditions de vie en milieu carcéral, conditions aujourd'hui dénoncées par de nombreux rapports nationaux et internationaux. Il lui demande donc comment le Gouvernement compte répondre au problème de la surpopulation carcérale, pourquoi le Gouvernement présente aux parlementaires un texte aussi en retrait des propositions antérieures et quand le texte commencera enfin son parcours parlementaire.

Réponse émise le 7 avril 2009

La garde des sceaux, ministre de la justice, informe l'honorable parlementaire que la réforme du service publie pénitentiaire est l'une des priorités. Le projet de loi pénitentiaire examiné par le Conseil d'État puis soumis au conseil des ministres le 28 juillet 2008 s'inscrit dans cette perspective. Présenté au Parlement, il a vocation dès lors à être enrichi. Ce projet de loi vise à doter la France d'une loi fondamentale sur le service public pénitentiaire. Il doit garantir les droits des détenus, améliorer la reconnaissance des personnels pénitentiaires, s'engager pour la réinsertion des détenus, développer les aménagements de peine pour éviter la récidive et généraliser la mise en oeuvre des règles pénitentiaires européennes (RPE). Il a été élaboré dans la consultation et la concertation grâce au comité d'orientation restreint (COR). Les organisations syndicales pénitentiaires et les associations professionnelles, comme celle des juges de l'application des peines, ont été très largement associées à ses travaux. Au final, 90 % des propositions formulées par le COR ont vocation à entrer en application dans le cadre de la future loi pénitentiaire. À ce titre, la recommandation n° 1 du COR a été reprise dans l'article 32 du projet de loi pénitentiaire et complète l'article 132-24 du code pénal, afin d'affirmer clairement que l'emprisonnement ferme ne doit être prononcé qu'en cas de nécessité, lorsque tout autre sanction serait inadéquate et qu'il doit si possible être aménagé. L'esprit de cette recommandation est également présent dans l'article 25 du projet de loi qui pose le principe que toute personne mise en examen est présumée innocente et doit demeurer libre pendant l'information judiciaire. À titre exceptionnel, si le contrôle judiciaire ou l'assignation à résidence ne permettait pas d'atteindre ces objectifs, elle pourra être placée en détention provisoire. Concernant l'aide financière aux détenus, le Gouvernement a souhaité offrir aux détenus les plus démunis une aide ponctuelle, financière ou en nature, en instaurant une aide aux indigents, c'est-à-dire aux personnes détenues ayant des rentrées financières inférieures à 45 euros par mois. À l'heure actuelle, le dispositif d'aide aux indigents, prévu par circulaire, prévoit, au sein de chaque établissement pénitentiaire, la mise en place d'une commission d'indigence chargée d'étudier les situations individuelles et de proposer des solutions telles que l'accès prioritaire aux activités rémunérées, le signalement aux associations d'aide aux détenus, la mise à disposition gratuite d'une télévision. Le Gouvernement souhaite ériger en véritable droit ce qui n'est aujourd'hui qu'une pratique. L'administration pénitentiaire fournira à ces détenus les prestations d'entretien nécessaires à la vie courante donnant ainsi la possibilité de compléter ces prestations par des achats effectués à l'intérieur ou à l'extérieur de l'établissement. S'agissant du travail, le Gouvernement a fait le choix d'un acte d'engagement professionnel exorbitant du droit commun. D'une part, les obligations nées de l'état de détention doivent primer sur les autres ; les transferts ou les décisions judiciaires étant de nature à mettre un terme à la relation de travail. L'organisation du travail en détention est de ce fait manifestement incompatible avec la mise en oeuvre de contrats de travail de droit commun. D'autre part, l'application du droit commun du contrat de travail créerait des droits nouveaux au profit des détenus (congés payés et droits collectifs notamment). Il en résulterait des charges financières dissuasives pour les entreprises et un obstacle au développement du travail en prison. Par ailleurs, la France ne se distingue pas des pays européens, dans la majorité desquels les détenus travaillent au sein des établissements pénitentiaires dans des conditions ne relevant pas du droit commun : contrat de travail spécifique, relation de travail sui generis comparable à l'acte d'engagement. En tout état de cause, l'acte d'engagement consacré dans le projet de loi permettra de reconnaître le détenu comme sujet de droit en matière de travail, d'améliorer sa responsabilisation par l'énoncé de règles qui précisent ses droits et obligations au regard de l'emploi et de fixer certains éléments relatifs à l'organisation et aux conditions de travail. Le droit à l'information, à l'expression collective, à la liberté de conscience et de culte ne figure plus, en effet, dans le projet de loi, le Conseil d'État ayant estimé que la rédaction très générale de l'article 10 du projet serait juridiquement suffisante pour assurer sa protection et son effectivité. Quant à la surpopulation carcérale, elle est prise en compte dans le projet de loi pénitentiaire qui consacre son chapitre 5 au recours aux alternatives à la détention provisoire et aux aménagements de peines privatives de liberté qui auront pour effet de limiter autant que possible l'incarcération d'une personne en lui substituant des mesures de contrôle en milieu ouvert : instauration de l'assignation à résidence avec surveillance électronique, élargissement des critères d'octroi des aménagements de peines et simplification de la procédure.

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