M. Alain Gest attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'évolution de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme, relative à la non-représentation d'enfant lors de l'exercice du droit de visite et d'hébergement accordé aux parents divorcés ou séparés. Dans un arrêt en date du 9 janvier 2007, la Cour européenne a condamné la République tchèque pour son refus de sanctionner le délit de non-représentation d'enfant, refus constitutif d'une violation manifeste de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme selon lequel « toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale ». Ainsi la Cour reconnaît la responsabilité d'un État « dans les moyens et la diligence à faire respecter les droits de visite et d'hébergement et, par ailleurs, dans le fait de conforter un parent dans sa démarche d'exclusion de l'autre parent par impunité et laxisme ». En France, la situation est particulièrement dramatique pour les parents et leurs enfants victimes de non-représentation, puisque ce délit est rarement sanctionné ni même simplement pris en compte par les représentants du parquet. Il apparaît que, souvent, les procureurs de la République sont peu diligents à faire respecter les droits de visite et d'hébergement des parents concernés. Ainsi, il est à craindre que des recours soient intentés auprès des juridictions administratives, sur la base de cette jurisprudence de la Cour européenne, afin d'obtenir la condamnation de l'État français. Il demande donc les mesures qui sont envisagées, afin que cette jurisprudence européenne soit appliquée par les représentants du parquet.
La garde des sceaux, ministre de la justice, indique à l'honorable parlementaire que le respect des décisions de justice, accordant un droit de visite et d'hébergement au parent chez qui l'enfant ne réside pas habituellement, est fondamental dans l'intérêt même de l'enfant. L'article 227-5 du code pénal prévoit que le fait de refuser indûment de représenter un enfant mineur à la personne qui a le droit de le réclamer est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. Il convient d'observer que la mise en oeuvre des décisions de justice fixant l'exercice des droits de visite et d'hébergement ne permet pas le recours à la force publique dans les conditions du droit commun des procédures civiles d'exécution. Le parent lésé dans ses droits peut, en revanche, déposer une plainte auprès des forces de l'ordre, celles-ci étant tenues de la recevoir selon l'article 15-3 du code de procédure pénale, pour dénoncer ces faits constitutifs du délit de non-représentation d'enfant. Si la plainte est déposée le jour-même où les faits de non-représentation sont commis, les forces de police et de gendarmerie disposent des pouvoirs liés à l'enquête de flagrance. Cependant, en ce domaine très particulier qu'est le droit de la famille, l'engagement direct de poursuites n'apparaît pas toujours comme la solution la plus adaptée au règlement de ces difficultés. En effet, l'intérêt de l'enfant commande d'essayer de rétablir les relations entre les parents. C'est pourquoi le recours à des alternatives aux poursuites, telles que la médiation pénale ou le classement sous condition de régularisation (en application de l'article 41-1 du code de procédure pénale), est privilégié par le ministère public, notamment dans les cas où le parent mis en cause ne conteste pas le principe de la remise de l'enfant mais ses modalités. Il faut noter que le recours à des alternatives aux poursuites ne se résume pas à la simple possibilité pour le parent concerné d'échapper à la peine. Le classement sans suite sous conditions, outil souple, signifie aussi la constatation de la régularisation de la situation ou la mise en place de mécanismes de reprise de contacts entre parents et enfants. Si la médiation ou les autres mesures alternatives échouent, l'exercice de poursuites pénales reste une mesure de contrainte afin que la personne qui serait privée indûment de son droit puisse trouver un moyen de faire respecter les décisions judiciaires. En tout état de cause, l'exercice des poursuites est envisagé pour les situations dans lesquelles l'un des parents manifeste de manière délibérée et répétée un refus de respecter les décisions judiciaires. En 2006, d'après les chiffres actualisés du ministère de la justice, 1 348 condamnations étaient prononcées des chefs de non-représentation d'enfant et soustraction d'enfant par ascendant. En 2007, le nombre de condamnations s'élevait à 1 353. Par ailleurs, il convient de rappeler que l'article 373-2 du code civil, introduit par la loi n° 2002-305 du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale, impose à chacun des titulaires de l'autorité parentale de respecter les liens de l'enfant avec l'autre parent. Or, l'aptitude de chacun des parents à respecter les droits de l'autre constitue désormais l'un des critères sur lesquels se fonde le juge des affaires familiales pour prendre les décisions relatives à l'exercice de l'autorité parentale à l'égard de l'enfant (art. 373-2-11-3° du code civil). Le non-respect des modalités d'un droit de visite et d'hébergement judiciairement fixé est donc d'ores et déjà pris en considération par le juge aux affaires familiales lorsqu'à l'initiative de l'autre parent, il est appelé à statuer de nouveau sur les conditions d'exercice de l'autorité parentale. Saisi par simple requête du parent dont le droit de visite ou d'hébergement est entravé (art. 373-2-13 du code civil), le juge peut transférer la résidence de l'enfant à son domicile, voire lui confier l'exercice exclusif de l'autorité parentale. Au vu de tous ces éléments, il apparaît que les magistrats disposent de tous les moyens nécessaires pour faire appliquer les décisions relatives à la résidence des enfants au regard des exigences de la Convention européenne des droits de l'homme, et que le manquement par un parent à ses obligations fait effectivement l'objet d'une réponse pénale. La modification du dispositif en vigueur n'est donc pas envisagée.
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