M. Jacques Remiller appelle l'attention de Mme la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative sur la naissance du «bébé-médicament» en Espagne, il y a quelques semaines. Il est, selon les scientifiques, le « fruit de la sélection in vitro d'un embryon exempt de l'anomalie génétique dont souffre son frère aîné de six ans ». Le sang de son cordon ombilical a en effet été transmis à son grand frère dans l'espoir de le guérir de sa maladie, une bêta-thalassémie majeure, forme grave d'anémie génétique. Si l'on peut se réjouir de cet espoir de guérison d'un petit garçon, il ne faut pas oublier que ce type de pratique - qui a été légalisée en France par un amendement gouvernemental lors de la discussion du projet de loi sur la bioéthique en 2004 - pose des interrogations éthiques importantes. Tout d'abord, il faut rappeler que cette sélection ne se fait pas au profit de l'enfant à naître : le bébé médicament est investi d'un espoir qui fait peser sur lui l'injonction de sauver son frère ou sa soeur aîné. Non seulement, il ne doit plus sa vie au seul désir le concernant, mais à la mission pour laquelle il a été conçu. S'il n'arrive pas à accomplir sa mission de sauveur, il risque de se sentir défaillant et coupable, voire inutile et indigne de vivre. Cette instrumentalisation constatée au travers du tri embryonnaire fait du bébé médicament une victime, et les psychiatres envisagent logiquement des troubles spécifiques pour ces personnes. On peut, par ailleurs, s'interroger sur l'avenir des embryons surnuméraires détruits ou congelés après le tri embryonnaire. Il souhaite, par conséquent, connaître sa position sur ces questions.
Le DPI-HLA qui permet la naissance de ce que certains appellent « bébés médicaments » ou « bébé du double espoir » constitue un élargissement de l'indication de diagnostic préimplantatoire (DPI) en permettant d'effectuer un typage HLA sur l'embryon in vitro, c'est-à-dire une technique qui permet d'évaluer la compatibilité avec la personne malade (de l'anglais : human leucocyte antigen). Il s'adresse à des familles atteintes par une maladie grave et incurable. L'objectif est d'implanter chez la mère un embryon indemne de la maladie et donneur potentiel de cellules de sang de cordon à un enfant aîné malade. Le Comité consultatif national d'éthique s'est penché sur cette question délicate en 2002 (avis n° 72). S'il n'a pas admis la sélection d'un embryon et la mise en route d'un enfant conçu seulement comme donneur potentiel et non d'abord pour lui-même, il a considéré, en revanche, que, le fait de permettre à un enfant désiré de représenter, de plus, un espoir de guérison pour son aîné, était un objectif acceptable. Le DPI-HLA a été introduit dans la loi de bioéthique du 6 août 2004 à titre expérimental. Dans la pratique, le recours à cette technique est resté exceptionnel puisque 7 demandes ont été déposées à l'Agence de la biomédecine (chargée de délivrer les autorisations en la matière) depuis fin 2006, date de parution du décret d'application. Il appartiendra au législateur dans le cadre de la prochaine révision de la loi de bioéthique d'examiner et de résoudre à nouveau le dilemme entre la prise en compte de l'espoir thérapeutique pour l'enfant déjà né et atteint d'une maladie particulièrement grave et le risque de l'instrumentalisation possible de l'enfant à naître.
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