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Michel Liebgott
Question N° 33243 au Ministère de la Justice


Question soumise le 21 octobre 2008

M. Michel Liebgott interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur le niveau de dépenses consacrées à la justice par la France en comparaison avec celui d'autres pays européens. La France recule d'année en année dans le classement établi par le Conseil de l'Europe. Selon la dernière étude réalisée par la Commission européenne pour l'efficacité de la justice (CEPEJ), la France se classe au 35e rang sur 43. Elle est l'un des pays du continent qui consacre la plus faible part de ses ressources à sa justice : 0,19 % du PIB soit deux fois moins que l'Allemagne. Cette étude relève ainsi que la part de l'aide judiciaire en France est trois fois moins élevée qu'au Royaume-uni, le nombre de magistrats est deux fois plus important en Allemagne. La durée des procédures vaut d'ailleurs régulièrement à la France des condamnations devant la Cour européenne des droits de l'Homme. Par ailleurs une autre étude, réalisée par le Conseil de l'Europe, montre que la France, avec un taux de densité carcérale de 126 %, était largement au-dessus de la moyenne continentale (102 %). Il avait été estimé, par la commission d'enquête parlementaire formée après l'affaire Outreau, que si l'on voulait rattraper les retards pris au regard des exigences d'aujourd'hui, il faudrait aller vers une augmentation de 50 % du budget de la justice en cinq ans, c'est-à-dire passer de 2 à 3 %. Il lui demande donc, alors que s'apprête à être présenté le projet de loi de finances pour 2009, si elle compte prendre en considération ce classement dans ces choix budgétaires.

Réponse émise le 3 février 2009

Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que la chancellerie a participé très activement aux travaux de la Commission européenne pour l'efficacité de la justice (CEPEJ) qu'elle prend donc pleinement en considération. Les classements budgétaires figurant dans le rapport de la CEPEJ concernent l'année 2006. Ils n'intègrent pas le budget consacré à l'administration pénitentiaire, qui représente en France une part importante du budget du ministère de la justice (34,7 %). Par ailleurs, si certains pays affichent des augmentations importantes, notamment hors de la zone euro, c'est en partie en raison du taux de change, de forts taux de croissance ou encore en raison d'aides financières pour l'intégration dans l'Union européenne. Enfin, le ratio budget/PIB par habitant a une pertinence moindre pour apprécier l'effort réel qu'un État consacre à sa justice dans la mesure où le PIB, incluant l'ensemble de la richesse d'un pays (publique et privée), ne permet pas d'apprécier proportionnellement l'effort accompli par un État dans son budget pour la justice comme cela serait le cas avec le budget national. Il est donc défavorable pour l'ensemble des pays riches. Dans le classement des pays au regard du budget public annuel alloué aux tribunaux par habitants, la France se situe d'ailleurs au 12e rang. Par ailleurs, il est important de souligner qu'un système judiciaire coûteux n'est pas forcément révélateur d'un bon fonctionnement judiciaire. La tendance actuelle vise clairement à la rationalisation de la dépense, ce vers quoi la France s'est orientée résolument avec la mise en oeuvre de la LOLF. Cependant, il convient de préciser qu'au cours de la période 2000-2008, le nombre de magistrats en activité dans le corps judiciaire a augmenté d'environ 1 500 soit une progression de 20 %. Surtout, la France se caractérise par un mode de régulation des procédures privilégiant les solutions extrajudiciaires. Le taux d'avocats par habitant en est une parfaite illustration, tel que le souligne dans son rapport la CEPEJ : la France dispose de 76 avocats pour 100 000 habitants, contre 290 en Italie, 266 en Espagne, 168 en Allemagne, 145 en Belgique, 92 aux Pays-Bas et 84 en Autriche. Cette même constatation explique le nombre de magistrats dans notre pays. En ce qui concerne l'aide judiciaire, la France se trouve bien classée. Elle octroie d'ailleurs l'aide judiciaire pour tous les contentieux, y compris la médiation. Au-delà des seuls aspects quantitatifs du rapport de la CEPEJ auxquels on ne peut se limiter pour apprécier la qualité de la justice, il convient de souligner que la justice française se situe dans le peloton de tête au niveau de l'informatisation des juridictions et du nombre d'affaires bénéficiant de l'aide juridictionnelle (143 cas pour 10 000 habitants). De même, les dispositifs d'accès au droit ou d'indemnisation des victimes sont aussi parmi les plus développés d'Europe. La France se situe ainsi avec les réformes récemment engagées (carte judiciaire, création de pôles spécialisés, dématérialisation) à la pointe des grandes tendances européennes que le rapport s'attache à mettre en avant : réduction du nombre des tribunaux ou des implantations géographiques dans le but d'améliorer l'efficacité, spécialisation accrue des tribunaux et tendance à la rationalisation et à l'usage croissant des indicateurs de performance. En ce qui concerne la densité carcérale, le Gouvernement a entrepris une profonde réforme du système pénitentiaire français afin de réduire le taux de suroccupation des établissements pénitentiaires. Cette réforme repose en premier lieu sur une politique volontariste d'aménagements des peines. Lancée mi-2007, cette politique sera amplifiée avec le projet de loi pénitentiaire qui sera prochainement examiné par le Parlement. De nombreuses dispositions seront de nature à développer les aménagements de peines. L'objectif est que les détenus puissent, lorsque l'autorité judiciaire estime que cela est possible, exécuter une partie de leur peine en dehors de la prison afin de faciliter leur réinsertion dans la société et ainsi prévenir la récidive. À titre d'exemple, toutes les peines d'emprisonnement inférieures à deux ans pourront être aménagées. Les personnes condamnées à des courtes peines pourront par exemple bénéficier d'un placement sous bracelet électronique quelques mois avant la fin de leur peine pour éviter les sorties sèches. La réforme du système pénitentiaire entreprise par le Gouvernement repose en second lieu sur la mise en oeuvre de la loi d'orientation et de programmation pour la justice (LOPJ), et plus précisément de son volet immobilier, qui prévoit la construction de 13 200 places supplémentaires. En 2007, cinq établissements pour mineurs ont été livrés (soit au total 300 places). En 2008, deux autres établissements pour mineurs ont été achevés ainsi que quatre établissements pour majeurs. 2 674 places nouvelles ont été créées à ce titre. Par ailleurs, la rénovation de la tripale D2 de la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis, terminée en septembre 2008, permettra la mise en service de 500 places rénovées sur ce site au tout début de l'année 2009. En 2009, sept nouveaux établissements pour majeurs seront livrés : ce sont les centres pénitentiaires de Nancy, de Bourg-en-Bresse, de Poitiers, de Rennes, du Mans, de Béziers et du Havre. Ils représentent 5 130 places supplémentaires. Deux autres établissements seront également ouverts à Seysses et Fleury-Mérogis (120). Au total, de 2007 à la fin de l'année 2009, près de 9 700 places nouvelles auront été livrées, que ce soit en application de la LOPJ ou des autres actions immobilières engagées par l'administration pénitentiaire.

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