M. Patrick Braouezec alerte Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la non-application de la loi du 10 août 2007 qui prévoit des dérogations à l'application des peines-planchers. Les prisons françaises sont au bord de l'asphyxie avec 66 211 détenus au 1er septembre 2008, et 14 établissements pénitentiaires présentant un taux d'occupation égal ou supérieur à 200 % ; pourtant, le ministère continue à imposer de prononcer des peines-planchers aux juridictions. Ainsi, une série d'outils statistiques tatillons est mise en place pour contrôler les décisions des juges, avec un suivi en temps réel des audiences pénales correctionnelles. C'est ainsi que chaque magistrat du parquet est vivement invité à remplir via Internet une fiche détaillée indiquant, notamment, la peine plancher encourue et la peine effectivement prononcée. Il doit également préciser s'il a fait appel de la décision. Dans une note datée du 24 septembre 2008, la direction des affaires criminelles et des grâces rappelle en effet aux parquets la nécessité «de renseigner de façon complète et rigoureuse» les fiches d'audiences, afin de faciliter la décision d'appel des procureurs et procureurs généraux. Les données ainsi collectées sont ensuite rassemblées au niveau national et permettent un contrôle inédit du contenu des décisions pénales. Se trouve, ainsi institué un système généralisé de surveillance de l'activité des juges. Certains procureurs généraux ne s'étant pas pliés à cette demande se sont vus convoquer pour un ferme « rappel à la loi ». Le Syndicat de la magistrature rappelle, fort justement, que la finalité de lutte contre la récidive, affichée par la loi du 10 août 2007, ne fait l'objet d'aucune étude statistique, alors qu'il est évident que l'entassement de détenus dans des cellules indignes n'est propice, ni à la réinsertion, ni à la prévention de la récidive. Par ailleurs, lorsque des juridictions pénales dérogent à l'application des peines-planchers, par des motivations souvent circonstanciées, c'est aussi parce qu'elles ont à l'esprit la situation calamiteuse des prisons françaises, régulièrement dénoncée par les instances européennes, sans parler du classement désastreux de la justice par rapport aux autres pays européens. En conséquence, il aimerait savoir ce que le Gouvernement compte faire pour que la loi du 10 août 2007 soit totalement respectée et appliquée.
La garde des sceaux, ministre de la justice, a l'honneur de répondre à l'honorable parlementaire que la loi du 10 août 2007 fixe pour les crimes et pour les délits commis en état de récidive légale des peines minimales correspondants à des fractions déterminées des peines encourues afin de renforcer la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs. Le législateur a maintenu la possibilité pour les juges d'écarter l'application de la peine minimale d'emprisonnement au profit d'un sursis simple, d'un sursis avec une mise à l'épreuve ou d'un sursis avec obligation d'accomplir un travail d'intérêt général. La peine peut également toujours faire l'objet d'une mesure d'aménagement dès lors que la partie ferme est inférieure à un an. Enfin, le tribunal correctionnel conserve dans tous les cas la possibilité de prononcer une peine inférieure à la peine plancher prévue mais cette possibilité est néanmoins encadrée strictement. En cas de récidive dite simple ou de première récidive, la juridiction peut, par décision spécialement motivée par les circonstances de l'infraction, par la personnalité de l'auteur ou en raison des garanties d'insertion ou de réinsertion présentées par le prévenu, écarter l'application de la peine minimale. En cas de récidive aggravée, c'est-à-dire de deuxième récidive d'un délit de violences volontaires, d'un délit commis avec la circonstance aggravante de violences, d'agression ou d'atteinte sexuelle ou d'un délit puni de dix ans d'emprisonnement, la juridiction ne peut prononcer une peine autre que l'emprisonnement. Toutefois, par décision spécialement motivée, la juridiction peut prononcer une peine d'emprisonnement inférieure au seuil fixé si le prévenu présente des garanties exceptionnelles d'insertion ou de réinsertion. Cette faculté de déroger au prononcé de la peine plancher est naturellement plus réduite puisqu'elle s'applique à des prévenus déjà condamnés et qui réitèrent un comportement considéré comme causant un trouble grave à l'ordre public. La circulaire d'application de la loi (circulaire Crim-07-10-E8 du 13 août 2007) précise que la notion de garanties exceptionnelles recouvre de façon très concrète tous les facteurs de stabilisation sociale auxquels on peut songer : la situation professionnelle, économique mais aussi l'environnement social, familial, affectif, psychologique, moral... Il s'agit donc d'une conception suffisamment large pour permettre aux juridictions de prendre en compte toutes les situations. Ces dérogations n'ont cependant pas vocation à s'appliquer aux criminels les plus dangereux. Il n'est pas anormal que les parquets généraux, à la demande de la garde des sceaux, rendent compte de la manière dont la loi du 10 août 2007 est appliquée. Il appartient en effet au ministre de la justice, par application des dispositions de l'article 30 du code de procédure pénale, de conduire la politique d'action publique déterminée par le Gouvernement et de veiller à la cohérence de son application sur le territoire de la République. Dans ce cadre, la garde des sceaux adresse aux procureurs généraux des instructions générales d'action publique. La dépêche adressée aux procureurs généraux le 24 septembre 2008 rappelle aux parquets l'obligation issue de la loi du 10 août 2007 de relever de façon systématique dans leurs poursuites l'état de récidive lorsqu'il est constitué et les invite à former appel lorsque la loi n'a pas été correctement appliquée. La mise en oeuvre d'un outil de suivi statistique n'a d'autres fins que celle de veiller à la cohérence de l'application de la loi sur le territoire national, et permet de satisfaire la légitime demande du Parlement de contrôler le suivi de l'application de la loi.
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