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M. Stéphane Demilly attire l'attention de Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi sur les conséquences à terme du développement de l'industrie aéronautique européenne en zone dollar. Ainsi, dans le cadre du plan « Power 8 Plus » et de la mise en place de la nouvelle filiale d'EADS « Aerolia », Airbus a annoncé la création d'une unité de production en Tunisie. Si, selon M. le secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation, cette implantation constitue « plutôt une opportunité qu'une menace », il n'en reste pas moins vrai que cette décision soulève de légitimes inquiétudes parmi les élus locaux concernés, les salariés d'Airbus et les sous-traitants, notamment au regard du risque, à terme, de voir partir définitivement hors d'Europe des pans entiers de la construction d'aéronefs. En tout état de cause, cela pose clairement la question de l'opportunité d'organiser rapidement une table ronde sur l'avenir de la filière aéronautique et de mettre en place une instance permanente de suivi associant l'État, les élus locaux et les industriels concernés. Il lui demande donc de lui indiquer les intentions du Gouvernement sur ce point.
Depuis plusieurs années, le marché de l'industrie aéronautique est en forte croissance. De l'ordre d'un millier d'avions de lignes sont commandés chaque année par les compagnies aériennes depuis 2005 et le constructeur européen Airbus détient globalement 50 % de ce marché depuis une dizaine d'années. Les sites français de production d'Airbus et leurs sous-traitants bénéficient pleinement de cette conjoncture favorable. Néanmoins, la croissance du marché intervient dans un contexte de concurrence renforcée entre les deux leaders mondiaux, Airbus et Boeing, exacerbée par les ambitions de nouveaux concurrents sur le marché, comme le brésilien Embraer sur le segment des « courts courriers » ou le chinois Avic qui ambitionne à terme une place mondiale dans l'aéronautique civile. Dans ce contexte, comme Boeing, Airbus s'est engagé dans une réorganisation majeure de sa chaîne d'approvisionnement pour se concentrer sur la conception, l'assemblage final et les essais des avions. En contrepartie, il crée des partenariats avec des sous-traitants de premier rang, capables d'investir dans les études de développement d'avions, d'accompagner ses implantations à proximité des marchés émergeants et d'animer autour d'eux un réseau de sous-traitants compétitifs au plan international. En se recentrant sur son coeur de métier, Airbus a prévu de céder plusieurs usines à ses futurs partenaires industriels. Les conditions économiques internationales n'ont pas permis à l'avionneur d'aboutir à court terme. Le groupe a donc décidé de filialiser plusieurs sites dont les deux sites français de Méaulte et de Saint-Nazaire qui sont regroupés dans la nouvelle entreprise Aerolia. Le maintien d'Aerolia dans le périmètre d'EADS lui donne les moyens d'un développement ambitieux et c'est dans le cadre d'une stratégie internationale de développement de cette nouvelle entreprise que l'avionneur a décidé de créer une filiale de production en Tunisie, donnant ainsi suite à un projet déjà envisagé dans l'ancien schéma de reprise des sites par Latécoère. À la faveur de la forte croissance actuelle de la charge, et sans réduire l'effectif global de production industrielle des sites français, il s'agit d'assurer leur avenir en les affectant à des productions à forte valeur ajoutée, tout en approvisionnant les éléments à faible valeur ajoutée à partir de sites en zones dollar ou à bas coût. Dans le contexte de concurrence internationale croissante, où des pays à bas coûts de main-d'oeuvre sont en mesure de se positionner favorablement sur des productions simples, il s'agit de profiter du fort niveau de charge actuel pour adapter le modèle économique de la filière aéronautique française en renforçant les sites nationaux sur leurs avantages compétitifs en termes de conception, d'intégration de grands ensembles et de réalisation de pièces complexes. La filière aéronautique est engagée dans une évolution profonde dont les industriels sont les tout premiers acteurs. Néanmoins, l'ampleur des conséquences économiques et sociales de cette mutation a amené le Gouvernement à s'engager auprès des industriels, notamment des responsables de petites et moyennes entreprises (PME), pour contribuer à faire de cette situation une opportunité pour le tissu industriel national. Dès 2007, une campagne de diagnostics auprès d'une centaine de PME sous-traitantes de la filière, puis des rencontres avec les principaux sous-traitants de rang 1 en aérostructure et des échanges avec la profession, ont permis de définir les grands axes du plan pour l'industrie aéronautique annoncé par le Premier ministre à Marignane le 11 octobre 2007 et tout récemment complété à Toulouse le 23 juillet 2008. Ce plan, qui concerne à la fois les avionneurs et l'ensemble de la sous-traitance, a pour objectif de favoriser l'émergence d'acteurs de premier plan, capables de prendre des responsabilités industrielles accrues et de faire face à des niveaux d'investissement et de risque plus élevés, demandés par les donneurs d'ordres. Il a aussi l'objectif de soutenir l'innovation qui doit rester un des éléments forts de la compétitivité nationale. Les différentes mesures de ce plan prévoient notamment le doublement du budget de soutien à la recherche industrielle de la direction générale de l'aviation civile et la mobilisation au sein de cette direction de 100 MEUR d'avances remboursables sur cinq ans pour soutenir les développements de l'A350 ; la création du fonds d'investissement Aerofund 2, doté de 75 MEUR, par l'État, via la Caisse des dépôts et consignations, et les donneurs d'ordres, Airbus et Safran, pour faciliter les opérations de croissance ; le financement de diagnostics stratégiques pour accompagner la réflexion des sous-traitants ; la mise en oeuvre au niveau régional, par les directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement (DRIRE), d'actions collectives pour répondre aux besoins du tissu aéronautique en matière de stratégie industrielle et d'anticipation des besoins en ressources humaines ; la mobilisation de 20 MEUR dans les appels à projet de l'Agence nationale pour la recherche sur des thématiques directement liées à la filière aéronautique ; la création depuis août 2008, en concertation avec les industriels, d'un dispositif de couverture de change mis en place avec la compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur (COFACE) pour aider les équipementiers du secteur aéronautique à faire face à la faiblesse du dollar. Par ailleurs, la réforme du crédit impôt recherche, intervenue au 1er janvier 2007, permettra de mobiliser annuellement 150 MEUR en faveur des efforts recherche et développement (R&D) de l'ensemble des acteurs de la filière aéronautique. Enfin, à la demande du Gouvernement, un groupe de travail présidé par Michel Bernard, et réunissant les représentants des entreprises et des organisations syndicales de salariés, mène actuellement une réflexion prospective sur les évolutions des métiers et des compétences dans la filière aéronautique. Il a pour mission de faciliter la conclusion d'un accord cadre pluriannuel entre donneurs d'ordres, sous-traitants, collectivités, organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) et service public de l'emploi pour accompagner les entreprises de la filière dans leur démarche d'adaptation des emplois et des compétences. Ce groupe de travail rendra ses conclusions en fin d'année, néanmoins il a d'ores et déjà dressé les prémices d'un premier état de lieu qui envisage des tensions sur l'emploi dues simultanément à la situation du plan de charge et aux départs massifs à la retraite. Il signale que des besoins nouveaux vont se faire jour sur de nouveaux métiers et de nouvelles compétences comme la gestion des projets complexes et internationaux ou les métiers liés au support client, et à la gestion de la chaîne d'approvisionnement. À l'issue de ces travaux, un volet spécifique du plan d'action pour l'industrie aéronautique sera défini et mis en place en concertation avec les collectivités territoriales et les organisations compétentes en matière de formation.
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