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Laurent Hénart
Question N° 30624 au Ministère de l'Intérieur


Question soumise le 16 septembre 2008

M. Laurent Hénart attire l'attention de Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales sur les préoccupations de l'association départementale des Francas de Meurthe-et-Moselle sur le fichier d'Exploitation Documentaire et Valorisation de l'Information Générale (EDVIGE), issu du décret du 27 juin 2008. Celui-ci prévoit le fichage des données individuelles pour les personnes « ayant sollicité, exercé ou exerçant un mandat politique, syndical ou économique ou qui joue un rôle institutionnel, économique, social ou religieux significatif », c'est à dire engagées dans la cité, et celles « susceptibles de porter atteinte à l'ordre public ». Le fichier concerne notamment les mineurs à partir de 13 ans, avec ou sans antécédent judiciaire. Pour l'association, les dispositions du fichier EDVIGE sont contraires à l'article 40 et à l'esprit général de la Convention internationale des droits de l'enfant qui demande que l'enfant jusqu'à 18 ans jouisse d'une législation spécifique en rapport avec son degré de maturité, ainsi que le respect de sa vie privée (article 16). Par ailleurs, l'argument de la délinquance juvénile servirait de prétexte à un fichage qui favorise le punitif et le répressif sur l'éducatif, disposition contre laquelle une Fédération d'Éducation Populaire, fondée sur l'égalité des droits et l'éducabilité de l'être humain, ne peut que s'opposer. Les initiatives en faveur de la justice, de la paix et du vivre ensemble que les Francas de Meurthe et Moselle souhaitent favoriser et valoriser sont incompatibles avec une politique restrictive. Enfin, en visant toute personne engagée dans la vie de la cité, le fichier EDVIGE mettrait en danger la vie même de la démocratie qui nécessite une vie associative intense et des contre pouvoirs nécessaires. La notion d'«ordre public» ouvre par ailleurs à toutes sortes d'interprétations. A l'heure où l'on s'inquiète du manque d'engagement des jeunes et de la faible réactivité de la vie politique, un tel fichage ferait barrage à la vie même de la démocratie, à savoir la formation du futur citoyen. Les Francas de Meurthe et Moselle demandent donc le retrait du décret, en cohérence avec les principes des Droits de l'homme et de l'Enfant et avec son objectif. En conséquence, il lui demande quelles sont les intentions du Gouvernement et s'il entend répondre favorablement à cette attente.

Réponse émise le 24 février 2009

La réforme du renseignement mise en oeuvre par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales a conduit à la création, le 1er juillet, de la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) et à la disparition de la direction de la surveillance du territoire (DST) et de la direction centrale des renseignements généraux (DCRG). L'une des missions qu'exerçait la DCRG, la mission d'information générale, incombe désormais à la sécurité publique (et à Paris à la préfecture de police). Afin de permettre à la sécurité publique d'assurer sa nouvelle mission et donc de reprendre l'usage du fichier précédemment géré par la DCRG (amputé de ce qui concerne le renseignement intérieur, transféré à la DCRI, et les courses et jeux, transférés à la police judiciaire), il a été nécessaire d'instituer un nouveau cadre juridique, par un décret du 27 juin 2008. Ce fichier appelé EDVIGE constituait donc purement et simplement une reprise partielle du fichier des renseignements généraux créé par décret du 14 octobre 1991, intégrant les modifications apportées par une directive de 1995 et une loi de 2004. Son texte, soumis au Conseil d'État, prenait en compte des demandes de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL). Il a pourtant suscité des inquiétudes et des malentendus. Afin d'y apporter des réponses, le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales a ouvert une vaste consultation puis décidé de présenter un nouveau décret. Il convient à cet égard de souligner qu'eu égard notamment à la décision du ministre de retirer le décret portant création d'EDVIGE, le Conseil d'État, saisi en référé, a rejeté le 29 octobre un recours présenté par plusieurs associations tendant à la suspension du décret du 27 juin. Ce dernier a été retiré par un décret du 19 novembre 2008. Le nouveau fichier ne comportera que des données directement liées à la sécurité publique ou permettant de répondre aux demandes d'enquêtes de recrutement imposées par la loi. Il apporte des garanties renforcées à la liberté individuelle et au droit au respect de la vie privée, tout en préservant les moyens nécessaires aux forces de police pour assurer efficacement la sécurité des Français.

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