M. Francis Hillmeyer interroge M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur les producteurs de fruits et légumes d'Alsace et de manière générale tous les maraîchers de France, particulièrement en région frontalière qui sont touchés par la concurrence des autres pays européens. Ils ne se battent pas à armes égales, si leurs produits sont de très grandes qualités, ils souffrent d'un prix à la production nettement supérieur à leurs concurrents étrangers. Par exemple en comparant le coût de la main d'oeuvre saisonnière entre la France et l'Allemagne, nos producteurs sont au double du coût de main d'oeuvre. Pour 5 à 20 hectares d'asperges ou de fraises, cela représente 30 à 120 000 euros supplémentaires pour un exploitant français par an. Les charges qui pèsent sur le salaire du personnel saisonnier en est la cause et l'écart ne cesse de se creuser. L'évolution des surfaces de culture d'asperge en 15 ans est passée de 7 000 hectares à 22 000 hectares en Allemagne, alors qu'en France les surfaces ont régressé de 11 000 à 7000 hectares. En fait, cela représente pour la population allemande 66 000 ouvriers saisonniers, 120 000 tonnes d'asperges, 500 millions d'euros de chiffre d'affaires légumière et fruitière. On se rend compte ainsi de la perte d'emploi et de la diminution de production maraîchère en France, dues à la non-harmonisation des règles sociales entre les pays européens. Il lui demande quelles sont les solutions qu'il envisage de prendre pour rétablir une situation qui ne sauraient perdurer, situation préjudiciable à la production maraîchère et à l'emploi dans ce secteur.
S'agissant de la question des distorsions de concurrence entre les exploitations agricoles françaises et allemandes, l'article 56 de la loi n° 2006-11 du 5 janvier 2006 d'orientation agricole a créé un observatoire chargé de repérer et d'expertiser les différentes distorsions, tant en France qu'au sein de l'Union européenne, quelles que soient leurs origines, et qui pourraient conduire à la déstabilisation des marchés des produits agricoles. L'observatoire des distorsions de concurrence a ainsi notamment travaillé sur la question des stratégies de gestion de main-d'oeuvre dans le secteur des fruits et légumes. L'Institut national de la recherche agronomique (INRA) a réalisé une étude sur ce thème dont les conclusions ont été rendues en décembre 2007. L'étude conclut, tout en préconisant la recherche d'une harmonisation entre les législations européennes du travail, que d'autres facteurs jouent un rôle très important sur la compétitivité, l'efficacité des stations de conditionnement, les performances de la recherche technologique et variétale, les performances des structures de commercialisation et d'organisation de la promotion des produits sur des marchés ciblés, la présence d'un marché national important. En effet, les conclusions de ces travaux montrent que, bien que la France ait la plus petite surface moyenne d'exploitations horticoles et maraîchères, la productivité du travail reste supérieure à celle de l'Allemagne et de l'Espagne. Par contre, il reste indéniable que la stratégie de compétitivité de l'Allemagne dans le secteur des fruits et légumes repose en partie sur les faibles coûts d'une main-d'oeuvre saisonnière étrangère. L'étude note également que la productivité du sol en Allemagne est plus forte qu'en France, indépendamment du montant des coûts horaires de main-d'oeuvre. Toutefois, les chercheurs ont relevé que le revenu final des exploitations maraîchères est à peu près le même pour l'Allemagne et la France, compris entre 30 000 et 36 000 euros/an. Ce constat peut être établi alors que, considérant l'importance du problème de coût de la main oeuvre pour les filières fruits et légumes, diverses dispositions ont été prises au niveau national ces dernières années : allongement de la période d'allègement de charges sociales à 119 jours pour l'emploi de travailleurs occasionnels correspondant à 90 % voire 100 % des cotisations patronales dans ce secteur, allègement accru des charges sociales pour toute transformation d'emplois occasionnels longs en emplois permanents sous contrat à durée indéterminée, encouragements à la constitution et au développement des groupements d'employeurs, et, depuis le 1er octobre 2007, réduction des cotisations sociales pour les heures supplémentaires et complémentaires effectuées par les salariés. Les cotisations employeurs sont de plus réduites de 28,1 % du salaire brut dans le cadre du dispositif dit « Fillon », pour les entreprises de moins de 20 salariés. L'ensemble de ces dispositions a vocation à diminuer le différentiel de coût de main-d'oeuvre saisonnière avec l'Allemagne. Les écarts de coût de main-d'oeuvre qui pourraient subsister ne pourront ensuite être résolus qu'à l'occasion d'une harmonisation européenne. Les professionnels s'interrogent également sur les conditions de vente directe des produits en bord de route. La mise en place et l'organisation de ventes sur le domaine public sont strictement encadrées. L'installation de points de vente sur l'accotement de la route ou sur le trottoir nécessite tout d'abord l'obtention d'une autorisation de voirie délivrée par le préfet pour les routes nationales ou départementales ou certaines artères de la voie municipale, le maire dans les autres cas. Si le vendeur utilise un établissement fixe sur le domaine public, ce qui suppose un minimum de travaux effectués sur le domaine public (construction d'un espace de vente), il doit être en possession d'une carte de commerçant non sédentaire ou d'un livret spécial de circulation. Le vendeur doit également solliciter une demande d'autorisation de vente au déballage auprès du maire de la commune sur laquelle a lieu la vente, qui peut être rejetée, à condition que le refus soit dûment motivé. La vente en elle-même est soumise à des dispositions réglementaires d'ordre général qui s'appliquent quel que soit le produit (facturation, étiquetage...) et à des dispositions réglementaires propres à chaque produit, liées ou non au lieu et aux modalités de la vente. Le contrôle des conditions et des autorisations de vente sur la voie publique relève directement de la direction départementale de la consommation de la concurrence et de la répression des fraudes (DDCCRF). Le ministère de l'agriculture et de la pêche reste particulièrement attentif aux facteurs de compétitivité de cette filière. L'organisation de la production et de la commercialisation, la définition de stratégies produits font partie des facteurs de réussite de la filière. À ce titre, le ministère de l'agriculture et de la pêche a engagé une réforme ambitieuse de la gouvernance de la filière fruits et légumes, visant à faire du renforcement de l'organisation économique et du développement de la concertation interprofessionnelle, deux priorités d'action. L'ensemble de ce nouveau dispositif est inscrit dans la charte nationale de gouvernance des filières fruits et légumes, validée par les professionnels réunis au sein du conseil de direction spécialisé de l'Office national interprofessionnel des fruits, des légumes, des vins et de l'horticulture (VINIFLHOR) le 13 mai dernier. Sa mise en oeuvre est en cours, les professionnels des départements alsaciens étant invités à se joindre à cette dynamique.
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