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Jean-Claude Guibal
Question N° 30031 au Ministère des Affaires étrangères


Question soumise le 2 septembre 2008

M. Jean-Claude Guibal attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères et européennes sur l'implication de la France auprès des institutions financières internationales (IFI) pour que ces dernières intègrent les droits humains dans leurs programmes, projets et activités. En effet, les IFI exercent une influence considérable sur les politiques économiques et sociales des États et l'influence de la France dans la prise des décisions de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international est très importante. Par ailleurs, la France fait partie des plus gros contributeurs de l'Association internationale de développement (AID), un des organismes du groupe de la Banque mondiale. En vertu de l'article 44 de la loi de finances rectificative du 31 décembre 1998, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les activités du FMI et de la Banque mondiale. Ce rapport présente l'avancée des travaux au sein des IFI durant l'année écoulée mais n'expose pas l'impact des positions de la France sur les activités des IFI sur les droits humains et leur prise en compte dans le cadre de leurs projets et programmes. De plus, ce rapport ne fait pas l'objet d'un débat au Parlement qui pourrait être force de propositions. En conséquence, il lui demande si le Gouvernement envisage de préciser dans son rapport la position de la France sur le rôle des IFI pour la prise en compte des droits humains, droits civils et politiques, lors de la reconstruction des pays en situation de crise ou des États fragiles et s'il envisage de soumettre ce rapport à un débat au Parlement.

Réponse émise le 14 avril 2009

La question de l'intégration des questions relatives aux droits de l'homme au sein des projets, programmes et activités des institutions financières internationales revêt une importance particulière pour la France. Le ministère des affaires étrangères et européennes partage le constat selon lequel la situation actuelle est largement perfectible, ce qui tient pour partie aux statuts de ces institutions eux-mêmes. Le « bloc » des droits de l'homme se compose, en plus des trois grands textes fondamentaux - Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, pacte international sur les droits civils et politiques (1966) et pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels (1966) -, de nombreuses conventions internationales conclues sous l'égide de plusieurs organisations internationales, qui obligent juridiquement les États. Au demeurant, ceci est cohérent avec le principe d'appropriation (par les États) que pose la déclaration de Paris (mars 2005) sur l'harmonisation et l'efficacité de l'aide. Les organisations internationales, pour leur part, apportent leur appui aux États pour la réalisation de ces objectifs. Mais elles ne sont pas juridiquement liées par ces textes car, étant régies par le principe de spécialité, elles ne peuvent intervenir que dans le domaine de compétence que leur attribue leur mandat. L'article III, section V, b des statuts de la Banque mondiale précise de ce point de vue que : « La Banque prendra des dispositions en vue d'obtenir que le produit d'un prêt soit consacré exclusivement aux objets pour lesquels il a été accordé, compte dûment tenu des considérations d'économie et de rendement et sans laisser intervenir des influences ou considérations politiques ou extra-économiques. » Le FMI estime de manière similaire, sur le fondement de l'absence de mention des droits de l'homme dans ses statuts, qu'il n'a pas les compétences requises pour prononcer des jugements de valeur dans ce domaine. La prise en compte des droits de l'homme, en particulier des droits civils et politiques, serait selon ce point de vue susceptible de conduire à une politisation excessive des débats au sein du FMI, préjudiciable à la poursuite de son action en faveur du développement. En outre, la mise en place d'une éventuelle conditionnalité « politique » liée aux droits de l'homme pourrait se révéler contre-productive pour la promotion de ces droits eux-mêmes du fait de l'image, encore largement répandue dans certains pays en développement, d'institutions financières internationales promptes à remettre en cause la souveraineté des États au profit des intérêts et valeurs des pays occidentaux. En dépit de ces éléments, la France a joué un rôle moteur dans le développement de la problématique de l'intégration des droits humains à l'activité des institutions financières internationales. Si des évolutions ont pu être notées au cours des dernières années dans les politiques de ces institutions, qui manifestent une prise en compte croissante du respect des droits de l'homme, c'est en effet pour une partie non négligeable sous l'influence d'un pays qui a été l'un des premiers à attirer l'attention sur les conséquences des plans d'ajustement structurel sur l'accès des populations vulnérables aux droits, en particulier aux droits définis par le pacte sur les droits économiques, sociaux et culturels : droit au et du travail, y compris la liberté syndicale et le droit de grève, droit à la protection sociale, à la santé, à l'éducation, à la couverture des besoins essentiels (nourriture, logement, vêtement, santé), droit à l'éducation et à la protection des enfants, droit à la culture. Les institutions financières internationales, qui ont fait leurs les objectifs du millénaire pour le développement, contribuent à la promotion des droits économiques et sociaux dans les pays en développement, en accordant désormais une priorité absolue à la réduction de la pauvreté et la promotion d'une croissance durable, et par leur attention croissante à la question des États fragiles et sortant de conflit. La SFI, par exemple, a repris en 2006 les normes fondamentales du droit du travail (qui regroupent plusieurs conventions de l'OIT) comme critères que doivent respecter les entreprises qui empruntent auprès d'elle (ce qui a conduit les banques commerciales dites « Equator Banks » à les reprendre également). La Banque mondiale les impose également aux entreprises candidates aux marchés sur les projets qu'elle finance. Les institutions de Bretton Woods contribuent également, indirectement, à la réalisation des droits civils et politiques via leur soutien à l'amélioration de la gouvernance, par exemple dans les projets d'amélioration des systèmes judiciaires financés par la Banque mondiale, l'appui aux médias, etc. S'il paraît délicat de conférer un rôle d'arbitre à ces institutions sur le respect des droits de l'homme dans leurs pays d'intervention, elles doivent d'ores et déjà appliquer les sanctions décidées en matière de droits civils et politiques par le Conseil de sécurité des Nations unies. Le MAEE, qui compte parmi ses compétences la question des droits de l'homme, note avec satisfaction que le dernier rapport sur les activités du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale a abordé cette question. Il est ouvert à un éventuel débat parlementaire au cours duquel cette question pourrait être davantage explorée. Il vous invite dans cette perspective à adresser une requête similaire à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, au nom de laquelle ce rapport est remis au Parlement.

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