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Jean Ueberschlag
Question N° 29352 au Ministère de l'Agriculture


Question soumise le 12 août 2008

M. Jean Ueberschlag attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur les difficultés rencontrées par les maraîchers alsaciens, par rapport à la concurrence de leurs voisins allemands. Ces professionnels sont très inquiets pour leur avenir compte tenu des disparités de concurrence avec les producteurs allemands. Les maraîchers nourrissent notamment des craintes face au développement des points de vente directe en bordure de route de producteurs allemands qui viennent écouler une partie de leur production en Alsace. Cette situation pose réellement problème dans la mesure où les producteurs alsaciens se heurtent à une concurrence déloyale. En effet, les coûts de production sont nettement inférieurs en Allemagne, en particulier sur le poste de la main d'oeuvre saisonnière mais également au niveau des autres intrants (plants, produits phytosanitaires, etc.). Pour effectuer de la vente directe sur le domaine public ou en bord de route, il est nécessaire de se voir délivrer une autorisation préfectorale. Il serait donc opportun de tenir compte des distorsions de concurrence précitées dans le cadre de l'octroi de ces autorisations préfectorales. Cette solution pourrait permettre de limiter le développement de telles pratiques et préserver ainsi la production locale de fruits et de légumes. En l'état actuel des choses, toute l'activité légumière et fruitière d'Alsace est mise en péril par cette concurrence déloyale. Or, l'Alsace est connue depuis des décennies pour sa richesse en produits maraîchers. Cette situation fragilise donc fortement l'activité locale. Au-delà de la question de la vente directe, force est de constater que le problème de fonds réside bel et bien dans les distorsions de concurrence que subissent les producteurs français par rapport à leurs voisins allemands. Comme cela a été signalé précédemment, ces distorsions portent principalement sur le coût de la main d'oeuvre saisonnière (ce coût est d'environ 1,7 à 2 fois plus élevé en France), ainsi que sur l'utilisation des produits phytosanitaires. Partant du constat que de nombreux saisonniers employés dans les exploitations agricoles allemandes bénéficiaient déjà d'un régime de protection sociale (demandeurs d'emploi, saisonnier rattaché à leur conjoint, salarié en congés payés, etc.), les autorités allemandes ont mis en place le dispositif appelé « Kurzfristige Beschäftigungen ». Ce dispositif permet une exonération totale de charges sociales pour cette catégorie de travailleurs saisonniers. La profession concernée serait donc très heureuse de pouvoir bénéficier, elle aussi, de telles exonérations. L'utilisation des produits phytosanitaires suscite également des inquiétudes au sein des producteurs français. Bien que l'enjeu pour l'avenir réside dans la réduction de l'utilisation de produits phytosanitaires, leur recours s'avère indispensable pour lutter contre certains ravageurs. Toutefois, face à la complexité du dossier d'homologation des produits phytosanitaire, les sociétés préfèrent renoncer à faire homologuer certains produits en France, notamment pour les cultures mineures. Certains agriculteurs se retrouvent donc parfois totalement démunis pour combattre certains ravageurs ou maladies alors que des produits homologués existent dans d'autres pays en Europe. Cette situation induit donc une autre distorsion de concurrence entre les producteurs français et ses voisins européens. Il s'agirait donc d'harmoniser les règles d'homologation des produits phytosanitaires au niveau européen. Au regard de la situation décrite, il lui demande donc de lui indiquer les mesures qu'il entrevoit de prendre pour répondre aux préoccupations exprimées.

Réponse émise le 7 octobre 2008

L'article 56 de la loi n° 2006-11 du 5 janvier 2006 d'orientation agricole a créé un observatoire des distorsions de concurrence chargé de repérer et d'expertiser les différentes distorsions, tant en France qu'au sein de l'Union européenne, quelles que soient leurs origines, et qui pourraient conduire à la déstabilisation des marchés des produits agricoles. Un des premiers sujets traités par cette nouvelle instance portait justement sur les distorsions résultant des différences dans l'application de la réglementation communautaire concernant les produits phytosanitaires et les intrants agricoles. À ce titre, l'observatoire a soumis un certain nombre de recommandations pour lesquelles il apparaît, après analyse, que de nombreuses réponses seront apportées d'une part par le règlement communautaire visant à transposer la directive 91/414 CEE harmonisant les conditions d'autorisation et de mise sur le marché des produits phytosanitaires, devant entrer en vigueur en 2010, et d'autre part, par le règlement européen n° 396/2005/CE concernant les limites maximales applicables aux résidus. Les autorités françaises agissent dans le sens d'une meilleure harmonisation communautaire dans le cadre des négociations communautaires en cours et resteront particulièrement attentives à ces questions tout au long de la présidence française. L'observatoire des distorsions de concurrence a également travaillé sur la question des stratégies de gestion de main-d'oeuvre dans le secteur des fruits et légumes. L'Institut national de la recherche agronomique (INRA) a réalisé une étude sur ce thème dont les conclusions ont été rendues en décembre 2007. Celles-ci montrent que, bien que la France ait la plus petite surface moyenne d'exploitations horticoles et maraîchères, la productivité du travail reste supérieure à celle de l'Allemagne et de l'Espagne. Par contre, il reste indéniable que la stratégie de compétitivité de l'Allemagne dans le secteur des fruits et légumes repose en partie sur les faibles coûts de main-d'oeuvre. L'étude note également que la productivité du sol en Allemagne est plus forte qu'en France, indépendamment du montant des coûts horaires de main-d'oeuvre. Toutefois, les chercheurs ont relevé que le revenu final des exploitations maraîchères est à peu près le même pour l'Allemagne et la France, compris entre 30 000 et 36 000 EUR/an. Enfin, l'étude souligne, tout en préconisant la recherche d'une harmonisation entre les législations européennes du travail, que d'autres facteurs jouent un rôle très important sur la compétitivité et ne doivent pas être négligés : efficacité des stations de conditionnement, performance de la recherche technologique et variétale, performance des structures de commercialisation et d'organisation de la promotion des produits sur des marchés ciblés, présence d'un marché national important. Considérant l'importance du problème de coût de la main-d'oeuvre pour les filières fruits et légumes, diverses dispositions ont été prises au niveau national : allongement de la période d'allègement de charges sociales pour l'emploi de travailleurs occasionnels, allègement accru des charges sociales pour toute transformation d'emplois occasionnels longs en emplois permanents sous contrat à durée indéterminée, encouragements à la constitution et au développement des groupements d'employeurs, et, depuis le 1er octobre 2008, réduction des cotisations sociales pour les heures supplémentaires et complémentaires effectuées par les salariés. La profession maraîchère est par ailleurs très soucieuse de promouvoir une gestion des emplois et des ressources humaines qui assoit la compétitivité des entreprises sur la compétence des salariés ; le ministre de l'agriculture et de la pêche est très attentif aux actions des fédérations professionnelles en matière d'insertion par l'activité économique. Les professionnels s'interrogent également sur les conditions de vente directe des produits en bord de route. La mise en place et l'organisation de ventes sur le domaine public sont strictement encadrées. L'installation de points de vente sur l'accotement de la route ou sur le trottoir nécessite tout d'abord l'obtention d'une autorisation de voirie délivrée par le préfet pour les routes nationales ou départementales ou certaines artères de la voie municipale, le maire dans les autres cas. Si le vendeur utilise un établissement fixe sur le domaine public, ce qui suppose un minimum de travaux effectués sur le domaine public (construction d'un espace de vente), il doit être en possession d'une carte de commerçant non sédentaire ou d'un livret spécial de circulation. Le vendeur doit également solliciter une demande d'autorisation de vente au déballage auprès du maire de la commune sur laquelle a lieu la vente, qui peut être rejetée, à condition que le refus soit dûment motivé. La vente en elle-même est soumise à des dispositions réglementaires d'ordre général qui s'appliquent quel que soit le produit (facturation, étiquetage...) et à des dispositions réglementaires propres à chaque produit, liées ou non au lieu et aux modalités de la vente. Le contrôle des conditions et des autorisations de vente sur la voie publique relève directement de la Direction départementale de la consommation de la concurrence et de la répression des fraudes (DDCCRF). Enfin, le ministère de l'agriculture et de la pêche reste particulièrement attentif aux facteurs de compétitivité de cette filière. L'organisation de la production et de la commercialisation, la définition de stratégies produits font partie des facteurs de réussite de la filière. À ce titre, la nouvelle Organisation commune de marché (OCM) fruits et légumes ouvre de nouvelles opportunités à saisir pour la filière. Elle permet de renforcer l'organisation économique du secteur en cofinançant les projets d'entreprises des organisations de producteurs visant à améliorer la commercialisation de leurs produits, moderniser les outils de production ou à faire évoluer les pratiques culturales. Des moyens financiers supplémentaires ainsi que de nouveaux moyens juridiques ont été obtenus, notamment au regard du droit de la concurrence. La nouvelle OCM est notamment dotée d'un dispositif ambitieux de prévention et de gestion des crises. Ces nouveaux outils et moyens doivent être mobilisés pour permettre d'aboutir à des situations de marché stabilisées. Dans ce contexte, il faut avant tout favoriser une approche fondée sur l'organisation économique. La concertation interprofessionnelle ainsi que l'organisation de la première mise en marché, basée sur une relation de confiance entre les différents maillons d'une filière, doivent être renforcées. À ce titre, le ministre de l'agriculture et de la pêche a engagé une réforme ambitieuse de la gouvernance de la filière fruits et légumes, visant à faire du renforcement de l'organisation économique et du développement de la concertation interprofessionnelle, deux priorités d'action. L'ensemble de ce nouveau dispositif est inscrit dans la charte nationale de gouvernance des filières fruits et légumes, validée par les professionnels réunis au sein du conseil de direction spécialisé de l'Office national interprofessionnel des fruits, des légumes, des vins et de l'horticulture (VINIFLHOR) le 13 mai 2008. Sa mise en oeuvre est en cours, les professionnels des départements alsaciens pouvant se joindre à cette dynamique.

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