Mme Michèle Delaunay attire l'attention de Mme la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative sur l'incidence dramatique de la télévision sur les enfants de 6 mois à 3 ans. L'impact négatif de la télévision sur la formation de l'esprit des bébés est indéniable. Entre 6 mois et 3 ans s'effectue leur construction neurologique. Comme l'affirment les spécialistes, le développement d'un tout jeune enfant passe par la capacité d'interagir avec des objets extérieurs et des personnes par l'usage des cinq sens et du corps, beaucoup plus que par des concepts et des images d'écran -sans compter l'immobilité des bébés devant les postes. L'installer longtemps devant un écran va réduire son sentiment de pouvoir agir et risque de l'ancrer dans un statut de spectateur du monde avant même qu'il en devienne un acteur et sans qu'il soit préparé intellectuellement à la confrontation avec la réalité. En outre, l'impact d'images qui s'enchaînent de plus en plus rapidement entraîne un phénomène de stimulation extrême nocif sur le cerveau des jeunes enfants. L'atténuation neuronale qui en résulte entre en compte pour une partie dans l'instabilité et la perte de contrôle des enfants. Elle favorise également l'hyperactivité, maladie qui n'existait pas avant et qui est strictement contemporaine de la télévision. Des études réalisées sur de larges panels montrent que le premier facteur de violence chez les jeunes adultes est l'abus de télévision dans le très jeune âge. De plus, comme le souligne le philosophe Bernard Stiegler, le marketing des chaînes pour enfants vise à remplacer l'éducation parentale par la télévision et la publicité et invente pour cela des émissions, des jeux, des modes qui rivalisent avec les parents. Il en résulte l'altération du lien parent-enfant et la destruction des relations intergénérationnelles. La chaîne Babyfirst, qui émet aux États-Unis depuis 2004, a été lancée sur Canal-Sat en octobre 2007 face à la première chaîne pour bébés, Baby TV. Dès lors, un moratoire interdisant les chaînes pour les enfants de 6 mois à 3 ans a été réclamé par de nombreux psychiatres et pédopsychiatres au nom du principe de précaution. Début mai 2008, la direction générale de la santé (DGS) a apporté une pierre à l'édifice dans un avis rendu au CSA où elle se prononce « contre les chaînes spécifiques pour les enfants de moins de trois ans ». Mais les deux chaînes BabyFirst et BabyTV échappent au contrôle du CSA : diffusées depuis la Grande-Bretagne, elles ont reçu l'aval de l'Ofcom, l'équivalent britannique de l'autorité de régulation. A l'instar de l'académie nord-américaine de pédiatrie qui recommande depuis dix ans de supprimer la télévision dans la chambre des jeunes enfants, elle lui demande de lancer une campagne d'information et de prévention de grande ampleur auprès des parents et du monde enseignant concernant les conséquences néfastes de la télévision sur les tout-petits et d'empêcher par un moratoire immédiat le développement en France de chaînes de télévision à destination d'enfants en bas âge.
Le ministère chargé de la santé a organisé en avril dernier une réunion avec des experts du développement de l'enfant en vue d'élaborer un avis sur les effets sur sa santé et son développement des programmes de télévision qui lui sont dédiés. Dans son avis rendu le 16 avril 2008, le ministère chargé de la santé n'est pas favorable au développement de chaînes spécifiques pour les enfants de moins de trois ans, déconseille la consommation de la télévision jusqu'à l'âge d'au moins trois ans, indépendamment du type de programme et considère qu'au delà de trois ans, chez le jeune enfant, l'usage de la télévision doit être particulièrement prudent. Les parents doivent être vigilants sur le contenu (violence, sexualité, dérision...), la durée, les horaires des programmes, afin de prévenir les troubles liés au non-respect de la maturité de l'enfant (troubles du comportement, de l'attention, du sommeil, de l'alimentation et des apprentissages, anxiété, agressivité, difficulté d'identification à la souffrance de l'autre...). En conséquence, le ministère recommande d'une part la diffusion d'une large information dans les medias sur les risques de la télévision pour les enfants de moins de trois ans, en direction du grand public et des professionnels de la petite enfance (émissions thématiques, signalétique sur les écrans, documents distribués à la naissance, mention dans le carnet de santé...). D'autre part, il préconise que les sociétés commercialisant des émissions destinées aux jeunes enfants ne puissent alléguer de bénéfices pour la santé ou le développement de l'enfant non prouvés scientifiquement. À la suite de cette publication, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) a pris des mesures pour « assurer la protection de ce très jeune public ». Elles ont été rendues publiques par la délibération n° 2008-85 du 22 juillet 2008 du conseil supérieur de l'audiovisuel visant à protéger les enfants de moins de trois ans des effets de la télévision, en particulier des services présentés comme spécifiquement conçus pour eux, publiée au Journal officiel de la République française du 20 août 2008. Les diffuseurs de ces programmes établis sur le sol français auront pour obligation d'informer les parents des dangers que courent les plus jeunes. Depuis le mois de novembre 2008, le message d'avertissement suivant est diffusé sur les écrans des chaines concernées : « ceci est un message du conseil supérieur de l'audiovisuel et du ministère de la santé : regarder la télévision peut freiner le développement des enfants de moins de trois ans, même lorsqu'il s'agit de chaînes qui s'adressent spécifiquement à eux ». En outre, les diffuseurs n'auront plus le droit de promouvoir les « prétendues vertus sanitaire, éducative et pédagogique des services de télévision présentés comme spécifiquement conçus pour les enfants de moins de trois ans ». Par ailleurs, toute forme de publicité pour les programmes visant cette très jeune cible sera interdite, que ce soit à l'antenne ou sur tout autre support. Enfin, une campagne tendant à sensibiliser le public sur les dangers présentés par la télévision en ce qui concerne les enfants de moins de trois ans, sera organisée par le CSA et le ministère chargé de la santé, en utilisant les supports de communication à sa disposition (sites internet, lettre du CSA, communiqués de presse, etc.).
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