M. Jean-Pierre Grand attire l'attention de Mme la ministre de la culture et de la communication sur la taxe pour copie privée. Le 11 juillet 2008, le Conseil d'État a rendu un arrêté annulant la décision n° 7 du 20 juillet 2006 de la commission prévue à l'article L. 311-5 du code de la propriété intellectuelle relative à la rémunération pour copie privée. La commission sur la copie privée devra donc revoir sa méthode de calcul. Le Conseil d'État a également rejeté les conclusions présentées par le ministre de la culture et de la communication au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Aussi, il lui demande de bien vouloir lui indiquer ses intentions sur ce sujet.
La loi du 11 mars 1957 a réservé à l'auteur d'une oeuvre protégée la faculté d'autoriser la reproduction de celle-ci ; il en va de même dans le domaine des « droits voisins » du droit d'auteur, puisque seuls les artistes interprètes, les producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes ou les entreprises de communication audiovisuelle peuvent autoriser la reproduction et la mise à disposition du public, respectivement, de leurs prestations ou de leurs productions. La loi avait toutefois introduit, dès l'origine, plusieurs exceptions au droit exclusif ainsi reconnu d'autoriser la reproduction d'une oeuvre, dont la plus importante porte sur la possibilité de réaliser des copies réservées à l'usage privé du copiste dite « exception de copie privée ». Le bien-fondé de cette exception de copie privée, dont le principe est désormais prévu par la directive 2001/29/CE, du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001 sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la - société de l'information, a récemment été réaffirmé par le Parlement à l'occasion de la loi n° 2006-961 du 1er août 2006 relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information. Toutefois le développement des technologies, notamment numériques, a bouleversé l'équilibre entre les intérêts des titulaires de droits et ceux des consommateurs. En effet, la multiplication des copies permise par les lecteurs de cassettes audio, puis par les magnétoscopes et désormais par une gamme étendue d'appareils et de supports numériques qui se sont substitués aux matériels analogiques, ont considérablement accru le manque à gagner des auteurs et des autres ayants droit. C'est la raison pour laquelle la loi n° 85-660 du 3 juillet 1985 relative aux droits d'auteur et aux droits des artistes interprètes, des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes et des entreprises de communication audiovisuelle a créé, afin de compenser la perte de recettes causée aux créateurs et aux industries culturelles par l'exception pour copie privée, une rémunération forfaitaire des titulaires de droits. Cette mesure a servi de modèle commun à toutes les législations d'Europe continentale en ce domaine. À ce jour, seuls six pays de l'Europe des 27 ne prévoient pas de rémunération des titulaires de droit au titre de l'exception de copie privée. La rémunération pour copie privée n'est donc. en aucun cas, une « imposition de toute nature » ou plus généralement une ressource publique : il résulte clairement, aussi bien des travaux préparatoires de la loi du 3 juillet 1985 que d'une jurisprudence constante du Conseil d'État, qu'elle revêt la même nature que le droit de reproduction dont elle constitue une modalité particulière d'exercice. Les bénéficiaires de la rémunération pour copie privée sont les auteurs, les artistes interprètes et les producteurs des oeuvres fixées sur phonogrammes ou vidéogrammes, ainsi que, depuis la loi n° 2001-624 du 17 juillet 2001, les auteurs et les éditeurs des oeuvres fixées sur tout autre support, au titre de leur reproduction réalisée sur un support d'enregistrement numérique - et, par exemple, sur un CD vierge. La loi précise également, à l'article L. 311-7 du code de la propriété intellectuelle, la clef de répartition entre les différentes catégories d'ayants droit. Ainsi, la rémunération pour copie privée des phonogrammes bénéficie pour moitié aux auteurs, pour un quart aux artistes interprètes et, pour un quart, aux producteurs. Celle des vidéogrammes est répartie à parts égales entre les auteurs, les artistes interprètes et les producteurs. La rémunération pour copie privée des autres oeuvres (image fixe, notamment) bénéficie à parts égales aux auteurs et aux éditeurs. Les assujettis à la rémunération pour copie privée sont les fabricants, importateurs ou personnes qui réalisent des acquisitions intracommunautaires, de « supports d'enregistrement » utilisables pour la reproduction à usage privé d'oeuvres dont les CD vierges, lors de la mise en circulation en France de ces supports. La répartition de la rémunération entre les différentes catégories d'ayants droit est opérée après prélèvement de 25 % sur la recette brute, qui est utilisé par les sociétés d'auteurs, d'artistes interprètes et de producteurs, en vertu de la loi, à des actions d'aide à la création, à la diffusion du spectacle vivant et à la formation des artistes. Cette ressource, dont le montant s'élevait en 2007 à 41 MEUR pour un montant total de la rémunération pour copie privée s'établissant à 163 MEUR, représente aujourd'hui une part capitale du financement de la création française et contribue au maintien de la diversité culturelle. La rémunération pour copie privée soutient ainsi chaque année plus de 4 000 projets artistiques de toutes natures : spectacle vivant (théâtre, musique, arts de la rue) oeuvres multimédias, courts-métrages, photographie, etc. Une commission - dite commission de la copie privée - créée par la loi, composée à parité de représentants des ayants droit, d'une part, et des consommateurs et des entreprises assujetties, d'autre part, est chargée de déterminer les types de supports concernés, le barème de la rémunération et les modalités de son versement. À la suite de tensions apparues au sein de cette commission au printemps 2008, qui se sont traduites par le refus de siéger des représentants des industriels et de certaines organisations de consommateurs le secrétaire d'Etat chargé du développement de l'économie numérique a été chargé par le Premier ministre de mener une mission de consultation et de réflexion en vue de rétablir la confiance et la qualité du dialogue entre les différentes parties prenantes. Cette mission donnera lieu, d'ici quelques semaines, à une série de propositions conjointes de la ministre de la culture et de la communication et du secrétaire d'État chargé du développement de l'économie numérique. Ces pistes de réformes, qui devront recueillir un large accord auprès des acteurs de la rémunération pour copie privée, porteront principalement sur les modalités de fonctionnement de la Commission (réalisation des études préalables aux décisions, règles de majorité, désignation des membres, etc.), mais devraient également concerner l'information des consommateurs. L'objectif poursuivi n'est en aucun cas la remise en cause, mais bien au contraire la consolidation de la rémunération pour copie privée, à travers l'amélioration des procédures de négociation prévues pour la fixation de son montant. Au plan communautaire, la Commission européenne a lancé au mois de mai 2008 une consultation destinée à faciliter la cohabitation des différents systèmes de rémunération pour copie privée au sein de l'Union européenne. Un groupe de travail, composé à parité de représentants des redevables et des ayants droit, a été créé afin d'engager un dialogue entre tous les acteurs concernés, complémentaire des échanges qui se déroulent au plan national dans les différents pays de l'Union. Les autorités françaises ont fait savoir que la lutte contre le « marché gris », c'est-à-dire l'évasion du produit de la rémunération pour copie privée à l'occasion des achats effectués par les résidents de certains pays de l'Union dans les pays où son montant est plus faible devrait constituer le chantier prioritaire du groupe de travail. En tout état de cause, ce processus n'est pas destiné à donner lieu à une initiative législative de la Commission européenne.
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