Mme Marietta Karamanli attire l'attention de Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche sur les interrogations et dangers que font courir à la recherche de notre pays les réformes actuellement mises en oeuvre. Les acteurs de la recherche et de l'enseignement font valoir que l'utilisation des seules règles du management public (fixation d'objectifs et de moyens en fonction d'une rentabilité à court terme de la recherche, alourdissement de procédures administratives de contrôle...) prive en fait nos chercheurs d'une véritable autonomie scientifique et d'une efficacité opérationnelle. Les effets en seraient, parmi d'autres, l'instrumentalisation de la recherche et la précarisation d'un grand nombre de chercheurs. Par ailleurs l'augmentation, entre 2002 et 2006, des crédits de l'État de près de 1,6 milliard d'euros en faveur de la recherche privée, y compris le crédit d'impôt recherche, n'aurait eu qu'un effet limité sur le développement de la recherche privée (+ 0,4 milliard d'euros) et donc sur la recherche en général alors même que l'écart avec les pays les plus dynamiques en l'espèce se creuse. Dans ces conditions une réorientation apparaît nécessaire. Une diminution des crédits affectés à l'agence nationale de recherche et au crédit impôt recherche, permettrait d'augmenter ceux versés aux laboratoires par le biais des établissements (universités et organismes de recherche). De plus, un financement par étudiant à l'université équivalent à celui des classes préparatoires et des écoles professionnelles et un programme de création d'emplois (chercheurs, enseignants-chercheurs, ingénieurs, techniciens, administratifs), dont le coût pourrait être de moitié celui de l'augmentation du crédit d'impôt recherche, permettraient de renforcer l'encadrement pédagogique en premier cycle, et la réussite des étudiants et d'augmenter le temps que les enseignants-chercheurs peuvent consacrer à la recherche. Elle lui demande, en conséquence, quelles sont les orientations que le Gouvernement entend privilégier au titre du budget 2009 et dans quelle mesure la contribution constructive des chercheurs à améliorer l'efficacité du dispositif sera reprise dans les prochaines propositions du Gouvernement.
Les réformes actuellement mises en oeuvre visent à donner aux établissements universitaires une véritable autonomie dans la définition et la mise en oeuvre de leur politique scientifique, que ce soit dans leur mission de formation ou dans leur mission de recherche et de valorisation de la recherche. La loi relative aux libertés et aux responsabilités des universités place désormais les établissements universitaires au coeur du dispositif national de recherche, ce qui conduit nécessairement à une refondation du partenariat entre les universités et les écoles d'ingénieurs d'une part, les universités et les organismes de recherche, au premier rang desquels le centre national de la recherche scientifique (CNRS), d'autre part. Une grande agence de moyens, l'agence nationale de la recherche (ANR), irrigue le tissu scientifique sur des projets à court terme, dans des thématiques prioritaires à fort enjeu scientifique, économique et sociétal ou pour favoriser l'émergence de nouvelles idées et de nouvelles équipes par l'intermédiaire de programmes blancs. Ces moyens sont attribués sur le seul critère de l'excellence scientifique, évaluée par les pairs comme l'imposent les normes internationales. La place prise par l'ANR dans le financement de la recherche est maintenant très appréciée par les laboratoires de recherche. Complémentairement, les organismes de recherche évolueront de la mission d'opérateur vers celle d'agence de moyens pour les établissements universitaires, sur des projets à plus long terme, à risque et pour des grands enjeux planétaires ; ils accorderont une priorité à la mise en place et à l'exploitation optimale de plates-formes d'appui scientifique et technologique et de très grandes infrastructures de recherche. Ils porteront une attention particulière à la gestion prévisionnelle des compétences scientifiques indispensables à la mise en oeuvre de la politique scientifique définie par le Gouvernement et le Parlement. La concertation des établissements universitaires et des organismes dans la gestion de leurs ressources humaines, l'amélioration de l'environnement scientifique des chercheurs et des enseignants-chercheurs, la prise en compte de l'excellence scientifique permettront un meilleur encadrement des étudiants à tous les niveaux et amélioreront l'attractivité des métiers scientifiques et celle de notre pays dans le contexte international. La rénovation du partenariat entre les établissements d'enseignement supérieur et les organismes de recherche s'attache principalement à la simplification de la vie quotidienne des chercheurs et des enseignants-chercheurs, qui pourront consacrer plus de temps à leur mission d'enseignement et de recherche. La commission d'Aubert, qui réunissait les principaux acteurs, a proposé les bases de cette simplification ; actuellement, une commission de suivi veille à la mise en oeuvre des modalités de cette simplification. Un effort particulier est fait pour améliorer le taux de réussite en licence et l'opération Campus permettra d'améliorer considérablement l'accueil des étudiants dans les universités. Ces orientations sont confirmées dans le budget 2009. Sur le plan de la recherche, il est erroné d'indiquer que les crédits affectés à l'ANR le sont au détriment des organismes. Le budget 2009 du CNRS est en augmentation de 4,4 % par rapport au budget primitif de 2008 ; les crédits des laboratoires sont maintenus et un effort particulier est fait en faveur des très grandes infrastructures de recherche. Le plan de relance permettra en outre d'accélérer le financement des très grandes infrastructures de recherche qui sont au coeur du rayonnement scientifique de la France. La faiblesse relative des dépenses de recherche et développement (R&D) de la France est largement attribuable à la faiblesse des dépenses des entreprises. Atteindre l'objectif de Barcelone dans le cadre de la stratégie de Lisbonne suppose un très fort accroissement de l'intensité en R&D privée de la France (dépense intérieure de recherche et développement des entreprises/produit intérieur brut - DIRDE/PIB, stable depuis plusieurs années à 1,3 % du PIB). Les entreprises financent 52 % de la DIRD en France, contre 65 % aux Etats-Unis, 68 % en Allemagne et 77 % au Japon. La faiblesse des dépenses de R&D privées est en partie due à la structure sectorielle de notre pays, insuffisamment orientée vers les secteurs de haute ou moyenne-haute technologie. Le crédit d'impôt recherche est une mesure d'ordre général, sans ciblage de taille ou de secteur des entreprises. En tant que mesure fiscale, il laisse aussi le choix des projets à l'entreprise. Il constitue ainsi un élément important de l'écosystème de l'innovation en assurant un environnement où le coût de la R&D est abaissé. La réforme simplifie et renforce le crédit d'impôt recherche (CIR), tout en assurant une plus grande sécurité juridique aux entreprises. Il vise à les inciter à faire plus de R&D, voire pour certaines à se lancer dans des projets de recherche. Il vise aussi, ce qui est nouveau, à renforcer l'attractivité de la France pour les activités de R&D, à la fois pour les grandes entreprises françaises et pour les entreprises étrangères. Enfin, la réforme renforce les incitations à sous-traiter de la R&D aux laboratoires publics et à embaucher de jeunes docteurs. Au total, la réforme du crédit d'impôt recherche est donc conçue comme un élément d'amélioration de l'écosystème de l'innovation français, au sein duquel la recherche publique et la recherche privée doivent intensifier et améliorer leurs interactions. Le plan de relance annoncé par le Président de la République démultiplie l'impact du CIR puisque la totalité des créances du CIR sera apurée en une année.
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