M. Dino Cinieri appelle l'attention de M. le ministre des affaires étrangères et européennes sur la situation géopolitique qui semble de plus en plus préoccupante au Moyen-Orient, notamment entre l'Iran et Israël dont certains dirigeants se livrent actuellement à une surenchère verbale inquiétante. Il lui demande dès lors de bien vouloir lui préciser sous quelle forme notre diplomatie compte intervenir et peser dans ce débat dont l'issue ne peut être que fatale.
La situation au Proche-Orient est effectivement préoccupante. Des évolutions positives doivent certes être notées : redressement de l'Irak, normalisation des relations entre la Syrie et le Liban, déblocage des institutions libanaises. Nous y avons d'ailleurs fortement contribué. Mais les tensions restent fortes autour de deux pôles : le conflit israélo-arabe et les ambitions iraniennes, notamment nucléaires. Notre diplomatie est active sur les deux fronts. Nous travaillons activement à la paix au Proche-Orient. La France s'est pleinement mobilisée pour mettre un terme à l'escalade de la violence dans la bande de Gaza et dans le sud d'Israël. Elle a, dès le 27 décembre, condamné les tirs de roquettes ainsi que l'usage disproportionné de la force par Israël. Les ministres des affaires étrangères des États membres ainsi que le haut représentant pour la PESC et la Commission européenne, réunis dès le 30 décembre à l'initiative du ministre des affaires étrangères et européennes, au titre de la présidence française de l'Union européenne, ont demandé l'arrêt immédiat des violences. La situation humanitaire à Gaza et le sort des populations civiles ont constitué une priorité de la diplomatie française. La France s'est mobilisée, dès les premières phases du conflit, pour apporter un soutien humanitaire immédiat aux populations de Gaza. Par ailleurs, le Président de la République s'est rendu au Proche-Orient les 5 et 6 janvier pour rechercher les voies de la paix. Parallèlement, les négociations menées au Conseil de sécurité des Nations unies, dont la France a assuré la présidence en janvier, ont permis l'adoption le 8 janvier de la résolution 1860 appelant à un cessez-le-feu immédiat menant au retrait complet des troupes israéliennes. Les entretiens successifs du Président de la République avec différents chefs d'État de la région ont permis d'aboutir, le 6 janvier, à une initiative de paix franco-égyptienne et de lancer une dynamique qui a contribué à l'obtention d'un cessez-le-feu le 17 janvier. Il est maintenant nécessaire de consolider la trêve. C'est pourquoi nous nous attachons à la réouverture des points de passage, la lutte contre la contrebande d'armes, la reconstruction de Gaza et la réconciliation palestinienne. Le premier axe indispensable pour assurer une consolidation de la trêve est l'ouverture permanente des points de passages afin de garantir le libre accès de l'aide humanitaire et de permettre la reconstruction de Gaza. L'Union européenne et la France sont disposées à la réactivation de la mission européenne à Rafah (EUBAM) pour contribuer à son ouverture permanente et, au besoin, à son extension aux autres points de passage entre Gaza et Israël si la sécurité est assurée. La France et l'Union européenne sont également disposées à contribuer à la lutte contre la contrebande d'armes à destination de Gaza afin d'empêcher le réarmement des groupes armés. Les moyens techniques, diplomatiques et militaires notamment navals, qui pourront être utilisés sont actuellement à l'étude. La conférence de reconstruction à Charm al Cheikh en Égypte, le 2 mars a été, à la demande du président Moubarak, inaugurée par le Président de la République. Cette conférence destinée à identifier les besoins urgents à Gaza et mobiliser l'ensemble des pays donateurs aux côtés de l'Autorité palestinienne a permis de réunir 75 délégations et a enregistré 4,5 milliards de dollars de promesses de dons. Parallèlement, la France soutient les efforts de médiation égyptiens en faveur d'une réconciliation interpalestinienne qui passe, notamment, par la constitution d'un gouvernement d'entente nationale. Nécessaire car il n'y a pas d'autre voie pour restaurer la nécessaire unité du peuple palestinien. Il n'y aura pas d'accord de paix avec une partie seulement du peuple palestinien, ni d'État palestinien viable sans Gaza. Enfin, aux yeux de la France, une sortie durable de la crise passe par la relance et l'aboutissement rapide du processus de paix. Il n'y a pas d'alternative à la reprise des négociations en vue de la création d'un État palestinien viable, moderne, indépendant et démocratique, vivant en paix aux côtés d'Israël dans des frontières sûres et reconnues. La France soutient le projet d'un sommet pour la relance du processus de paix en Europe dès le printemps afin d'encourager les parties à fixer un calendrier aboutissant, avant la fin de l'année à la création d'un État palestinien. L'Iran est, comme le sait l'honorable parlementaire, l'une des priorités de la diplomatie française. Le programme nucléaire iranien, en contravention avec les résolutions de l'ONU et de l'AIEA, pèse lourdement sur l'avenir du Moyen-Orient et constitue un facteur grave d'inquiétude en Israël, compte tenu notamment des déclarations inacceptables du Président iranien, mais aussi dans tous les pays de la région. Notre position se veut responsable et ferme - la sécurité régionale et mondiale est en jeu - et résolument déterminée à trouver par le dialogue une issue positive, respectueuse des exigences de la communauté internationale comme des besoins énergétiques civils légitimes de l'Iran. C'est pourquoi la France, avec ses partenaires des « E3+3 » (Allemagne, Grande-Bretagne, Russie, Chine, États-Unis), compte tout faire pour permettre à la communauté internationale de ne pas être confrontée à l'alternative que le Président de la République a qualifiée de « catastrophique » : la bombe iranienne ou le bombardement de l'Iran. Notre approche, élaborée pour amener l'Iran à suspendre ses activités nucléaires sensibles - en particulier, un programme d'enrichissement de l'uranium sans vocation civile identifiable -, vise une solution négociée dans un cadre multilatéral et s'articule, depuis 2003, en deux volets : d'une part, un dialogue, assorti de perspectives de coopération très ambitieuses, notamment en matière de nucléaire civil, en échange de la suspension de ses activités illicites par l'Iran ; d'autre part, si l'Iran s'y refuse, l'adoption de sanctions croissantes, placées sous article 41 de la Charte, qui exclut le recours à la force. Les « E3+3 » ont multiplié les tentatives pour dialoguer avec l'Iran et le convaincre de négocier. Après l'adoption de la résolution 1803, ils ont indiqué qu'ils étaient prêts à développer l'offre faite à l'Iran en vue de la rendre plus concrète et précise. Le 2 mai 2008, les ministres des affaires étrangères des « E3+3 » se sont mis d'accord sur une offre « révisée », développant et précisant les domaines de coopération prévus dans l'offre remise en juin 2006. Le 14 juin 2008, M. Solana a présenté cette offre aux autorités iraniennes, à Téhéran, et a également proposé que l'ouverture de négociations et la suspension soient préparées par six semaines de discussions, au cours desquelles les Iraniens n'étendraient pas leur programme nucléaire et les « E3+3 » n'adopteraient pas de nouvelles sanctions (« freeze for freeze »). Parallèlement, l'AIEA tente de faire la lumière sur de nombreux indices en sa possession, qui pourraient révéler l'existence d'un programme iranien portant sur la conception et la fabrication des armes nucléaires. Dans ses rapports l'agence a répété que ces éléments constituaient un motif de « grave préoccupation » et a donné une liste précise de ces activités suspectes. Dans ces conditions, le Conseil de sécurité a adopté à l'unanimité, le 27 septembre 2008, la résolution 1835, qui réaffirme la double approche. Cette approche a d'ores et déjà produit des résultats probants. Elle alimente, à Téhéran, un débat au sein du régime sur l'opportunité de poursuivre dans la voie actuelle, qui renforce l'isolement politique de l'Iran dans la communauté internationale et aggrave la dégradation de la situation économique nationale, dans un contexte marqué par la crise financière internationale et la chute du prix du pétrole.
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