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Pierre Gosnat
Question N° 25934 au Ministère des Affaires étrangères


Question soumise le 24 juin 2008

M. Pierre Gosnat alerte M. le ministre des affaires étrangères et européennes sur la situation particulièrement préoccupante du Maghreb. Il exprime sa grande inquiétude suite à la répression brutale des autorités tunisiennes contre des révoltes populaires qui secouent Gafsa et sa région depuis plusieurs mois. Le bilan de cette répression, 1 jeune tué par la police et de nombreux blessés, suscite une grande indignation. Cette révolte a été provoquée par de graves problèmes sociaux dans ce bassin minier marqué par un chômage à 30 %, par une mobilisation populaire très forte et qui s'élargit contre la vie chère et les difficultés sociales. Au Maroc, à Sidi Ifni, des évènements dramatiques semblables se sont produits, et une violente répression s'est abattue sur les manifestants, notamment des jeunes chômeurs, pourchassés par les forces de l'ordre. En Algérie, des scènes d'émeute se sont multipliées ces derniers mois et tout dernièrement à Oran mettant aux prises des forces de sécurité mobilisées massivement contre des jeunes issus des quartiers populaires. Partout, des émeutes et des grèves éclatent alors que le renchérissement des produits de base accentue encore des difficultés sociales issues des problèmes permanents de l'emploi, des revenus du logement... Ces révoltes naissent aussi du rejet de la corruption et de l'autoritarisme, du sentiment profond d'injustice alors que les recettes pétrolières algériennes, par exemple, atteignent des records. Cette situation qui touche l'ensemble du Maghreb témoigne de la crise profonde qui touche ces pays de plein fouet mais dans des contextes politiques différents. Le Maghreb, à sa façon, est ainsi touché par des révoltes populaires qu'on a appelées en Afrique émeutes de la faim. Une telle évolution rappelle l'urgence de changements décisifs dans les relations internationales, dans les politiques des organisations internationales comme l' OMC, le FMI, la Banque mondiale afin qu'une véritable contribution soit apportée aux attentes sociales et aux exigences du développement dans toutes ses dimensions. La France va présider l’Union européenne à partir du 1er juillet avec un sommet le 13 pour lancer l’Union pour la Méditerranée. Un bilan sérieux de l'échec du partenariat euro méditerranéen doit être effectué. Les révoltes populaires de Tunisie, du Maroc, d'Algérie imposent pour la France et pour l'Europe de sérieux changements dans les choix politiques, dans la conception même de la coopération et dans le mode de développement.

Réponse émise le 25 novembre 2008

La situation sociale dans les pays du Maghreb fait l'objet d'un suivi attentif des autorités françaises, par le biais du réseau diplomatique et consulaire français implanté en Algérie, au Maroc et en Tunisie, mais aussi des services concernés au ministère des affaires étrangères et européennes. S'agissant des événements survenus à Sidi Ifni, au Maroc un rappel des faits s'impose, compte tenu des affirmations de certains médias sur la perte de vies humaines, affirmations qui se sont ensuite révélées inexactes. Le port de Sidi Ifni, important port de pêche marocain, se trouvait bloqué depuis le 30 mai 2008. Les autorités marocaines avaient tout d'abord essayé de trouver une issue à la crise à travers des négociations menées par le wali de la région. Face à l'échec des pourparlers et compte tenu des répercussions négatives du blocus sur l'économie de la région tout entière, les autorités marocaines avaient décidé de faire usage de la force le 7 juin pour mettre fin au blocus. D'après les informations recueillies, l'affrontement violent entre les membres des forces de l'ordre et les manifestants s'est soldé par de nombreux blessés des deux côtés. Une commission d'enquête parlementaire a été instituée au Maroc le 18 juin 2008 afin de faire la lumière sur ces incidents. Cette commission a commencé ses travaux dès le 23 juin avec notamment l'audition de plusieurs ministres dont celui de l'Intérieur ainsi que le gouverneur de Tiznit et le wali de la région. Les résultats des travaux de cette commission figureront dans un rapport qui devrait être rendu dans les prochaines semaines. Suite aux troubles sociaux qui ont affecté le bassin minier de Gafsa, en Tunisie, au premier semestre 2008, les autorités, après les incidents violents qui ont entraîné un mort et une vingtaine de blessés, ont réprimé les fauteurs de troubles par des arrestations et l'envoi de la troupe. Le préfet, la municipalité de Gafsa et le président-directeur général de la compagnie des phosphates ont été démis de leurs fonctions. Dans un second temps, le pouvoir a mis l'accent sur une politique volontariste de développement des régions défavorisées de Gafsa et de Kasserine : des mesures dans les domaines de l'agriculture, de l'industrie, du tourisme et de l'emploi ont ainsi été annoncées, ainsi que l'amélioration des infrastructures (électricité, gaz, eau). Des irrégularités ont été reconnues dans le concours de recrutement de la compagnie des phosphates de Gafsa, dont les résultats avaient été le déclencheur des troubles. Enfin, pour ce qui concerne l'Algérie, la ville d'Oran a connu plusieurs jours de violences qui ont embrasé les quartiers populaires de la ville et se sont traduites par des affrontements très durs avec les forces de police. Des magasins ont été pillés, des agences bancaires saccagées et dévalisées, des barrages de pneus en flammes érigés, des édifices publics endommagés, des salles de cinéma vandalisées, des panneaux publicitaires et des cabines téléphoniques ainsi que de nombreux feux tricolores détruits, etc. Les premiers bilans font apparaître 70 policiers blessés et plus de 150 émeutiers arrêtés. La ville a été quadrillée par des forces importantes de maintien de l'ordre très équipées (canons à eau, engins spéciaux pour casser les barricades, etc.). Le déclencheur de ces émeutes a été la contre-performance de l'équipe de football de la ville. Mais, plus profondément, ces événements traduisent sans doute un mal de vivre, en particulier dans la jeunesse, amplifié par le chômage. Face à ces situations sociales difficiles, la France mène une politique résolue en faveur du développement économique et social du Maghreb, tant au niveau national qu'en coopération avec ses partenaires internationaux. Notre pays est, de loin, le premier bailleur bilatéral d'aide au développement dans les trois pays du Maghreb central. Le Maroc est le premier pays aidé par la France dans le monde, avec une moyenne de 188 MEUR par an depuis 1999 (plus de 30 % de l'aide totale, reçue par le pays). En y incluant les financements qui transitent par les organisations internationales, notre aide globale avoisine 215 MEUR en moyenne annuelle. Premier bailleur de fonds bilatéral, la France est aussi le premier partenaire commercial, le premier investisseur étranger et premier créancier public du Maroc. La Tunisie bénéficie en 2008 d'une enveloppe de crédits de coopération de près de 9 ME à laquelle s'ajoute 1,15 ME du Fonds de solidarité prioritaire. À la fin de l'année 2007, les engagements nets cumulés du groupe Agence française de développement (AFD), quinze ans après le début de son action en Tunisie, s'élevaient à 1 184 ME. Les engagements prévisionnels de l'AFD s'élèvent à 104 ME pour 2008, en nette augmentation par rapport à 2007 (92 ME). L'appui français se concentre sur des secteurs clés, notamment la formation professionnelle et l'adaptation des structures économiques. En Algérie, le gouvernement français se tient aux côtés des autorités dans leurs efforts de modernisation de l'appareil économique. Ce partenariat entre nos deux pays s'est en particulier traduit par la signature, le 11 décembre 2006, d'un mémorandum précisant les axes prioritaires de coopération dans le domaine économique et financier : l'appui à la réforme des administrations économiques et financières de l'État algérien et le soutien à la stratégie de croissance du gouvernement algérien à travers la promotion des investissements et des échanges. Le développement de notre coopération bilatérale répond aux objectifs fixés par le Président de la République et son homologue algérien, en décembre dernier. À l'occasion de la visite d'État du président Sarkozy en Algérie, a été signée une Convention de partenariat qui fixe les grands axes de notre coopération pour les dix prochaines années. Parmi eux, l'éducation et la formation ont été identifiées comme des sujets prioritaires. Cette action en matière d'aide au développement s'accompagne d'initiatives au niveau régional. Ainsi, le Sommet de Paris pour la Méditerranée, qui s'est tenu le 13 juillet 2008, a permis la création de l'Union pour la Méditerranée. En se concentrant sur la réalisation de projets concrets, celle-ci doit permettre de répondre aux attentes des populations du bassin méditerranéen, afin de donner une nouvelle dynamique au partenariat euro-méditerranéen, compte tenu du bilan en demi-teinte du processus de Barcelone. Les autorités françaises sont particulièrement mobilisées pour répondre aux difficultés créées par la hausse des prix des matières premières alimentaires : après l'annonce faite le 8 avril 2008 par le ministre des affaires étrangères et européennes, une task force interministérielle sur la sécurité alimentaire a été créée : le groupe interministériel sur la sécurité alimentaire (GISA) rassemble les différentes institutions françaises concernées (ministère des affaires étrangères et européennes, ministère de l'agriculture et de la pêche, ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, agence française de développement et centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement). Le GISA a pour objectif de proposer une série de mesures afin de répondre à la dégradation, en dépit des engagements pris lors du sommet du millénaire, de la situation alimentaire des pays pauvres, et à ses conséquences politiques, économiques et sociales.

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