M. François Lamy attire l'attention de Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales sur la création du nouveau passeport biométrique. Malgré l'avis défavorable de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), le Gouvernement, par un décret publié le 4 mai, a décidé de passer outre et a imposé que le passeport contienne les empreintes digitales de huit doigts (et non de deux comme le préconise la réglementation européenne) et que l'ensemble des données soient conservées en base centrale. La CNIL souligne que le dispositif comporte « des risques d'atteintes graves à la vie privée et aux libertés individuelles », et qu'il « ne peut être admis que dans la mesure où des exigences en matière de sécurité ou d'ordre public le justifient ». Et alors que la CNIL estimait que « l'ampleur de la réforme justifiaient que le Parlement en soit saisi », le Gouvernement a préféré légiférer par décret. Décret qui, contrairement aux dispositions de la loi informatique et libertés de 1978 (révisée en 2004), n'a pas été publié conjointement à l'avis de la CNIL. C'est pourquoi il s'étonne de la méthode employée par le Gouvernement et il lui demande les raisons qui ont poussé le Gouvernement à s'affranchir des recommandations de la CNIL.
Le règlement (CE) n° 2252/2004 du 13 décembre 2004 du Conseil européen fait obligation à la France, comme à tous les pays membres de l'Union européenne, de délivrer au plus tard le 28 juin 2009 une nouvelle génération de passeports, comportant, dans un composant électronique, des données biométriques. Aux fins d'appliquer ces exigences, le décret n° 2008-426 du 30 avril 2008 a été pris en Conseil d'État, après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. Ce texte prévoit également la création d'un système de traitement automatisé des passeports intégrant l'image numérisée du visage du titulaire du titre et ses empreintes digitales. La disponibilité de ces données permettra de mieux protéger l'identité des titulaires de passeport en améliorant leur identification et de répondre ainsi à l'une des finalités du système de traitement : la lutte contre la fraude documentaire. Le dispositif est assorti de garanties rigoureuses de contrôle en matière d'accès et d'utilisation, notamment par l'authentification forte des accès et par la traçabilité des actions. Il convient de rappeler que, selon la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, la création de traitements automatisés de données personnelles relève du pouvoir réglementaire. Par ailleurs, il importe de souligner que le règlement n° 2252/2004 du 13 décembre 2004 ne régit pas la procédure de délivrance des passeports mais uniquement les éléments techniques de sécurité et les éléments biométriques qui y sont intégrés, tels que le composant électronique et son contenu. Cette limitation volontaire du champ du règlement est une application du principe européen de subsidiarité (art. 5 du traité sur l'Union européenne). Les modalités de la saisie des données biométriques relèvent ainsi de la souveraineté des États. Le choix en France de recueillir huit empreintes répond à des impératifs techniques (avoir les empreintes qui présentent la meilleure qualité possible ; pallier les impossibilités de prise d'empreintes suite à un accident, etc.). Le nombre de deux empreintes est donc insuffisant, en considération notamment de la durée de la validité du passeport (dix ans pour un majeur) et de la nécessité de préserver, au moment du renouvellement, les meilleures possibilités d'identification compte tenu des altérations physiques que le demandeur aurait pu connaître entre-temps. Conserver l'image de huit empreintes a aussi pour objectif de faciliter la prévention et la détection de la fraude, en particulier les manoeuvres consistant à abimer des doigts entre une première demande et un renouvellement. Le Parlement sera saisi dans les prochains mois de l'institution d'un système de traitement des titres électroniques sécurisés portant sur la carte nationale d'identité électronique et sur le passeport. La représentation nationale pourra débattre, à cette occasion, du recours aux techniques biométriques en matière de protection de l'identité.
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