M. Jean-Paul Lecoq interroge M. le ministre des affaires étrangères et européennes sur le fait que depuis quelques années, divers médias se font le relais d'inquiétudes croissantes à l'égard de ce que l'on désigne pudiquement les « sociétés militaires privées », issues d'un processus de légalisation du mercenariat. Le cas de l'Irak notamment, mais pas seulement, témoigne d'abus d'autant plus dramatiques que leurs auteurs échappent en partie aux chaînes de responsabilités dans lesquelles les armées officielles sont insérées. Dans un contexte d'occupation, elles conduisent en pratique à contourner le droit international de la guerre et les dispositions des conventions de Genève auxquels les États sont soumis, abandonnant un peu plus les populations à la violence et l'arbitraire. Tout cela montre que, sous couvert de restrictions budgétaires ou d'efficacité, ces « partenariats public-privé » d'un genre particulier conduisent à mettre en cause un élément essentiel de la modernité politique : le monopole étatique de la violence physique légitime. À l'heure où les gouvernements occidentaux sont pourtant prompts à criminaliser toute contestation populaire et à qualifier de « terrorisme » les résistances pourtant légitimes de nombreux peuples menacés dans leur intégrité ou leur liberté, la privatisation de la violence qu'ils mettent parallèlement en place constitue une véritable et dramatique régression éthique et politique et une politique de sape du cadre multilatéral onusien. Pire encore, au sein de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) on essaie de donner à ce nouveau type de mercenariat international, un statut juridique en les qualifiant comme des entreprises commerciales multinationales. En France, une loi de 2003 sur le mercenariat (la loi dite Pelchat), interdit les sociétés militaires privées. Les déclarations émanant du Gouvernement français, associant restrictions budgétaires des armées, réforme des politiques publiques et volonté d'interventionnisme croissant dans le monde (cas de l'Afghanistan), associées à l'admiration déclarée du Président de la République pour les pays où ces pratiques sont monnaies courantes, font néanmoins craindre une évolution négative de cette position.
La France est particulièrement vigilante sur la question des « sociétés militaires privées » et sa position sur ce dossier ne s'est pas infléchie. À titre d'illustration, la France continue de privilégier le recours aux moyens de la marine nationale pour lutter contre les actes de piraterie maritime au large des côtes de la Somalie. Elle est à l'origine du lancement par l'Union européenne (UE), le 8 décembre 2008, de la première opération navale de son histoire destinée à protéger les bateaux du Programme alimentaire mondial de l'ONU et plus généralement à lutter contre la piraterie maritime. Le 16 décembre 2008, le Conseil de sécurité de l'ONU a considérablement renforcé la possibilité, pour des puissances étrangères, de poursuivre les pirates en territoire somalien. Il convient de rappeler qu'en France les missions relevant du pouvoir régalien ne peuvent être déléguées et doivent être assurées par l'État, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. La France dispose au plan national de règles juridiques étoffées qui permettent de limiter et de contrôler l'activité des sociétés militaires privées. Ainsi, la loi n° 2003-340 du 14 avril 2003 réprime le mercenariat. Cette activité est définie et punie par le code pénal, d'autant plus efficacement que les juridictions pénales françaises sont compétentes aussi bien pour les crimes et délits commis sur le territoire français, que pour les crimes et délits commis par un Français à l'étranger ou lorsque la victime est un ressortissant français. Le droit des sociétés et le droit du travail imposent quant à eux que l'objet social d'une société soit licite, que ses activités ne contreviennent pas à l'ordre public et respectent les réglementations concernant la protection des biens et des personnes. Ainsi, la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 qui réglemente les activités privées de sécurité a été complétée par la loi n° 2003-239 sur la sécurité intérieure du 18 mars 2003 et la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance. Les législations françaises de contrôle des exportations d'armement et de respect des embargos permettent également d'encadrer l'activité éventuelle des sociétés militaires privée, en particulier à travers l'examen des contrats de fourniture à des États étrangers, avec une vigilance très stricte sur le respect des embargos des Nations unies et de l'Union européenne. Au plan juridique international, la France a ratifié les conventions de Genève de 1949 et leurs protocoles additionnels de 1977. Le projet de loi portant adaptation du droit pénal français à l'institution de la Cour pénale internationale transpose en droit interne les incriminations de crimes de guerre, de crimes contre l'humanité et de crimes de génocide. La responsabilité pénale individuelle des membres des sociétés militaires privées qui auraient violé le droit international humanitaire pourrait donc être engagée devant les juridictions françaises. La responsabilité des sociétés militaires privées pourrait, elle aussi, être engagée au même titre que toute autre entreprise en vertu du droit français, la législation française allant d'ailleurs au-delà des prescriptions du statut de la Cour pénale internationale. Ces sociétés pourraient ainsi être reconnues civilement responsables des faits commis en leur nom par leur employé et leur dissolution pourrait être prononcée en cas de violation du droit applicable. Enfin, au niveau international, la France a soutenu l'initiative du gouvernement suisse et du Comité international de la Croix rouge sur les entreprises militaires privées. À la mi-septembre 2008, dix-sept États, dont la France et les États-Unis, ont signé la Déclaration de Montreux, qui reprend le droit existant tel qu'il s'applique aujourd'hui aux activités des sociétés militaires privées, et recommande aux États des « bonnes pratiques » concernant les activités des sociétés militaires privées en zones de conflits. Cette déclaration propose un document de base pour le développement de futures réglementations nationales et rappelle que ces sociétés sont tenues de respecter le droit international humanitaire et le droit international des droits de l'homme. La déclaration précise également que les États doivent s'assurer que les sociétés militaires privées avec lesquelles ils contractent respectent les règles du droit international humanitaire et du droit international des droits de l'homme et qu'il leur appartient d'adopter les mesures nécessaires afin de prévenir ou de punir toute violation. Les États signataires s'engagent aussi à prendre les mesures nécessaires afin que les employés de ces compagnies connaissent les règles du droit international applicables lors de conflits armés. La diplomatie française restera pleinement mobilisée sur ce sujet dont elle mesure pleinement l'importance et la sensibilité.
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