M. Philippe Tourtelier * attire l'attention de M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité sur des dispositions inscrites dans les codes de la santé publique et du travail concernant la radioprotection. Progressivement, depuis 2003, différentes obligations incombent notamment aux chirurgiens-dentistes. Ceux ci sont concernés, comme d'autres professionnels de santé (radiologues, etc.), par la protection sanitaire des personnes (population, travailleurs) contre les dangers des rayonnements ionisants lors d'exposition à des fins médicales, contraintes issues de directives européennes des années 1996 et 1997. Sans remettre en cause le bien-fondé d'une démarche de protection des patients et des travailleurs contre les effets potentiellement néfastes des rayonnements ionisants, un grand nombre de chirurgiens-dentistes conteste ces obligations en faisant valoir leur caractère disproportionné par rapport au risque spécifique encouru au sein des cabinets dentaires. Ces réglementations seraient trop lourdes et trop nombreuses. Une disproportion réglementaire serait particulièrement flagrante. Il s'agit de l'article R. 231-106 du code du travail, qui précise : « Dès lors que la présence, la manipulation (...) d'un générateur électrique de rayonnements ionisants entraîne un risque d'exposition pour les salariés de l'établissement ainsi que pour les salariés des entreprises extérieures ou les travailleurs non salariés y intervenant, le chef d'établissement désigne, après avis du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou, à défaut, des délégués du personnel, au moins une personne compétente en radioprotection (PCR). » Cette disposition s'applique à l'ensemble des établissements de santé faisant du radiodiagnostic médical et dentaire. Or les professionnels en chirurgie dentaire considèrent d'abord que les seules personnes qui pourraient être soumis à un risque d'exposition au sein d'un cabinet dentaire sont les praticiens eux-mêmes, et pour des seuils négligeables, en tout état de cause inférieurs au classement dans la catégorie « personnel exposé ». Il serait par ailleurs établi « qu'un cliché rétro-alvéolaire, examen dentaire le plus courant, équivaut en termes de dose, à environ 2 heures d'irradiation naturelle ». L'ordre de grandeur de l'exposition d'une rétro-alvéolaire serait, a fortiori, très inférieur à une radio des poumons. Les chirurgiens-dentistes rappellent que leurs assistants dentaires ne sont pas habilités à réaliser des examens radiographiques, et ne sont pas présents dans la salle de soins lors de leur réalisation, et à ce titre et sauf exception, ne sont pas classés « personnel exposé ». Les praticiens, pour ceux qui restent dans la salle de soins lors de l'examen, doivent porter un dosimètre individuel qui permet de vérifier la dose reçue. Cette surveillance individuelle, réalisée à l'échelon national, mettrait en évidence une exposition qui permettrait, stricto sensu, et ce dans la totalité des cas, de ne pas les classer en tant que « personnel exposé ». De surcroit, les cabinets dentaires sont déjà soumis à un contrôle périodique des installations par un organisme agréé, à la tenue d'un registre de maintenance, etc. Une visite sur site fréquente d'un PCR, obligatoire selon l'article R. 231-106, n'aurait selon eux aucun intérêt. De tous les pays européens, affirment-ils, la France est celui qui pousse aussi loin la réglementation, au delà du raisonnable. Pour ces raisons les chirurgiens-dentistes souhaitent que des mesures plus simples et plus adaptées aux risques avérés à leur profession soient mises en oeuvre. Compte-tenu de ces arguments, sans négliger les préoccupations de santé publique, l'intérêt des patients et des personnels, il lui demande de clarifier la situation. Une nécessaire concertation avec les intéressés et une large diffusion de l'information lui paraissent urgentes.
L'attention du Gouvernement a été appelée sur les difficultés que rencontrent les chirurgiens-dentistes pour mettre en oeuvre certaines des règles de protection des travailleurs contre les dangers des rayonnements ionisants et demandent les mesures envisagées pour adapter ces règles aux contraintes de leur profession. Quelle que soit sa nature ou son importance, le risque « radiologique » est un sujet de préoccupation en matière de santé au travail et le Gouvernement y est particulièrement attentif. Ainsi, le code du travail prévoit un ensemble de mesures particulières de protection des travailleurs, adaptées au risque concerné, notamment en ce qui concerne le contrôle des sources de rayonnements ionisants, le suivi médical et le suivi radiologique. Ces mesures s'appliquent dès lors que des travailleurs sont susceptibles d'être exposés à un risque dû aux rayonnements ionisants résultant d'activités soumises au régime d'autorisation ou de déclaration en application de l'article L. 1333-4 du code de la santé publique. Harmonisées et modernisées par le décret n° 2003-296 du 31 mars 2003, qui a transposé la directive Euratom 96/29, ces mesures de prévention, reprises en partie de décrets de 1975 et de 1986, sont désormais applicables à tous les travailleurs, salariés ou non, quel que soit le secteur d'activité, qu'il s'agisse de sources radioactives ou de générateurs électriques de rayons X. Dans ce cadre, la personne compétente en radioprotection (PCR), désignée conformément aux dispositions de l'article R. 231-106 du code du travail, qui est chargée, sous la responsabilité du chef d'établissement, de mettre en oeuvre les règles de protection des travailleurs contre les dangers des rayonnements ionisants, joue un rôle incontournable. Ses missions l'érigent en conseiller auprès du chef d'établissement chargé de l'assister dans l'organisation de la radioprotection dans la prévention du risque radiologique. Plus largement, l'objectif de son intervention est de tout mettre en oeuvre pour réduire au minimum le risque d'exposition des travailleurs dans le respect des principes généraux de radioprotection d'optimisation et de limitation définis par l'article L. 1333-1 du code de la santé publique. Pour garantir un niveau de compétence en adéquation avec ses nouvelles missions, la formation de la PCR devait être précisée : l'arrêté du 29 décembre 2003 relatif aux modalités de formation de la personne compétente en radioprotection et de la certification du formateur, pris en application de l'article R. 231-106 du code du travail, a défini de nouvelles modalités de formation communes à tous les secteurs d'activité professionnelle : une formation de dix jours était prévue. Pour assurer la transition vers ce nouveau dispositif, l'article 8 de cet arrêté prévoyait que les personnes ayant acquis la qualité de personne compétente en radioprotection au titre du décret de 1986 étaient réputées répondre aux dispositions de l'article R. 231-106 du code du travail jusqu'au 31 décembre 2007. Il concernait notamment des chirurgiens-dentistes exerçant avant le 31 mars 2003 et employant au moins un salarié susceptible d'être exposé aux rayonnements ionisants. Cette organisation ne répondant pas pleinement aux attentes de certaines PCR qui aspiraient à une formation plus concise et ciblée, le ministère chargé du travail a, par arrêté du 26 octobre 2005, profondément modifié ces dispositions en distinguant la formation selon trois secteurs d'activités. Désormais, la formation est adaptée aux secteurs d'activité, les connaissances initiales des candidats sont prises en compte et la durée de la formation est exprimée en heures et non plus en jours. Ainsi, les chirurgiens-dentistes peuvent suivre une formation de PCR dont la durée initiale de quarante-deux heures peut être réduite de dix heures, compte tenu des connaissances dont ils disposent en matière de rayonnements ionisants et de leurs effets biologiques sur l'homme. De même, il est prévu tous les cinq ans, sur une durée de douze heures, le renouvellement de la formation, nécessaire à l'actualisation des connaissances. Ces aménagements ont été décidés à la suite d'une concertation approfondie avec les professionnels concernés. Par ailleurs, un projet de décret, en cours de signature, prévoit que le chef d'établissement peut désigner une personne compétente en radioprotection externe à l'établissement qui exerce ses fonctions dans les conditions fixées, compte tenu de la nature de l'activité et de l'ampleur du risque, par une décision de l'autorité de sûreté nucléaire (ASN) homologuée par les ministres chargés du travail et de l'agriculture. Ce projet prévoit également, dans un souci d'ajustement des mesures de prévention aux risques, que les modalités techniques et la périodicité des contrôles de radioprotection sont fixées par une décision de l'ASN. L'ASN a constitué, en liaison avec les services du ministère du travail, des relations sociales et de la solidarité et du ministère de la santé un groupe de travail avec les professionnels de santé concernés, chargé notamment de faire des propositions dans le cadre de l'élaboration des décisions de l'ASN citées précédemment. Les projets de décisions seront ensuite soumis à l'avis du Conseil supérieur de la prévention des risques professionnels (CSPRP) et de la Commission nationale d'hygiène et de sécurité au travail en agriculture (CNHSTA), instances consultatives des partenaires sociaux. Ces nouveaux aménagements réglementaires devraient permettre de mieux prendre en compte les spécificités de la profession des chirurgiens-dentistes et lever ainsi leurs inquiétudes. Ces professionnels de santé doivent en effet s'inscrire dans une démarche de prévention des risques liés à l'exposition aux rayonnements ionisants, au même titre que les autres travailleurs exposés à ce risque qui reste potentiellement grave pour la santé.
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