M. Patrick Braouezec alerte M. le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire sur les tests osseux pratiqués sur les migrants mineurs en zone d'attente. Les services de la police aux frontières demandent, lorsqu'ils ont un doute sur la minorité d'un étranger maintenu compte tenu de son aspect physique, une expertise médicale. Les services médico-judiciaires procèdent alors à des examens cliniques plus ou moins approfondis qui comportent en général un examen physique (prise de mensuration, relevé de l'évolution de la puberté, du développement de la dentition) et des radiographies du poignet, du coude ou de la hanche. Ces examens sont, de l'aveu même du corps médical, « mauvais scientifiquement » et peuvent en tout état de cause seulement fournir une estimation très approximative de l'âge physiologique d'une personne. À titre d'exemple, il est établi que les tables de références de maturation osseuse utilisées donnent une évaluation de l'âge d'une personne, pour la tranche comprise entre 15 et 18 ans, avec une marge d'erreur de plus ou moins dix-huit mois. C'est pourtant sur la base de ces examens médicaux que, certaines années, jusqu'à 60 % des personnes maintenues en zone d'attente se déclarant mineures ont été considérées par les services de la PAF comme étant majeures. Dans son avis n° 88 sur les méthodes de détermination de l'âge à des fins juridiques daté du 23 juin 2005, le comité national d'éthique reconnaît que « ces examens médicaux sont actuellement pratiqués en l'absence de consentement de la personne elle-même ou d'un tuteur ou d'une personne de référence ». Pourtant dès 1997, une résolution du Conseil de l'Union européenne du 26 juin prévoyait que l'examen médical destiné à estimer l'âge d'un mineur isolé devait être effectué « avec l'accord du mineur, d'un organisme ou d'un représentant adulte désigné spécialement ». Pour sa part, le HCR considère, à propos des mineurs isolés demandeur d'asile, que « les examens cliniques ne doivent jamais être effectués de force ». L'analyse des développements staturo-pondéral et pubertaire, de la formule dentaire et de la radiographie du squelette sont des actes médicaux au sens du code de la santé publique. Or les décisions relatives à la santé du mineur relèvent des prérogatives d'autorité parentale conformément à l'article 371-1 du code civil. Seuls l'urgence vitale, les risques graves pour la santé du mineur ou le refus express du mineur permettent de déroger au pouvoir de décision des parents. Par ailleurs, en application du code de la santé publique, le consentement du mineur « doit être systématiquement recherché s'il est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision ». Les intéressés ont le droit de recevoir eux-mêmes « une information et de participer à la prise de décision les concernant, d'une manière adaptée [...] à leur degré de maturité s'agissant des mineurs ». De telles exigences supposent, si nécessaire, la présence d'un traducteur à chaque examen médical. Or, en pratique, ni l'autorisation du représentant légal, ni le consentement du mineur ne sont recherchés dans le cadre de ces examens. À propos des expertises réalisées à l'égard des mineurs retenus en zone d'attente, le président du tribunal de grande instance de Bobigny a reconnu, à l'occasion de son audition dans le cadre d'un rapport sénatorial, « la nécessité, dans une procédure civile, de recueillir le consentement du mineur, par le biais de l'administrateur ad hoc désigné pour le représenter, aux fins de procéder à l'examen médical ». En conséquence, il aimerait savoir ce que le Gouvernement va faire pour garantir la présence, dans une procédure civile, de l'administrateur ad hoc pour le représenter aux fins de procéder à l'examen médical.
En conformité avec ses principes constitutionnels, la France applique une réglementation très protectrice pour les étrangers mineurs quelle que soit leur situation juridique. Ainsi, un mineur isolé présent sur le territoire national ne peut faire l'objet d'une décision d'éloignement (cf. art. L. 511-4 et L. 521-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile - CESEDA). Néanmoins, la garantie juridique liée à l'état de minorité nécessite qu'en cas de doutes sur les déclarations de l'intéressé il soit procédé à une vérification de celles-ci. La validation de la minorité juridique par des documents d'état civil constitue le premier moyen de vérification, consacré par l'article 47 du code civil qui dispose que « tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi.... ». Le second moyen de validation de la minorité, notamment en l'absence de documents d'état civil, repose sur l'examen physique. Pour ce faire, il est procédé notamment à une radiographie de la main et du poignet et au contrôle de la dentition. Cette méthode d'analyse osseuse dite de Greulich et Pyle (deux scientifiques américains à l'origine de cet examen), à laquelle l'honorable parlementaire fait référence, constitue pour l'Académie nationale de médecine, d'après l'avis circonstancié du 8 mars 2006 qu'elle a rendu sur saisine conjointe des ministères de la justice et de la santé, un cadre référentiel « universellement utilisé » et offre « une bonne approximation de l'âge de développement d'un adolescent en dessous de seize ans », sans pour autant permettre « une distinction nette entre seize et dix-huit ans ». L'Académie conclut que cette méthode est plutôt favorable au mineur, en sous-estimant l'âge réel, de plus ou moins 18 mois observés, compte tenu de la marge de détermination scientifique de l'âge osseux, lors de ce test : « Il existe selon l'Académie de médecine, des situations relativement rares où âge de développement et âge réel comportent des dissociations, la plupart d'entre elles conduisant à une sous-estimation de l'âge réel. » Cette précision est importante puisqu'elle remet en cause l'idée selon laquelle le recours à cette méthode pourrait avoir pour effet de déclarer majeurs des jeunes mineurs. De même, dans son avis du 23 juin 2005, le Comité consultatif national d'éthique « ne récuse pas a priori leur emploi », dans la mesure où ces tests permettent de protéger tous les jeunes étrangers. « Le statut de mineur est », selon le comité, « un statut protégé » et « la protection qu'il entraîne pourrait encourager une certaine délinquance ou criminalité d'enfants ou d'adolescents instrumentalisés par des adultes ». En l'état actuel de la science, cette méthode constitue le meilleur test disponible, unanimement admis par les juridictions comme un mode possible de preuve de l'âge d'un jeune étranger, dans le respect de la personne du mineur et suivant des règles éthiques. Concernant la désignation d'un administrateur ad hoc, l'article L. 221-5 du CESEDA permet à l'étranger mineur non accompagné d'un représentant légal, de disposer, sur instruction du procureur de la République, en zone d'attente, d'un administrateur ad hoc, avisé immédiatement de sa désignation par l'autorité administrative en charge des contrôles de police. Cet administrateur assiste le mineur et assure sa représentation dans le cadre des procédures administratives et juridictionnelles relatives à son maintien en zone d'attente ainsi qu'à son éloignement et à son entrée en France.
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