M. Jean-Claude Fruteau alerte M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur l'annonce faite par la Commission européenne à propos de la commercialisation de poulets désinfectés au chlore. Depuis plus de onze ans, la commercialisation en Europe de poulets « javellisés », provenant essentiellement d'importations des États-unis, est interdite. Or, la Commission européenne a récemment réouvert le débat quant à la possibilité d'importer et de commercialiser des poulets trempés dans un bain à base de chlore. Cette annonce suscite de vives inquiétudes, tant chez les consommateurs que chez les producteurs. En effet, ces derniers craignent de voir le développement d'une méfiance des consommateurs à l'égard de l'ensemble de la filière qui a d'ores et déjà beaucoup souffert à cause des crises précédentes liées à la grippe aviaire. De plus, aucune étude approfondie sur le sujet n'a été menée jusqu'à présent et les doutes relatifs aux effets sur l'homme de l'utilisation de substances antimicrobiennes pour décontaminer les carcasses de volailles n'ont pas encore été levés. Aussi, il souhaite connaître la position de la France sur cette proposition de la Commission européenne. En outre, il désire savoir si les autorités sanitaires françaises ont été saisies pour apprécier pleinement les conséquences d'une telle pratique sur la santé humaine.
La réglementation sanitaire européenne relative au « paquet hygiène » ainsi que celle sur les normes de commercialisation des produits sur le marché communautaire interdisent à ce jour le recours à la décontamination chimique des viandes. De ce fait, les États-Unis ne peuvent exporter vers l'Union européenne les viandes de volaille qu'ils traitent généralement avec des dérivés chlorés. Ce sujet a été évoqué dans le cadre du Conseil économique transatlantique afin de trouver une solution qui a conduit la Commission européenne à présenter une proposition autorisant quatre substances, dont deux dérivés chlorés, pour le traitement chimique des viandes de volaille. À la suite de cette initiative, les consommateurs comme les professionnels français et européens ont fait part de leur opposition au recours à la décontamination chimique des carcasses de volailles. Le Gouvernement français partage cette position tant du fait des incertitudes scientifiques qui persistent sur l'innocuité des molécules dont l'usage est proposé que sur le principe même de la décontamination chimique. En effet, le recours à la décontamination systématique lors des dernières étapes de production ne doit pas se substituer aux démarches poursuivies depuis de nombreuses années en Europe pour maîtriser les dangers tout au long de la chaîne alimentaire, comme l'a rappelé l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) dans ses avis rendus les 20 mars et 19 juin 2007. L'AFSSA avait en effet été saisie en amont, afin d'envisager toutes les conséquences de la proposition en termes de santé publique. Cette position gouvernementale a été clairement exprimée au président de la commission européenne et aux quatre Commissaires en charge de l'agriculture, du commerce, de la santé et de l'environnement, et l'opposition des autorités françaises aux projets de texte en cours d'élaboration clairement manifestée. Les préoccupations de la France sont largement partagées au niveau communautaire, comme en témoignent les positions exprimées par les ministres aux conseils agriculture et pêche d'avril et de mai 2008 où le sujet a été évoqué à la demande de la France, ainsi que l'avis exprimé par les États membres lors du vote intervenu le 2 juin 2008 au sein du Comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale sur le projet de texte de la Commission visant à autoriser quatre substances en vue de la décontamination chimique des viandes de volaille : 26 États membres ont voté contre le projet, le 27e État membre s'est abstenu. La procédure prévoit que le Conseil agriculture et pêche soit désormais saisi. À cette occasion, la France réaffirmera son opposition, en conformité avec la résolution que le Parlement européen a adopté le 19 juin 2008 sur le sujet, afin de ne pas affaiblir les normes européennes en matière de sécurité des aliments ni perdre la confiance des consommateurs.
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