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Pierre-Alain Muet
Question N° 24073 au Ministère de la Justice


Question soumise le 3 juin 2008

M. Pierre-Alain Muet attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur des jurisprudences afférentes au logement issues de la 3e chambre civile de la Cour de cassation (arrêts des 24 mars 2004, 17 mai 2005 et 20 septembre 2006). De ces décisions il ressort en effet que la validité d'un congé dit pour vendre demeure y compris en cas de congé « pour rien », c'est-à-dire sans aucune réalité de la décision de vente du bailleur (ni a fortiori vente). Pourtant, l'article 15-I de la loi du 6 juillet 1989 dispose : « Lorsque le bailleur donne congé à son locataire, ce congé doit être justifié (...) par sa décision (...) de vendre le logement... ». Elle demeure également en cas de description fantaisiste des biens offerts à la vente, y compris avant échéance du délai de réflexion du locataire pour se décider à l'achat. Pourtant, l'article 15-II de cette même loi dispose : « Lorsqu'il est fondé sur la décision de vendre le logement, le congé doit, à peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de la vente projetée. Le congé vaut offre de vente au profit du locataire : l'offre est valable pendant les deux premiers mois du délai de préavis... ». Elle demeure aussi en cas de date d'effet erronée. Pourtant, l'objet même d'un tel congé est de signifier exactement la date de départ exigée du locataire, et par là même de reprise des locaux dont dépend la vente objet du congé. Elle demeure enfin, sur le principe, en cas de non respect des conditions d'application dans le temps figurant aux accords collectifs de location de 1998 et 2005 relatifs aux ventes par lots. Pourtant, ces textes disposent expressément de leur applicabilité immédiate et obligatoire, par l'article 7.1 de l'accord collectif du 16 mars 2005 (décret du 10 novembre 2006) d'une part, qui dispose : « Le présent accord est d'application immédiate pour toutes les opérations de vente à venir. Pour les opérations en cours au jour de sa signature, il est d'application immédiate aux phases et actes de l'opération non encore réalisés », et par l'article 6.1 de l'accord collectif du 9 juin 1998 (décret du 22 juillet 1999) d'autre part, ainsi rédigé : « Pour les opérations en cours, les bailleurs s'engagent à (...) mettre en oeuvre les dispositions du présent accord, en particulier les points 4.1 et 4.2 [protégeant les personnes démunies, malades, âgées, invalides]... ». Ainsi un bailleur peut, sans que la validité d'un congé soit affectée, délivrer un congé allégué pour vente mais en réalité sans motif ni fondement et en particulier sans décision de vendre ; il peut également fournir avant l'échéance du délai de réflexion de deux mois des informations erronées au locataire sur les prix et conditions de la vente ; il peut aussi se dispenser de signifier exactement au locataire sa date de départ ; il peut enfin s'affranchir de l'application des accords collectifs de 1998 et 2005, devenus sans effet s'agissant de protéger immédiatement les plus faibles et les plus démunis, notamment les personnes âgées ou les handicapés. C'est pourquoi il lui demande quelles dispositions contraignantes et immédiates elle entend prendre afin de garantir, pour l'avenir et le cas échéant en amont de leur rédaction, le respect des textes législatifs et réglementaires par la Cour de cassation, et de telle manière que la règle collective voulue et figurant à ceux-ci soit autre qu'une illusion en matière de protection des plus faibles et des plus fragiles soumis à la spéculation immobilière des ventes à la découpe.

Réponse émise le 12 août 2008

La garde des sceaux, ministre de la justice fait connaître à l'honorable parlementaire qu'en vertu du principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs, elle ne peut donner aucune orientation aux procédures en cours, ni émettre d'avis sur les décisions rendues souverainement par les juridictions. En matière locative, le congé délivré à un locataire d'un local d'habitation est soumis aux règles édictées par les textes législatifs et notamment par l'article 15 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986. Les textes applicables en la matière ont été complétés par les dispositions relatives à la vente à la découpe telles qu'elles résultent de la loi n° 2006-685 du 13 juin 2006 dite loi Aurillac, qui a précisément pour objet de combler un vide juridique et d'imposer au bailleur un cadre juridique précis de nature à protéger le locataire dans des situations où il pourrait être victime d'opérations de spéculation immobilière. L'ensemble de ce dispositif législatif a permis de mettre fin à des situations préjudiciables notamment aux locataires les plus fragiles et les plus démunis. Les juridictions chargées de l'application de ces textes statuent avec conscience et objectivité dans le cadre et les limites de leur pouvoir souverain d'interprétation.

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